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Égypte : une élection à trois bandes
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Législatives

C'est dans un contexte politique particulièrement tendu et confus que les Égyptiens ont commencé à participer massivement ce lundi aux élections législatives, première grande étape de la transition démocratique depuis la chute du président Hosni Moubarak le 11 février dernier. Trois acteurs majeurs se partagent le pouvoir : les Frères musulmans, l'armée et Mohamed El-Baradei.

Bernard Botiveau

Bernard Botiveau

Bernard Botiveau est directeur de recherche émérite au CNRS. Il est rattaché à l’Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (IREMAM) d’Aix-en-Provence.

 

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Atlantico : Quels sont les enjeux principaux des élections législatives qui se tiennent actuellement en Égypte ?

Bernard Botiveau : Il s’agit d’élire 498 députés à l’Assemblée du peuple, lesquels participeront notamment à l’élection d’une assemblée constituante. Il s’agit aussi et sans doute surtout, d’organiser une représentation réellement pluraliste des Égyptiens, et donc de rompre avec le régime d' Hosni Moubarak.

Les Frères musulmans sont les grands favoris du scrutin. Comment expliquer leur popularité ? Que changerait pour l'Égypte une arrivée de leur part au pouvoir ? 

Les Frères musulmans tirent leur popularité du fait d’avoir incarné la résistance au régime moubarakien. Logiquement, le score de Liberté et justice,  le parti qu’ils viennent de créer, devrait se situer au-delà de 30%, mais compte tenu du mixage entre le scrutin de liste et le scrutin uninominal, un certain équilibre devrait être réalisé entre eux et les principales autres formations.

L’hostilité de l’état-major militaire à l’égard des protestataires vient de ce que le maréchal Mohammed Hussein Tantawi et ses alliés au sein de l’armée ne veulent pas lâcher les rênes du pays au profit des partis légalement constitués et susceptibles d’échapper à leur contrôle.

Kamal el-Ganzouri, ancien Premier ministre sous Moubarak (1996-1999), dirige actuellement un gouvernement de "salut national". Mohamed El-Baradei candidat à la présidentielle a proposé de mettre de côté ses ambitions présidentielles pour accélérer ainsi le transfert du pouvoir aux civils. Quel rôle peut-il jouer dans ce contexte ?

L’aura de Mohamed El-Baradei tient au fait qu’il a dirigé l’AIEA de 1999 à 2007 et reçu à ce titre le prix Nobel de la paix en 2005. Sa longue absence d’Egypte a cependant réduit ses chances de s’imposer à la présidentielle face aux grands partis. Il pourrait sans doute diriger un gouvernement de coalition, bien que ce dernier soit peu probable, et arbitrer temporairement en cas d’impasse politique.

Compte tenu du contexte de violence, une guerre civile est-elle possible en Égypte ?

Si tous les Égyptiens ne sont pas derrière la mobilisation de Tahrir, ils comprennent dans leur majorité que la violence actuelle est due avant tout au refus des militaires de haut rang, alliés aux moubarakiens encore influents, de rendre le pouvoir à des civils librement élus. L’instauration d’un véritable pluralisme n’est certes pas acquise, mais elle désamorcerait les tensions persistantes entre partisans de réformes démocratiques et conservateurs craignant l’instabilité ou simplement soucieux de maintenir leurs privilèges.

Le système électoral prévoit un découpage du pays en trois régions votant successivement. Le processus visant à élire l'Assemblée du peuple (chambre des députés) s'étend jusqu'au 11 janvier 2012, va-t-il arriver à terme selon vous ? 

Dans la mesure où les protestataires de Tahrir (les organisations de la société civile qui veulent des réformes en profondeur) estiment que l’organisation des élections a été contrôlée in fine par les militaires, ils se sentent floués, sachant qu’ils risquent d’être marginalisés entre un parti puissant, et fortement organisé, celui des Frères Musulmans et un Conseil militaire suprême (CSFA) tentant de limiter ses concessions au strict minimum. La mobilisation de Tahrir ne suffira probablement pas à enrayer le processus électoral, par ailleurs souhaité par beaucoup d’Egyptiens, mais cela pourrait le perturber fortement avec les risques de violence que cette situation implique.


propos recueillis par Caroline Long

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