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En France, l’activité est au point mort et les défaillances progressent
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Perspectives

Les perspectives économiques françaises ne sont pas très enthousiasmantes selon un rapport du Crédit agricole. Entre croissance atone et faillites d'entreprises, les mauvaises nouvelles s'accumulent.

Banque Crédit Agricole

Banque Crédit Agricole

Souvent appelé la Banque verte du fait de son activité d'origine au service du monde agricole, la Banque Agricole est un réseau français de banques coopératives et mutualistes qui est devenu depuis 19902 un groupe bancaire généraliste international.

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La France n'atteindra pas sa cible de réduction du déficit public à 3% du PIB en 2013, en raison d'une conjoncture plus dégradée que prévu fin 2012 et début 2013. Le respect de cet objectif aurait nécessité un effort structurel supplémentaire de 10 milliards d'euros environ, soit un ajustement budgétaire total de près de 50 milliards sur un an. Cet effort aurait probablement fait basculer l'économie française en récession. C'est bien pour ne pas endommager excessivement la croissance que l'objectif est reporté à 2014.

L'activité française a reculé au quatrième trimestre 2012 (-0,3% t/t). Face à un environnement incertain, les chefs d'entreprise ont reporté leurs décisions d'investissement (-0,7% t/t) et largement déstocké (contribution de -0,4 point à l'activité). Cette contraction du PIB en fin d'année laisse un acquis de croissance négatif de 0,2%. C'est un handicap pour l'année 2013, auquel vient s'ajouter le repli attendu de l'activité au premier trimestre (-0,1% t/t prévu). L'incertitude générée par le résultat des élections italiennes devrait conforter l'attentisme des chefs d'entreprise. La consommation des ménages montre des signes d'essoufflement. Les achats d'automobiles subissent notamment le contrecoup de leur bond de décembre, lié à l'anticipation du durcissement du malus écologique au 1er janvier.

Au-delà de cet épisode récessif, l'activité devrait progresser à des rythmes trimestriels très ralentis (+0,1% en moyenne annuelle en 2013). Les freins à l'œuvre sont nombreux et puissants, à l'instar de l'assainissement des finances publiques. La loi de finances 2013 prévoit un effort structurel très élevé (38 milliards d'euros, soit 1,9 point de PIB) obtenu par un freinage des dépenses et surtout par une forte hausse des prélèvements fiscaux et sociaux. C'est un cocktail peu favorable à l'activité, notamment pour les entreprises, déjà contraintes par des débouchés médiocres, une productivité faible, des coûts salariaux élevés et des capacités de production excédentaires. Les marges, dès lors comprimées, vont peiner à se redresser, tout comme l'investissement, attendu en recul de 0,4% en moyenne annuelle.

Dans ce contexte, les entreprises n'auront pas d'autres choix que de poursuivre l'ajustement de leurs effectifs. Des créations d'emplois publics (contrats de génération et emplois d'avenir) atténueront l'impact de ce repli de l'emploi privé sur l'emploi total, mais ne suffiront pas à infléchir la courbe du taux de chômage, attendu en hausse jusque 10,7%1 fin 2013. Ainsi, la progression des revenus d'activité sera bridée, et dans son sillage, celles du revenu disponible brut et du pouvoir d'achat, qui continuerait à légèrement reculer, malgré le tassement de l'inflation. Ce profil de pouvoir d'achat n'est pas sans conséquence sur les dépenses des ménages. Néanmoins, grâce au potentiel de baisse du taux d'épargne, la consommation privée stagnerait en 2013 (c'est mieux qu'ailleurs en Europe, mais très loin de sa progression tendancielle d'environ 2% en moyenne annuelle). Les importations vont ainsi rester modestes. La contribution du commerce extérieur ne sera pas pour autant positive (elle devrait être neutre), les exportations restant affaiblies par un environnement européen peu porteur et des difficultés structurelles bien connues (offre insuffisamment compétitive, marges à l'exportation serrées, spécialisation géographique et sectorielle non optimale, taille des PME insuffisante, etc.)

