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En retardant son plan de relance, le gouvernement risque de rater sa rentrée
©000_1W03CK STEPHANE DE SAKUTIN AFP

ATLANTICO BUSINESS

Le gouvernement a donc retardé la présentation de son plan de relance, ce qui accrédite une fois de plus ses incertitudes et ses hésitations sur le diagnostic de la situation sanitaire et une sous-estimation de la capacité des entreprises à gérer cette crise historique.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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« Mais qu’enfin, on nous laisse faire ! ». Tel est le cri du cœur pour beaucoup de chefs d’entreprises devant les hésitations du gouvernement à gérer cette rentrée. Le vrai risque, ça n’est pas la rentrée, c’est la peur de rentrée. 

Du coup, les vacances s’étirent en longueur. Personne ne sait au juste quand aura lieu la rentrée du gouvernement. Ça devait être ce lundi mais sans doute pas, plutôt la semaine suivante. Ce sentiment d’hésiter sur la réalité de la situation sanitaire qui paraît s’aggraver pour certains, alors que l’augmentation des taux de contagion ne s’accompagne pas d’une augmentation des taux graves. Hésitation pour les uns qui veulent imposer les masques partout et en toute circonstance et d’autres, tout aussi responsables, qui considèrent que le masque ne sert à rien. L’opinion se souvient qu’en mars,  on lui a raconté que les masques étaient de fait inutiles, ce qui tombait bien comme explication puisque on n’en avait pas et que personne ne voulait le reconnaître. Quelle cacophonie entre ceux qui jouent sur l’indifférence au virus. Ce virus qui ne touche plus que les jeunes et qui serait désormais sans gravité et ceux qui considèrent que nous sommes à la veille d’une deuxième vague et que l’urgence des urgences est de se protéger un maximum. 

L’optimisme des uns légitime tous les excès et tous les dérapages. 

Les pessimisme ou l’opportunisme des autres accréditent toutes les mesures de protection possibles, du port du masque partout au travail, et même chez soi, ou en déplacement au reconfinement avec le risque d’asphyxier complètement la machine économique. Ce qui donne des raisons solides à tous ceux qui auraient le droit au retrait. Les cheminots se demandent s’ils doivent travailler et l’un des syndicats d’enseignants les plus puissants croise le fer avec l’administration pour obtenir un report de la rentrée. Afin de se préparer. Ce que ce syndicat, après une semaine de débats particulièrement spécieux, n’a pas obtenu. Et heureusement. 

En attendant, cette cacophonie traduit l’inquiétude, mais surtout l’indécision profonde, dans laquelle est plongé le gouvernement. L’exécutif semble incapable de dégager un diagnostic très clair mais on peut le comprendre parce que les scientifiques sont les premiers à être déboussolés, contradictoires et finalement confus. 

Mais là où le gouvernement est anxiogène dans son comportement et sa communication, c’est qu’il ne semble pas avoir choisi très clairement sa ligne stratégique.

Entre la nécessité de sauver la reprise de l‘économie pour éviter la catastrophe et l’application à l’extrême du principe de précaution et de protection des humains, y compris de ceux qui ne sont pas menacés mais qui pourraient l’être.

L’annonce du plan de relance de l'économie est retardée d’une semaine, alors qu’elle était pourtant très attendue par les chefs d’entreprises, s’explique officiellement par le calendrier politique. 

Le gouvernement cherche à assurer la rentrée scolaire cette semaine pour réussir la rentrée économique la semaine prochaine. Alors ce calendrier répond à une certaine logique. Si la rentrée scolaire est réussie, la remise au travail pourra se faire plus sereinement dans la mesure où les parents pourront mettre leurs enfants à l’école. Ajoutons à cela qu‘une fois la rentrée faite sans gros drame, l’espace médiatique pourra être entièrement dégagé pour faite la place au décryptage économique sur le fond. 

Le contenu du plan de relance ne va sans doute pas évoluer ... 100 milliards au total… Selon la clef de répartition suivante :

40 milliards pour l’industrie afin de consolider les implantations nationales des secteurs stratégiques, dont 10 milliards de baisse des impôts de production. Des impôts qui pèsent sur la compétitivité et qui ont été des accélérateurs de délocalisation et plus de 3 milliards pour regonfler les fonds propres des PME. 

20 milliards pour financer la transition écologique, soit 7 milliards pour la rénovation des bâtiments et 13 milliards pour la réduction des émissions de CO2 (plan d’aide à la voiture électrique, plan vélo...) ;

20 milliards pour l’emploi et la création d’emplois. Il faut très rapidement trouver 700 000 emplois à offrir aux jeunes qui arrivent sur le marché. L’essentiel sera fléché vers les jeunes à faible compétence pour les diriger vers l’apprentissage, contrat d’apprentissage et contrat d’insertion, exonérations de charge pour les emplois jeune.

20 milliards d’euros en dépenses de solidarité, notamment dans le système de santé, mais qui devraient s’ajouter aux revalorisations décidées dans le plan Ségur...

Beaucoup dans la classe politique vont nous expliquer que ça ne sera pas suffisant. Peut-être, sauf que ça s’ajoute aux 460 milliards de moyens financiers qui avaient été mobilisés dès le début du confinement et par ailleurs, ça reste finançable. Les 460 milliards seront financés par des prêts contractés par les entreprises qui devront les rembourser, même si beaucoup sont garantis par l’Etat. Ces 460 milliards sont surtout des prestations sociales (assurance chômage) et un manque à gagner en recettes fiscales ou sociales. Autant de dépenses sur lesquels l’Etat fait le pari que la croissance viendra participer au financement. 

Sur les 100 milliards du plan de relance, un bon tiers est financé par l‘Europe, le solde sera financé par de la dette publique ou là encore, on espère que la croissance restaurée permettra de dégager des recettes fiscales et sociales. En attendant, et Bruno le Maire l’a réaffirmé, le gouvernement ne prévoit pas de hausses d’impôts. Mieux, il peut se permettre le luxe d’organiser pour les entreprises des baisses d’impôts de production et même des baisses d’impôts sur les sociétés (IS). Il peut le faire, puisqu’avec peu de croissance comme ce sera le cas cette année et sans doute encore l’année prochaine, la masse des produits taxables aura rétréci grandement. C’est une baisse qui coute moins chère au budget de l’Etat qu’elle n’y paraît. Le cadeau fiscal paraitra inattendu. La vérité est que le cadeau n’est pas sucré et qu’en contrepartie, les chefs d’entreprises ont la responsabilité de créer de la croissance. 

La clef du redressement est donc bien la croissance économique. C’est la raison pour laquelle les chefs d’entreprises auraient apprécié faire leur rentrée cette semaine lors de l’université d’été du Medef avec le plan de relance. Ça aurait contrebalancé l’obligation de renforcer les mesures barrières (le masque partout et en toute circonstance). Les premières études tendent à montrer que le port du masque partout dans l’entreprise hypothèque la productivité de 15 à 20 %. C’est plus lourd que la baisse d’impôt promise. 

Et si la croissance est la clef de la sortie de crise, on sait bien que cette croissance dépend de trois séries de facteurs 

1-La liberté des entreprises à fonctionner dans la stabilité 

2- La conjoncture internationale 

3 -L’état sanitaire. La promesse d’un vaccin ou d’un traitement. Les seuls moyens de rétablir le contrat de confiance entre les acteurs du système économique. 

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