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Droit à la déconnexion : où en est-on?
©PHILIPPE DESMAZES / AFP

Nouvelle législation

Plus d'un an et demi après son intégration dans les textes de loi, le "droit à la déconnexion" est entré dans le monde du travail. Début août, la cour de cassation a même validé la condamnation d'une entreprise pour avoir contraint l'un de ses employés à rester connecté à son smartphone. Cette loi est-elle efficace ?

Philippe Rodet

Philippe Rodet

Philippe Rodet a exercé la médecine d’urgence dans le cadre du SAMU et de l’assistance en réalisant des rapatriements sanitaires dans plus de cinquante pays. Homme engagé, il a participé à des missions humanitaires au Burkina-Faso, en Roumanie et à Sarajevo pendant la guerre.

Passionné depuis plus de vingt ans par l’interaction entre le stress et la motivation, il publie en 1998 L’ardeur nouvelle aux Editions Debresse et Le bonheur sans ordonnance aux éditions Eyrolles en janvier 2015. Son dernier ouvrage, Le management bienveillant, co-écrit avec Yves Desjacques, vient de paraître aux éditions Eyrolles. 

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Atlantico : Un an et demi après son inscription dans les textes de loi, est-ce que le droit à la déconnexion est réellement appliqué et connu dans les entreprises ?

Philippe Rodet : Il me semble tout d’abord important de préciser que ce droit est important pour plusieurs raisons : 
Tout d’abord, aucun collaborateur ne peut être efficace durant des durées énormes. Ainsi, ce que l’on croit gagner en maintenant quelqu’un actif pendant un plus grand nombre d’heures, on va le perdre en qualité de réflexion, en vigilance, en créativité.
Ensuite, l’être humain a besoin de périodes de repos. Une récente étude a montré que les vacances aidaient à vivre en meilleure santé. Tout comme il a besoin de vacances, il nécessite de pouvoir se reposer de temps en temps, se détendre, dormir. Le repos, la détente, le sommeil contribuent à diminuer les effets du stress. 
Enfin, le collaborateur a aussi besoin de relations sociales, de vie de famille. On sait que les liens sociaux de qualité, l’affect, sont protecteurs du stress.
Cette loi est utile et me semble globalement connue de nombreuses entreprises. Il m’arrive de plus en plus de recevoir des emails dans lesquels il est précisé qu’il ne demande pas de réponse avant le lendemain ou le lundi s’il s’agit d’un week-end. D’autres personnes expliquent qu’elles envoient le message parce qu’elles ont le temps de le faire au moment présent mais qu’il n’est pas urgent d’y répondre.
Il y a certainement des entreprises qui ne le respectent pas mais il me semble qu’il y a des progrès et c’est un bien.

Peut-on mesurer l'impact de cette mesure, que ce soit au niveau de la productivité ou de la santé du salarié ?

Il me semble qu’il est un peu tôt pour en mesurer l’impact tant en matière de productivité que de santé. 
Ce qui est en revanche certain c’est que, d’une manière générale, il faut que les dirigeants apprennent à trouver le juste milieu. 
On a des moyens de communication qui permettent d’aller de plus en plus vite et l’efficacité ira chez celui qui saura trouver le bon équilibre entre vitesse et réflexion. Parfois, à trop vouloir réduire le temps, on altère la réflexion…
Parallèlement, les nouveaux outils de communication peuvent permettre de débloquer une situation complexe alors que le collaborateur n’est plus au travail. Si c’est exceptionnel, c’est très bien. Si l’exception devient quotidienne, c’est catastrophique. Le fait de devoir être connecté en permanence génère du stress et évite de se détendre, d’échanger avec sa famille, ses proches, ses amis, qui sont de réels facteurs de protection. On aurait donc plus de sources de stress et moins de facteurs de protection, ce serait dangereux pour la santé et contreproductif. Souvenons-nous que, selon les travaux du Professeur Eric Gosselin , le stress diminue la performance de 75% des collaborateurs.

Peut-on imaginer d'autres pays prendre le même chemin que la France dans ce secteur ?

Dans certains pays, on considère déjà qu’un cadre ne peut pas être concentré et vigilant pendant 10 heures par jour et la durée de la présence au travail est moins importante qu’en France.
De ce fait, des phénomènes de régulation se mettent peut-être plus facilement en place que dans notre pays.
En France, la loi devrait avant tout, selon moi, inciter à trouver le juste milieu ! L’exception peut être bénéfique à l’essor d’un service, d’une entreprise, la régularité est toxique pour l’entreprise et le collaborateur.
La loi ne règlera jamais tous les problèmes, certains managers se sentiront obligés de répondre à un email même s’il est précisé qu’il n’est pas urgent de le faire, certains managers se sentiront obligés de se connecter depuis leur domicile.
Seule une prise de conscience des différentes parties prenantes apportera de véritables solutions. Si la loi aide à cette prise de conscience, elle aura joué un grand rôle.

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