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La France restera au bord de la récession en 2013. C'est ce qui a conduit à reporter à 2014 l'objectif de réduction du déficit public à 3% du PIB : son respect aurait nécessité un effort supplémentaire de 10 milliards d'euros, soit un effort structurel total de près de 50 milliards qui risquait de provoquer une récession profonde. Ce report ne remet pas en cause la volonté d'afficher des finances publiques à l'équilibre à l'horizon 2017. De nouveaux efforts structurels, portant principalement sur les dépenses publiques, seront engagés en 2014 et au-delà ; ce qui maintiendra sous pression la demande domestique et installera vraisemblablement la France dans une phase de reprise très molle.

En 2014, l'activité française bénéficiera néanmoins d'un léger surplus de croissance (1,2% en moyenne annuelle), grâce aux effets conjugués de l'amélioration attendue des débouc2hés, notamment européens, et des réformes structurelles engagées. La mise en place du CICE, en abaissant les coûts unitaires de production, devrait permettre une amélioration des profits et de l'investissement des entreprises (hausse attendue de 2,8% en 2014). En palliant en partie les problèmes de compétitivité coût et qualité, elle devrait stimuler les exportations (+2,7%). Les accords sur le front de l'emploi dits de "flexisécurité" pourraient jouer sur confiance des chefs d'entreprise et favoriser de premières embauches, permettant un léger reflux du taux de chômage en fin d'année 2014.

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En 2012, 61 294 entreprises ont fait faillite en France

En 2012, les secteurs les plus concernés par la hausse des faillites sur un an sont les activités immobilières et le transport (avec une hausse sur un an de respectivement 11,3% et 11,7% fin 2012). Les secteurs les moins impactés sont l'industrie et le secteur de l'information et de la communication (+ 0,7% pour ces deux secteurs fin 2012) dont 57 284 PME. Pour juger du caractère élevé ou faible de ce chiffre, il convient de le mettre en perspective :

- Depuis le début des années 1990, le plus haut niveau des défaillances (cumul sur douze mois) a été atteint en octobre 1993 : 63 999 défaillances ont alors été recensées.

- La crise de 2009 a débouché sur un niveau de défaillances comparable, puisqu'on a comptabilisé 63 395 faillites (toujours en cumul sur douze mois).

- En moyenne, depuis 1990, le cumul sur douze mois des faillites s'élève à un peu plus de 53 000 entités.

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En 2012, 61 294 défaillances ont été recensées en France, soit une hausse de 2,9 % sur un an. Ce rythme d'évolution est assez contenu par rapport à ce que l'on observe habituellement en phase de retournement cyclique.

À l'exception des défaillances des ETI et des grandes entreprises, les faillites ont globalement augmenté moins rapidement sur la période récente qu'en 1992, 2001 et 2008. On peut penser que ceci tient à l'ampleur et à la durée des chocs récessifs, qui diffèrent suivant les cas. Dans la configuration actuelle, c'est plus la longueur de l'épisode de quasi-stagnation qui met à l'épreuve la solidité financière des entreprises.

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Néanmoins, les ETI présentent des faiblesses sur le plan financier. Étant très présentes dans le secteur industriel, les ETI sont contraintes d'investir pour maintenir l'efficacité de leur appareil productif. Elles se distinguent d'ailleurs par un taux d'investissement structurellement supérieur à celui des autres entreprises (cf. tableau 1 et graphique 5), mais aussi un taux d'autofinancement plus faible. Les ETI ont ainsi plus recours à l'endettement que les PME. Ce taux, égal à 71,4 % en 2011 pour l'ensemble des entreprises, est limité à 44,4 % pour les PME et atteint 69,1 % pour les ETI.

