Elon Musk clame que l’IA rendra TOUS les emplois obsolètes. Tous, vraiment ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Comme à l’accoutumée, Elon Musk aime à se lancer dans des déclarations excessives qui vont avoir le mérite – à ses yeux – d’attirer l’attention sur lui et sur ses propos.
Comme à l’accoutumée, Elon Musk aime à se lancer dans des déclarations excessives qui vont avoir le mérite – à ses yeux – d’attirer l’attention sur lui et sur ses propos.
©Joshua LOTT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Provocateur

Au sommet historique sur la sécurité de l'Intelligence artificielle au Royaume-Uni à Betchley Park, Elon Musk a prédit que le travail humain deviendrait obsolète.

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah est écrivain et journaliste, spécialisé dans les jeux vidéo, les nouvelles technologiques, la musique et la production musicale.

Il est l'auteur de nombreux best-sellers tels que La Saga des jeux vidéos, Les 4 vies de Steve Jobs, Rock Vibrations, Le Livre de la Bonne Humeur, Bill Gates et la saga de Microsoft, etc. Daniel Ichbiah a aussi écrit : Qui es-tu ChatGPT ?

Parmi les biographies musicales écrites par l’auteur figurent celles du groupe Téléphone, de Michael Jackson, des Beatles, d’Elvis Presley, de Madonna (il a également publié Les chansons de Madonna), des Rolling Stones, etc. 

Voir la bio »

Atlantico : Au sommet historique sur la sécurité de l'IA au Royaume-Uni à Betchley Park, Elon Musk a prédit que le travail humain deviendrait obsolète, ajoutant "qu'il viendra un moment où aucun travail ne sera nécessaire". Quels sont les risques posés par l'Intelligence Artificielle? Quel impact la technologie pourrait avoir sur l'emploi ?  

Daniel Ichbiah : Comme à l’accoutumée, Elon Musk aime à se lancer dans des déclarations excessives qui vont avoir le mérite – à ses yeux – d’attirer l’attention sur lui et sur ses propos. Cette déclaration est outrageusement exagérée, et cela contribue au sentiment de déception qui émane de sa personnalité depuis plusieurs années. Franchement, pour Musk, il y a eu un avant et un après. C’est quelqu’un que nous avons été nombreux à admirer lorsqu’il a imposé Space X et Tesla Motors.

Et puis, depuis qu’il devenu l’un des hommes les plus riches du monde, un grand nombre de ses actions et prises de position ont semblé avoir pour principal objectif de choquer, de désarçonner, de prendre à rebrousse-poil. D’une certaine manière, il est en train de le payer car par exemple, 15 % des abonnés de Twitter ont déserté ce réseau social.

Pour en revenir avec l’Intelligence Artificielle, le risque est certes patent mais pas à l’échelle globale. Fin mars 2023, la banque d'investissement Goldman Sachs a publié une étude faisant ressortir que les intelligences artificielles telles que ChatGPT pourraient avoir un impact sur 300 millions d'emplois au niveau mondial. C’est un chiffre énorme, mais cela ne signifie pas non plus « tous les emplois ».

Il faut savoir aussi qu’en parallèle, la demande pour des ingénieurs ou spécialistes en intelligence artificielle a doublé en l’espace de deux ans. Et ce sont des jobs très bien payés. Bref, Musk, comme à l’accoutumée, raconte n’importe quoi. Et cela en devient lassant.

Quels seront les secteurs touchés ?

ChatGPT et autres IA vont avant tout remplacer les métiers liés à la bureautique, des tâches hautement répétitives. Ainsi tout ce qui relève de la recherche et du classement d’informations. Les clercs de notaire en sont un bon exemple.

L’activité consistant à écrire des communiqués de presse en est une autre – dès le début de l’année, j’ai eu maints échos de sociétés qu confiaient désormais une telle tâche à ChatGPT. Pourquoi ? Parce que c’est un exemple de job que l’on peut aisément automatiser : la forme est prédictible. Donc, il est certain qu’un grand nombre de jobs de bureau seront impactés. Par exemple, il existe de nombreux algorithmes d’intelligence artificielle qui sont à même de taper ce que l’on dicte. OpenAI, le créateur de ChatGPT, a mis au point une technologie, Whisper, qui est très fiable.

Plutôt les métiers intellectuels ou manuels ?

Dans mon livre ChatGPT, qui es-tu ?, je dis ceci : «  ChatGPT et les outils du même type devraient avant tout menacer les professions reposant sur des séquences d’action ultra codifiées et répétitives, ne nécessitant pas d’initiatives particulières. Un peu comme les bras articulés qui effectuent la peinture ou la soudure sur les chaînes d’assemblage automobile ont remplacé les ouvriers qui étaient affectés à cette pénible tâche. Une même mutation devrait se produire dans les métiers extrêmement codifiés et somme toute peu attrayants ».

