Économie française : « Je reste optimiste parce que le pessimisme ne sert à rien. Sauf à enrichir ceux qui profitent du commerce de la peur. » <!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre français de l'économie, des finances, de l'industrie et du numérique Bruno Le Maire lors d'une conférence de presse à Paris, le 30 mai 2022
Le ministre français de l'économie, des finances, de l'industrie et du numérique Bruno Le Maire lors d'une conférence de presse à Paris, le 30 mai 2022
©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico Business

Entre l’inflation et la récession, les perspectives de l’économie sont véritablement désastreuses. Du coup, les pessimistes sont ressortis avec un plaisir pervers. D’autres, plus discrets, verront dans la crise des opportunités… ils ont raison. Les chefs d’entreprises en font partie

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les chefs d’entreprises sont des gens étonnants. Ils n’ont pas le droit d’être pessimistes. Leur obligation est de s’adapter en essayant de répartir équitablement l’effort à fournir afin de ménager l’avenir

Ils ont du mérite, parce que les pessimistes ont repris la main. Ils s’étaient franchement trompés au début de 2020. Parce qu’à l’époque, ils nous ont expliqué que le pays sombrait dans le catastrophisme, le covid et que les méthodes de lutte contre la pandémie allaient nous entrainer dans une crise mondiale historique, avec un cortège de faillites d’entreprise, des chômeurs par milliers, des pénuries etc. Ils en étaient certains, la majorité des leaders d’opinion se précipitaient sur les plateaux télé, pour faire commerce de la peur. Parce que la peur se vendait très bien jusqu’au jour où on a réussi, au forceps, à protéger les populations du Covid grâce à la vaccination et du coup, l’économie est sortie de son coma artificiel et tout a rebondi parce qu’au fond, rien n’avait été détruit. Il a suffi de remettre les clefs de contact pour redémarrer le camion.

Seulement voilà, à peine sorti du covid, la guerre en Ukraine a tout cassé. Le peuple ukrainien d’abord, puis les infrastructures, les capacités de production, malgré la résistance héroïque. Les répliques de l’occident ont été unanimes par les aides en matériels militaires et en sanctions économiques et financières très puissantes qui finiront bien par asphyxier la Russie en l’obligeant à faire taire ses canons. 

En attendant, après trois mois de guerre, l’occident s’aperçoit qu’elle en paie le prix aussi. S’il faut se priver de pétrole et de gaz russe, il faut accepter les hausses de prix au niveau mondial parce que l’offre diminue, et pas seulement sur l’énergie. Sur toutes les matières premières et notamment agricoles. 

En rythme annuel, la hausse des prix à la consommation a dont déjà atteint les 4,8%. Plus du double de ce qui était prévu avant la guerre. Les seuls prix des produits à la consommation ont augmenté de 4,2% en mai. Mais ce qui flambe surtout, ce sont les prix des produits pétroliers et des matières premières : sur un an, ils augmentent de 28 %.

Si les prix augmentent, le pouvoir d’achat baisse et par conséquent, la consommation se tasse. Si la consommation reflue, les commandes aux fournisseurs tombent et l’activité de production baisse. D’autant que dans certains secteurs industriels, les usines doivent s’arrêter faute d’approvisionnements en composants fabriqués dans les pays émergents. Le secteur automobile, par exemple, a perdu plus de 30 % de son marché. 

Ce qui est extraordinaire, c’est que depuis le début de semaine, quand l’INSEE a publié l’état des lieux constaté en mai et a osé quelques prédictions… les pessimistes sont ressortis du bois, nous promettant à nouveau des années désastreuses, avec notamment cette menace d’une inflation endémique qui allait tout ravager, tel un cancer quoi pourrait se métastaser sur l’ensemble du corps social.

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire a eu beau sortir ses tablettes en expliquant que tout ce qui se préparait était explicable et gérable, rien n’y a fait pour calmer le jeu des commentateurs. 