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- Les ETI souffrent d'une fiscalité moins avantageuse que les petites entreprises, qui bénéficient d'exonérations et d'aides fiscales, et que les grandes entreprises, aptes à utiliser des outils d'optimisation fiscale. Une étude du Trésor3 datée de 2011 indique un taux de prélèvements obligatoires (ratio des prélèvements obligatoires sur la valeur ajoutée des entreprises) de 30 % pour les micro-entreprises, 32 % pour les PME, 33 % pour les ETI et 29 % pour les grandes entreprises. Dans la même logique, le conseil des prélèvements obligatoires (2009) souligne quant à lui que le taux de l'impôt effectivement acquitté n'est que de 8% pour les entreprises du CAC 40 et de 22% pour les PME (repris des Etudes économiques de l'OCDE France, mars 2013).

- Enfin, les ETI ont à peu près le même type de délais nets de règlement clients (en jours de CA taxes comprises) et fournisseurs (en jours d'achats taxes comprises) que les PME (cf. tableau 2), à savoir qu'elles procèdent aux paiements de leurs fournisseurs en 52 jours, et se font payer par leurs clients en 46 jours, alors que les grandes entreprises, qui disposent d'un pouvoir de négociation plus important, se font payer plus rapidement, en 35 jours, et paient leurs fournisseurs sous un délai plus long, en 61 jours.

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La hausse du taux de défaillance des ETI, constatée depuis 2011, a entraîné une augmentation des destructions d'emploi et du coût financier liée aux faillites d'entreprise. Ainsi, d'après une estimation de la Coface, un peu plus de 200 000 emplois ont été détruits en 2012, soit une hausse de 8,5%. De plus, le coût financier des défaillances, c'est-à-dire le total des dettes détenues par les fournisseurs, s'est élevé à 4,4 Mds d'euros, en hausse de 11% par rapport à 2011, et représentant 0,2% du PIB.

Comparaison avec les autres pays, notamment européens

Globalement, une hausse du nombre de défaillances a été constatée à travers le monde, ce qui est peu surprenant au regard de l'évolution de la conjoncture.

- Pour certains pays, la tendance au repli des défaillances observée en 2011 s'est seulement modérée en 2012, comme aux États-Unis, au Canada, ou en Chine.

- Pour d'autres, aux Pays-Bas, en Russie ou encore en Suède, les défaillances sont reparties à la hausse, à l'instar de la situation française.

- Enfin, dans les pays pour lesquels une augmentation des faillites avait été d'ores et déjà constatée en 2011, le mouvement s'est accentué, comme en Espagne.

Néanmoins, il convient d'être très prudent quand on compare les niveaux de faillites, la définition des défaillances d'entreprise n'étant pas la même d'un pays à un autre. Deux particularités existent :

- Le traitement des défaillances d'entreprises individuelles est différent en fonction des pays : elles peuvent être soit intégrées dans les statistiques des défaillances d'entreprise, soit comptabilisées dans les faillites personnelles, comme c'est le cas aux Etats-Unis (environ 17 millions d'entités).

- Par ailleurs, dans certains pays, les arrangements dits à l'amiable sont privilégiés (en Italie, en Espagne) : les chiffres officiels sous-estiment donc les défaillances réelles.

Il faut donc être très vigilant quand on compare les niveaux des défaillances entre plusieurs pays, comme nous allons le faire sur l'Allemagne et l'Italie.

Moins de défaillances en Allemagne qu'en France

Sans trop de surprise, les défaillances sont moins nombreuses en Allemagne qu'en France. En 2012, 28 297 défaillances ont été comptabilisées outre-Rhin, soit deux fois moins qu'en France. Plus globalement, depuis le début des années 1990, l'Allemagne affiche un nombre de défaillances largement inférieur à celui de la France

Et ce n'est pas une différence de champs considérés qui explique ce différentiel : les définitions, allemande et française, d'une défaillance sont, en effet, très proches. En Allemagne, une entreprise fait faillite lorsqu'une procédure judiciaire est ouverte à son encontre, pour illiquidité effective ou imminente (incapacité à honorer ses paiements arrivés à échéance), ou surendettement. Comme en France, la procédure judiciaire peut déboucher soit sur le redressement de l'entreprise, soit sur sa liquidation. Si la définition de la défaillance est similaire, la législation est sensiblement différente une fois la faillite survenue. En Allemagne, ce n'est pas le juge (comme en France), mais les créanciers qui statuent sur le redressement ou la liquidation de l'entreprise. Et jusqu'au 1er mars 2012, le chef d'entreprise allemand était le plus souvent démis de ses fonctions et remplacé par un administrateur, ce qui n'est pas le cas en France. Ces éléments ont certainement incité les chefs d'entreprise allemands à la plus grande prudence.