En d’autres termes, les métiers impactés sont ceux qui n’incluent pas de créativité, toutes les tâches répétitives que l’on peut déléguer à une machine ou à un robot. Cela inclut la bureautique mais aussi des actions telles que la gestion de stocks de produits ou même la livraison – Amazon y œuvre dès à présent.

Maintenant, il faut bien prendre en compte le fait que l’IA opère à partir de données du passé, des données générées par des humains. Et donc, elle n’est pas très à l’aise dans la prédiction de phénomènes inédits.

Il y a une dizaine d’années, certains ont voulu créer des applications qui seraient en mesure de prévoir quels films, quelles chansons vont avoir du succès. Dans la pratique, la déception a été au rendez-vous.

Prenons le cas d’une artiste comme Taylor Swift. L’attachement du public vient en partie de ses chansons mais aussi dans une large part de l’attachement qu’elle a su créer avec son public, que ce soit via les réseaux sociaux, via ses concerts, via ses prises de position – et aussi ce qu’elle représente pour une partie des américains. Toutes ces choses qui composent une personnalité et qui font que certains s’y attachent, tout cela échappe au calcul par des ordinateurs.

Plus généralement, ce qui est à prévoir avec l’essor de l’IA, c’est un retour en puissance des métiers artisanaux, créatifs, ou encore ceux exploitant les capacités à la communication, l’innovation. Bref, ce qui est propre à l’humain. Nous devrions également voir se développer les activités dans lesquelles un professionnel se fait assister par l’IA comme dans le cas des robots d’opération de DaVinci qui aident les chirurgiens à avoir un mouvement le plus précis possible.

Le travail aura-t-il encore du sens dans le futur ? 

Les prédictions de Musk ne vont tout simplement pas se réaliser. Quant au travail, dès lors qu’il correspond à ce qu’un individu souhaite réaliser, à ses rêves, il a des aspects plus que bénéfiques. Les chanteurs adorent habituellement le contact avec leur public. Les écrivains ont plaisir à raconter des histoires, et pour certains à imaginer des réalités nouvelles. Sur un plan plus professionnel, il n’y a qu’à voir le nombre de start-ups créées chaque année en France pour voir qu’il existe un réel plaisir à innover dans tout un pan de la population. Bref, dès lors que le travail apparaît comme passionnant, il n’est plus perçu comme du travail mais comme une opportunité créative, et cette activité est une source de plaisir.

L'Intelligence artificielle est-elle un danger pour l'être humain ? 

Uniquement si nous ne savons pas la mettre au profit des individus. Pour commencer, il est courant d’associer une nouvelle technologie à des risques pour l’humain.

Lorsque le train est apparu au début du 19ème siècle, on a vu  des savants comme François Arago prédire des lendemains funestes pour ceux qui emprunteraient ce moyen de transport. Certains voulaient croire que prendre le train allait multiplier les fausses couches. Plus près de nous, l’arrivée d’Internet a été assimilée comme un danger et des risques de perte d’emploi alors que cette technologie en a sans doute créé autant qu’elle en a supprimé.

Ce qui est certain, c’est que le succès de ChatGPT a pris le monde par surprise. A première vue, l’IA supprime des emplois et ne semble pas devoir en créer beaucoup. Il faut avant tout qu’un arsenal législatif adéquat se mette en place.

Bill Gates a suggéré une solution très pratique : lorsqu'un employé est remplacé par un automate, celui qui est à l’origine de la perte d’emploi devrait s’acquitter d’une taxe permettant de financer son reclassement. C’est une piste fort intéressante. Par exemple, vous êtes employé à taper des courriers et vous perdez votre emploi à cause de ChatGPT. Eh bien, grâce à un fonds alimenté par les géants de l’intelligence artificielle, vous aurez le droit dans une formation dans un métier de préférence créatif ou lié au vivant : ferronnerie d’art, soin des animaux, haute couture, etc.

Bien sûr, certains se plaisent à rêver d’une société dans laquelle les robots produiraient une grande partie des biens, ce qui amènerait à limiter la nécessité d’employer des humains à cet effet. Pourquoi pas ? Mais même dans ce cas de figure, il faudrait des humains pour superviser cette redistribution des fruits de l’IA.

Ainsi donc, si nous prenons la maîtrise de l’intelligence artificielle, elle pourrait contribuer à améliorer l’existence d’une partie de la population. Il est certains que d’autres vont en pâtir, mais cela a été vrai de toutes les grandes révolutions technologiques.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !