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Élections législatives en Birmanie : un pas de plus vers
le changement démocratique
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Transition ?

Pour la troisième fois de son histoire, la Birmanie est appelée aux urnes. 45 sièges sur 1158 sont à pourvoir au Parlement. Le chiffre peut sembler dérisoire, mais il marque un moment historique dans la vie démocratique du pays.

François Robinne

François Robinne

François Robinne est directeur de recherche au CNRS, auteur de plusieurs ouvrages et articles consacré aux dynamiques identitaires et au rapport pouvoir central/minorités en Birmanie.

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Pour la troisième fois seulement de leur histoire, les Birmans ont un droit de vote. En jeu : quelque 45 sièges et, à la clé, l’entrée au Parlement d'Aung San Suu Kyi. Seuls 45 sièges sont à pourvoir sur les 1158 au total, dont 80% environ réservés à la junte et à ses représentants. L’enjeu n’en est pas moins important puisque la vague qui semble devoir emporter le régime dictatorial continue de se former, entraînant dans son sillage un formidable espoir démocratique.

Au niveau national, trois grands enjeux restent en suspens.Premier enjeu : la question ethnique qui a plongé la Birmanie dans plusieurs décennies de guerre civile et qui est loin d’être résolue : de manière significative, trois sièges resteront vides à l’issue des élections tant qu’un terme ne sera pas mis au conflit opposant de nouveau les Kachin aux troupes birmanes. Sensible s’il en est, la question du découpage administratif sur une autre base qu’ethnique – par définition conflictuelle – doit être soulevée par les trois grandes forces en présence : le parti au pouvoir issu des rangs de la junte birmane, le parti d’opposition démocratique et les représentants des minorités ethniques.

Un nouveau Panglong – du nom du traité qui a donné naissance à la première Constitution birmane – est d’ailleurs envisagé. Second enjeu : la question de la pluralité religieuse, indissociable de la question ethnique, tant « être birman c’est être bouddhiste » et que, à l’opposé, les non bouddhistes répondent « chrétien » ou « musulman » à la question « de quelle nationalité êtes-vous ? »

Troisième enjeu : dépasser ces communautarismes par le développement de la société civile : cela passe par la liberté d’expression et la levée des derniers verrous de la censure. 

Produit des révolutions arabes et de la mondialisation

Les intellectuels birmans interprètent les changements en cours comme étant le produit des révolutions arabes et de la mondialisation, où il apparaît que la fermeture des frontières et la mise en place d’un système autarcique ne protègent plus les dictateurs. Le changement est d’autant plus significatif qu’il a pour origine non plus des conflits ethniques d’un autre âge, même si certains persistent, ni des manifestations de la population relayées par le clergé bouddhique et immanquablement réprimées par la violence ; non, la force du mouvement actuel, et le formidable espoir qu’il suscite, tiennent à ce qu’il émane du pouvoir en place.

Le mouvement démocratique n’en reste pas moins d’une très grande fragilité. Les Birmans ne sont d’ailleurs pas dupes : la vague d’espoir peut s’avérer n’être qu’un nouveau feu de paille et s’éteindre comme elle est née. Les difficultés posées de manière systématique à l’opposition démocratique durant la campagne, les représailles infligées localement aux populations ayant accueilli Aung San Suu Kyi, la vitalité de la censure et les tricheries prévisibles qui devraient entacher ces élections malgré la présence d’observateurs étrangers sont autant de signes témoignant de l’extrême fragilité du changement en cours.

Mais ce mouvement tend à se développer inexorablement, et ces élections – goutte d’eau dans le processus démocratique – constituent un pas de plus en ce sens. Un pas décisif car, en Birmanie, il n’y a pas de petites étapes : chaque pas en avant participe à la levée des sanctions économiques de la part de la communauté internationale en quête de garanties. Et c’est par étape qu’avance désormais Aung San Suu Kyi dans le dialogue engagé avec le pouvoir, s’inscrivant en cela dans le sillage d’un Nelson Mandela ou d’un Vaclav Havel dans leur combat pour la liberté.

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