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Données personnelles : si la reconnaissance faciale vous inquiète, vous allez adorer la reconnaissance vocale et ce qu’elle permet de savoir de vous…
©AFP

Méfiance

Les outils de reconnaissance vocale et la collecte de données personnelles ont le vent en poupe depuis plusieurs années. Mais votre voix révèle bien plus d'informations que ce que vous pouvez imaginer

Anthony Poncier

Anthony Poncier

Anthony Poncier est Docteur en Histoire, membre du collectif Réenchanter Internet et expert en transformation digitale et en stratégies collaboratives. En cette qualité, il accompagne les entreprises dans la conception de leurs stratégies médias sociaux, ainsi que dans la création de leurs réseaux internes.

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Atlantico : Après la reconnaissance faciale, les outils de reconnaissance vocale comme Siri ou Alexa, développés respectivement par Apple et Amazon, ont connu un essor considérable. Mais ces systèmes permettent également de collecter des données personnelles. Qu’est-ce que nos appareils peuvent apprendre grâce à leurs fonctions de reconnaissance vocale ? 

Anthony Poncier : Beaucoup plus que ce qu’on peut imaginer. Cela permet de reconnaître des émotions, un état de santé … Alors que de plus en plus de téléphones possèdent ces fonctions et que de nombreux individus possèdent une enceinte connectée, la question de la sécurité des informations personnelles se pose. Il y a quelques années, des assurances avaient mis en place un système d’écoute qui permettait de savoir si les déclarations de vol ou de perte étaient vraies ou fausses. Le logiciel pouvait reconnaître la texture de la voix, sa fébrilité … La question des données n’était pas aussi prégnante, contrairement à aujourd’hui et la technologie était en avance sur la législation, ce qui n’est plus le cas. 

Chez Siri, les conditions d’usages ont changé. En théorie, 80% des données restent sur l’appareil, Apple ayant fait de la sécurité un cheval de bataille. Pour des enceintes connectées comme celles qui utilisent Alexa, système développé par Amazon, la situation est toute autre et les appareils peuvent capter les voix et bruits d’ambiance avant de récupérer des sons. En somme, si vous vous rendez dans un endroit où votre voix peut être captée, il est tout à fait possible qu’elle soit ré-utilisée. 

A quelles fins peuvent être utilisées les données collectées par les outils de reconnaissance vocale ? Comment s’en protéger ?

Ces données peuvent être utilisées pour monter des arnaques. Une assurance peut en théorie savoir qu’un individu est malade, ce qui peut jouer sur la prime de l’assurance. La question est donc de savoir à quels risques s’exposent les consommateurs, et s’ils en ont conscience. Les entreprises doivent aussi communiquer sur le niveau d’informations qu’elles récupèrent. Enfin, comme on aperçoit régulièrement des fuites de données sur des cartes bleues ou des mots de passe, on peut légitimement se demander ce qui adviendrait si des voix tombaient entre de mauvaises mains. 

En théorie, le cadre législatif est la meilleure protection pour les consommateurs. En Europe, le RGPD couvre le spectre de la voix et nous sommes donc plutôt bien lotis. À voir si cela s’avèrera suffisant ou non. Cela pourrait-il faire ricochet aux États-Unis, comme d’autres textes de loi ? C’est tout à fait possible. Le Royaume-Uni par exemple, qui ne fait plus partie de l’Union Européenne, se pose un certain nombre de questions à ce sujet.

Enfin, les individus doivent prendre conscience de ces enjeux et savoir quand donner leur autorisation pour les collectes de données. 

Alors qu’il est désormais possible de recréer une voix à l'aide de logiciels, faut-il s’inquiéter des dérives que cela peut engendrer ? Dès lors, serait-il préférable d’abandonner purement et simplement les technologies de reconnaissance vocale ? 

C’est effectivement très inquiétant. On peut le voir avec le phénomène des deep fakes, qui atteignent un niveau de précision impressionnant. Il est encore plus simple de créer une fausse voix qu’un bon deep fake, puisque celui-ci intègre aussi une image en mouvement. 

Dans l’absolu, il serait peut-être préférable de se passer des systèmes qui utilisent notre voix. Mais chacun voit midi à sa porte. Si le recours à la voix est plus développé aux États-Unis et que les gens se servent de moins en moins de leur clavier, on peut se demander si les individus voudront vraiment revenir en arrière, surtout que la frontière entre vie privée et publique devient de plus en plus flou et que de nombreux individus consentent à donner leur données personnelles. Ce sera donc l’usage qui décidera. Comme tout nouveau système, cet usage pourra amener de nouvelles technologies. Il faut donc savoir comment seront utilisées ces informations et comment elles seront potentiellement détournées de leur usage primaire.

« Le pire ennemi de la démocratie est la paresse », dit-on parfois. Peut-être que nos voix pourront nous aider à gagner du temps, car c’est plus simple, plus rapide pour écrire. Pourtant, ce n’est pas une obligation. Mais la paresse des gens est bien souvent le premier ennemi de la vie privée. 

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