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Le crowdfunding permet à un grand nombre de personnes de participer au financement d'un projet.
Le crowdfunding permet à un grand nombre de personnes de participer au financement d'un projet.
©Reuters

Plus fort que la crise

La crise économique a relancé la question capitale des sources de financement. Des voies alternatives, telles que le crowdfunding, se développent. Encore relativement marginales, elles représentent néanmoins une part de plus en plus importante des investissements.

Robin Rivaton

Robin Rivaton

Robin Rivaton est chargé de mission d'un groupe dans le domaine des infrastructures. Il a connu plusieurs expériences en conseil financier, juridique et stratégique à Paris et à Londres.

Impliqué dans vie des idées, il écrit régulièrement dans plusieurs journaux et collabore avec des organismes de recherche sur les questions économiques et politiques. Il siège au Conseil scientifique du think-tank Fondapol où il a publié différents travaux sur la compétitivité, l'industrie ou les nouvelles technologies. Il est diplômé de l’ESCP Europe et de Sciences Po.

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  1. Atlantico : L'entreprise de logiciels informatiques Canonical a récolté près de 7 millions de dollars sur le site de crowdfunding Indiegogo (voir la page du projet) afin de proposer un smartphone alternatif à l'iPhone. Elle espère en récolter au total 32 millions. En quoi consiste le crowdfunding ?

    Robin Rivaton : Le crowdfunding, appelé également financement participatif, est un moyen de financement de projets divers qui peuvent être de nature entrepreneuriale, artistique ou du mécénat. Dans l'esprit originel, il s'agit de jouer sur la quantité en rassemblant un grand nombre de participants (la foule : crowd) qui investiraient ou donneraient une somme unitaire pas forcément élevée mais dont la collection aboutirait à une levée de fonds supérieure à ce qui aurait pu être obtenu via des moyens de financement classiques.

    Il s'agit d'une pratique ancienne qui est aujourd'hui très populaire du fait de l'audience énorme qu'offrent les plateformes internet, du côté ludique et désintermédié pour les investisseurs/donateurs qui ont la sensation de participer à quelque chose de concret dont ils verront l'aboutissement.

    Quelles sont les autres possibilités de financement qui diffèrent de celle du système bancaire classique ?

    Le crowdfunding est effectivement un moyen de financement alternatif au système bancaire. Il rejoint donc la palette des financements alternatifs qui comptait déjà le financement obligataire sur les marchés boursiers, l'investissement en direct de la part de business angels ou de fonds de capital-amorçage. Le micro-crédit est aussi un mode de financement différent, souvent à vocation solidaire, qui offre des prêts à taux réduit de faible montant pour engager des projets. Par rapport au crowdfunding, ces modes de financement sont complexes et ils nécessitent d'avoir déjà bien avancé son projet entrepreneurial avec la rédaction d'un business plan ou de documents financiers.

    En général trois formes d'apport sont présentées aux investisseurs via le crowdfunding : un don de faible montant appelé "présent d'usage" qui est souvent utilisé pour les projets qui doivent aboutir à la création d'un prototype (ex : l'imprimante 3D The Buccaneer de Pirate 3D) ; une participation aux fonds propres de la société créée, l'investisseur devenant actionnaire ; un prêt mais il ne peut être que sans intérêt car seuls les établissements de crédit agréés par la Banque de France peuvent collecter de fonds pour réaliser des opérations de prêt à intérêt.

    Certaines industries ont-elles plus recours que d'autres à ces financements alternatifs ? Lesquelles et pour quelles raisons ?

    Le crowdfunding est particulièrement intéressant pour des activités dans lesquelles son côté ludique s'exprime le plus : il s'agit notamment des projets où la finalité est d'aboutir à un bien plutôt qu'à un service car l'investisseur peut espérer voir le résultat concret de son financement. Le mécénat s'y prête aussi particulièrement car le donateur peut se rendre sur place pour observer les bénéfices de son don, surtout que désormais les institutions bénéficiaires essayent de valoriser les donateurs en affichant leur nom ou leur photo publiquement par exemple.

    Enfin, les activités artistiques qui engagent un lien fort entre le financeur et l'artiste sont aussi en mesure de rassembler des sommes importantes parce que les financeurs, souvent fans, vont organiser une publicité indirecte en faveur de l'artiste qu'ils auront choisi. Les jeux vidéo ou les séries télévisées attirent de gros montants via le crowdfunding car ils sont susceptibles d'agréger rapidement une communauté de fans, jeunes, rompus à ce type de financement et motivés pour faire la publicité de leur investissement.

    La crise a-t-elle encouragé leur développement ?

    C'est difficile de dire que la crise a encouragé le développement de ces activités qui lui préexistaient. Je pense que c'est la consolidation de la notoriété de ces plateformes avec la publicité organisée autour de certains succès, le chanteur Grégoire sur My Major Company, la console Ouya ou la montre Pebble, qui a contribué à élargir leur audience, générant une augmentation des sommes collectées, attirant ainsi de nouveaux projets qui attirent eux-mêmes de nouveaux investisseurs. Un écosystème vertueux s'est instauré.

    Le développement de solutions alternatives dénote-t-il une perte de confiance dans le système bancaire ? Y a-t-il d'autres raisons qui peuvent expliquer cet engouement ?

    Ces financements ne représentent qu'une partie très marginale du total des financements réalisés chaque année. Et malgré un rythme de développement effréné, ils ne sont pas en mesure de remettre en cause le financement bancaire. Ils peuvent jouer sur une certaine défiance vis-à-vis du système bancaire mais les gens ne se risqueraient pas à confier d'importantes sommes d'argent à des inconnus avec lesquels leur seul lien est une vidéo de présentation d'un prototype ou une maquette musicale. La confiance dans le système bancaire est assurément plus forte car il mutualise les risques et permet d'engager la responsabilité de l'intermédiaire à la différence d'un système de crowdfunding qui oblige l'investisseur à supporter seul les risques de son pari.

    Y a-t-il un encadrement législatif  français ou européen pour ce type de financement ? Y a-t-il des risques ? Si oui, lesquels ?

    Les deux autorités de contrôle de la finance en France, l'ACP (Autorité de contrôle prudentiel) et l'AMF (Autorité des marchés financiers) ont lancé une démarche de clarification du cadre légal pour ce type de financement qui a prospéré dans un flou juridique jusqu'à présent. Un rapport doit être remis à la rentrée. Le flou n'est pas sans risque pour l'épargnant et c'est dans cette optique de protection que les deux régulateurs veulent agir. En effet, comme je le disais, les épargnants peuvent perdre l'intégralité de leur participation si le projet dans lequel ils ont investi souffre de difficultés financières. Dans les pires des cas, le risque de détournement ou de mauvaise allocation n'est pas nul, sur les plateformes les moins connues.

Propos recueillis par Juliette Mickiewicz

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