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Donner Ségolène Royal pour morte politiquement est bien mal connaître le personnage (et la politique)
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Encéphalogramme plat ?

Le bateau du capitaine Royal a été bien secoué ces derniers temps. Entre la victoire de François Hollande à la présidentielle et la tempête de la Rochelle, Ségolène Royal a subi de nombreuses déconvenues. Est-elle pour autant morte politiquement ?

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan est docteur en science politique. Il est chargé de cours au Centre National de la Fonction Publique Territoriale, et à l’Institut Supérieur de Management Public et Politique.  Il a publié en 2010 Culture Territoriale chez Gualino Editeur,  Droit constitutionnel et gouvernances politiques, chez Gualino, septembre 2014, Développement durable des territoires, (Gualino) en 2016, Culture territoriale, (Gualino) 2016 et En finir avec le Président, (Editions François Bourin) en 2017.

 

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Atlantico : Ségolène Royal vient de vivre des mois très difficiles : elle a vu son ex-mari accéder à l’Elysée, puis elle a dû faire face à la tempête des législatives marquée par la colère d’Oliver Falorni  suite « à son parachutage » à la Rochelle suivi de l’affaire du tweet et enfin sa défaite. En raison de ces éléments, on sent comme un essoufflement de la carrière politique de Ségolène Royal, peut-on pour autant en prédire la fin ?

Olivier Rouquan : Tenir un tel jugement est à mon avis un peu prématuré. Elle reste présidente de la région Poitou-Charentes et n’a jamais déclaré vouloir se retirer de la vie politique. Simplement, comme tous les grands noms de la politique, Ségolène Royal connaît des défaites et des moments difficiles à l’image d'ailleurs de son ex-compagnon après son départ de la tête du Parti socialiste. Cependant, cela ne remet pas en cause la pérennité de sa carrière.

Justement cette carrière est très erratique et atypique. Elle a multiplié les erreurs et les déconvenues. N’est pas la preuve que c'est une femme politique qui a plus de mal à se démarquer et à atteindre ses objectifs que d’autres ?

La carrière de Ségolène Royal est compliquée en raison de l’ampleur de son ambition. Elle ne s’est jamais fixé de petits objectifs. Elle a été candidate à la primaire socialiste pour briguer ensuite la présidentielle. Après la victoire de François Hollande elle n'a pas caché son espoir de pouvoir s’installer au perchoir en tant que présidente de l’Assemblée Nationale. Ainsi, au regard de ses désirs, les échecs sont inévitables et font partie du jeu.

De plus, elle a réellement un style qui peut heurter, et en avait fait le marqueur de sa campagne. En 2007, dans sa course à l’Elysée, elle a négligé le Parti et s’est opposé à certaines de ses factions. C’est une attitude qui n’a pas aidé à mettre les gens dans de bonnes dispositions envers elle.

Dernier facteur : elle est connue pour avoir du caractère et cela induit aussi le fait qu’elle ait mauvais caractère. Tous ces éléments lui donnent une identité très forte qui est à la fois un atout et une grande faiblesse.

Durant les législatives, elle a eu, à mon sens, la même trajectoire que Jean-Luc Mélenchon : elle a pris un risque de trop. Elle avait une circonscription à Melle qu’elle a quitté sans trop qu’on sache pourquoi afin de partir à l'assaut de La Rochelle et le risque était trop grand. Tout comme Jean-Luc Mélenchon qui a tenté d’affronter Marine Le Pen à Hénin-Beaumont et qui a été sorti au premier tour.


Peut-on comparer la carrière de Ségolène Royal à celles de grands hommes politiques français tels que François Mitterrand qui a brigué l’Elysée pendant longtemps avant d’y arriver, ou encore celle de Nicolas Sarkozy qui a connu aussi sa traversée du désert avant d’arriver à Bercy puis à l’Intérieur et enfin à la Présidence. Est-ce que tout comme eux, Ségolène Royal a les billes pour réémerger sur la scène politique ?

La comparaison entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, tant sur le plan des égos que sur le plan du caractère atypique de leur démarche - et la campagne de 2007 l’a montré – est tout à fait acceptable. En revanche, elle ne peut pas être placée sur le même plan que François Mitterrand, en raison de son charisme spécifique. François Mitterrand n’a jamais négligé les fondamentaux de la première gauche tel que le parti, le travail de terrain, et le respect des logiques d’appareil. Comme on l’a souvent pointé dans la campagne, de ce point de vue, c’est François Hollande son digne héritier, et c’est une des raisons de sa victoire.

Du fait de sa stratégie basée en grande partie sur des coups médiatiques, elle se rapproche beaucoup plus de Nicolas Sarkozy. Et ils ont tous les deux plû aux médias là ou François Mitterrand et François Hollande ont eu beaucoup plus de mal à s’imposer.

La traversée du désert est un marqueur de la carrière politique et ceci à tous les niveaux, même au plus local. C’est un peu une période semblable que vit Nicolas Sarkozy actuellement. Seul un homme politique y est entré volontairement : Lionel Jospin en 2002. Il n’avait alors pas dit que ce retrait serait décisif et avait tenté un retour en 2007, interrompu par les barons du Parti socialiste.

Il est donc impossible de rayer d’un trait de plume Ségolène Royal, elle continuera sa carrière et saura rebondir d’une manière ou d’une autre pour venir animer le débat public. Il est impossible d’avoir été candidat d’une campagne telle que celle de 2007 pour ensuite sombrer dans l’oubli.  Elle ne sera pas pour autant candidate à la présidentielle de 2017, car désormais ce n’est plus forcément son objectif.

Tous les grands acteurs sont maîtres de leur stratégie.

Et enfin, il ne faut pas oublier le symbole français de la traversée du désert par excellence qui est le Général Charles de Gaule. Après une longue période de creux de la vague sous la IVème République, qu’il a d’ailleurs instrumentalisé et a transformé en atout pour son retour à la vie politique, a réussi à donner naissance à la Vème République.

Ségolène Royal a-t-elle les ressources nécessaires pour opérer un retour en force, avec le même talent dont  a fait preuve Nicolas Sarkozy ?

Cela va dépendre de la conjonction d’une démarche volontariste et d’une conjoncture. Pour l’instant, il est trop tôt pour dire si toutes les conditions seront réunies. Quant à ses ressources, elle garde une région et des réseaux. En fonction de la manière dont les choses vont se dessiner, il sera peut-être temps pour elle d’avancer tel ou tel pion.

Le congrès du Parti socialiste est une perspective, et il faudra observer comment chacun se positionne, d’autant plus que Martine Aubry n’est pas en très bonne posture car même si elle garde la tête du parti, elle n’est pas député et ne possède que son poste de maire de Lille. Toutes les configurations ne sont que des esquisses, et l’un des atouts de Ségolène Royal sera à coup sûr son capital médiatique et la façon dont elle s’en servira.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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