Si le nombre d'entreprises est presque équivalent en Allemagne et en France, les entreprises allemandes sont plus grandes et plus solides financièrement.Face à une demande domestique atone, elles ont su rebondir, en se positionnant et en se développant à l'international, où elles tirent leur épingle du jeu grâce à des produits compétitifs, notamment sur le plan de la qualité. À l'inverse, les entreprises françaises souffrent d'une profitabilité affaiblie et n'ont ainsi pas autant les moyens d'investir et d'innover que leurs homologues allemandes. Dans un contexte d'affaiblissement des demandes domestique et régionale, elles peinent à trouver des relais de croissance extérieurs (hors zone euro), puisque leur offre commerciale, faute d'efforts d'investissement et d'innovation suffisants, est de moyenne gamme, et donc soumise à une forte concurrence étrangère. Le risque de défaillance est donc pour elles plus élevé.

Moins de défaillances, à première vue, en Italie qu'en France

Depuis 2009, le nombre de défaillances d'entreprise italiennes a atteint 45 000 entités. La hausse cumulée de 2008 à 2012 est de 64%. La moitié des défaillances concerne des entreprises de services, mais c'est dans le secteur manufacturier que l'impact de la crise a été le plus violent, avec 5,2% d'entreprises ayant fait faillite, contre 4,6% dans le bâtiment et 2,2% dans les services.

En 2012, 12 000 défaillances ont été recensées, en hausse de 2,1 % par rapport à 2011. Au quatrième trimestre 2012 (dernières données disponibles), la progression du nombre de défaillances ralentit avec un nombre de 3 600, soit une hausse de 1,7 % par rapport au quatrième trimestre 2011. Malgré la forte augmentation observée sur la période récente, ce chiffre de 12 000 défaillances peut sembler très faible : il est cinq fois moins fort qu'en France. La profitabilité des entreprises italiennes est certes supérieure à celle des entreprises françaises, mais un tel écart peut surtout s'expliquer par deux points :

- La législation italienne exclut de la procédure de défaillance les entreprises agricoles et celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 200 000 euros par an.

- Les procédures négociées de restructuration d'entreprises en crise (hors défaillances) ont enregistré une remontée rapide en 2012 (+4,1%), notamment les restructurations de la dette (+10,3%).

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Qu'attendre pour 2013 ? Pour 2014 ?

Les défaillances sont une variable légèrement retardée dans le cycle économique. Elles arrivent en aval et non en amont d'une activité dégradée.

Ainsi, compte tenu de nos prévisions de croissance très modestes, la hausse des défaillances devrait se poursuivre en 2013. Malgré un léger redressement de leur profitabilité (taux de marge attendu à 28,2 % pour les sociétés non financières en fin d'année, après 27,7 % au quatrième trimestre 2012), dû à des gains de productivité liés à l'ajustement de l'emploi, les entreprises resteront fragiles et ne pourront, pour certaines, faire face plus longtemps à des débouchés domestiques et extérieurs, notamment européens, médiocres.

En 2014, les entreprises bénéficieront des effets du CICE (Crédit Impôt Compétitivité Emploi), avec une baisse des coûts unitaires de production et donc une amélioration des profits. Le taux de marge est ainsi attendu à 29,1 % en 2014, après 28,1 % en moyenne en 2013. Même si l'activité restera bridée, en France comme en zone euro, par la poursuite des désendettements publics et/ou privés, elle devrait néanmoins légèrement se redresser, à la faveur d'une croissance plus porteuse hors zone euro et d'efforts d'assainissement moins importants. Grâce à l'effet conjugué d'une situation financière un peu plus solide et de débouchés légèrement plus dynamiques, les défaillances devraient reprendre le chemin de la baisse.

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