Quelle aubaine pour le marché politique, à une semaine des élections législatives. Jean-Luc Mélenchon, comme Marine Le Pen, ont repris des couleurs en brodant sur les difficultés économiques. En fait, on retrouve, face à cet épisode conjoncturel grave, deux diagnostics qui s’opposent et qui génèrent des prescriptions diamétralement opposées et qui correspondent à des scénarios contraires. 

D’un côté, le clan des pessimistes, dont les observations nourrissent surtout les extrémistes politiques. Les plus radicaux promettent la fin du monde capitaliste et des organisations fondées sur les économies de marché. Officiellement pour protéger les plus pauvres, mais en fait pour promouvoir des régimes autoritaires. Parce que parallèlement, les mêmes pessimistes de profession regorgent de remèdes miracles qui passent tous ou presque par un renforcement des contrôles de l’Etat et un blocage des prix. L’Etat n’a toujours pas fait la preuve de son efficacité à gérer les crises et à administrer une organisation. Sauf à pondre des règlements et des normes qui finissent par paralyser le système. Quant au blocage des prix, c’est une aberration intellectuelle et une faute économique grave. On peut toujours bloquer les prix à la consommation, mais on ne pourra pas bloquer les prix des produits importés. Or, l’inflation est importée qu’on le veuille ou non.  Il faut arrêter de raconter des histoires, ou alors préciser que le blocage des prix entraine ipso facto, la mise en place de tickets de rationnement, accepter le marché noir et la corruption, très à la mode dans les régimes autoritaires.

Mais le blocage des prix entraine aussi de facto ; la cessation d’activité des producteurs qui ne peuvent plus couvrir leur prix de revient. Quant au blocage des loyers, on sait d’expérience qu’il entraine mécaniquement la pénurie de logement. 

D’un autre côté, vous avez tous ceux qui, parce qu’ils sont pragmatiques, et qui passeront certes pour des optimistes, sont considérés comme des imbéciles heureux ou cyniques, parce qu’ils n’ont pas le choix. Alors vous avez la grande majorité des chefs d’entreprises, heureusement, et quelques observateurs, économistes oui, mais qui sont inaudibles comme ils l’étaient au début de la pandémie, alors qu’ils avaient raison.  

Leur raisonnement est simple. 

D’abord, ils ne croient pas à la fin du monde et ne croient pas à la disparition de l’économie de marché parce que l’économie de marché n’a pas été inventée par une idéologie, mais l’économie de marché est le produit d’un comportement naturel, d’une confrontation légitime entre des intérêts individuels. Ils défendront toujours les valeurs de liberté qui sont à la base de l’économie de marché. 

Ensuite, ils savent qu’il faut, pour des raisons sociales et humanitaires, venir en aide à ceux qui souffrent de l’inflation. Les remèdes proposés doivent être ciblés. Pas de blocage généralisé et pas de subvention parce qu’ils ratent leur cible. Mais des chèques alimentaires pour ceux qui ne peuvent plus payer leur caddie, ou faire le plein de leur voiture qui leur sert pour travailler. Un peu compliqué à mettre en œuvre mais plus efficace et surtout pas pervers. Ces mesures ciblées et temporaires ne provoquent pas de distorsions sur le marché. Elles peuvent cependant entrainer des effets de seuil qu’il faut gérer. 

Enfin, les pragmatiques savent bien que les crises économiques dans une économie de marché génèrent des forces de rappel à l’équilibre. 

Il est probable que le prix du pétrole ne dépassera pas les 115/120 dollars. La demande a un peu baissé (puisque la croissance s’est effondrée), par ailleurs l’offre s’accroit déjà parce que les vendeurs de pétrole n’ont pas intérêt à aggraver l’activité en rationnant. Sur les bien alimentaires, on assistera au même phénomène, le consommateur va changer ses habitudes et ses fournisseurs ; il a déjà commencé à le faire. 

Alors le changement n’est jamais très confortable, mais il est inéluctable. Et les acteurs de l’économie libre sont d’une résilience surprenante, ce qui fait que le pessimisme est absolument inutile. En économie de marché, il ne sert à rien sauf à enrichir les psys, et à drainer des voix vers les partis populistes et finalement anti-démocratiques.

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