Dominique Jamet : "Nicolas Dupont-Aignan salit définitivement son image, sa réputation, et ajoute à une faute morale certaine une probable erreur politique"<!-- --> | Atlantico.fr
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Dominique Jamet
Dominique Jamet
©JOEL SAGET / AFP

"Parti... sans laisser d'adresse"

Vice-président de Debout la France, Dominique Jamet a démissionné de ses fonctions aussitôt après que Nicolas Dupont-Aignan a fait connaître son ralliement à la candidature de Marine Le Pen. Il en explique les raisons.

Dominique Jamet

Dominique Jamet

Dominique Jamet est journaliste et écrivain français.

Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.

Parmi eux : Un traître (Flammarion, 2008), Le Roi est mort, vive la République (Balland, 2009) et Jean-Jaurès, le rêve et l'action (Bayard, 2009)

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Il était une fois un parti. Un tout petit parti, une particule élémentaire, si j’ose dire. Mais ce parti et son fondateur s’enorgueillissaient à bon droit d’avoir ramassé le drapeau que la mort de Philippe Séguin, rentré sous terre, et le renoncement de Jean-Pierre Chevènement, rentré dans le rang, avaient abandonné à la poussière. Au-delà de ces deux prestigieux parrains, ce parti se présentait comme dépositaire de la vraie croix de Lorraine, garant et gardien de la fidélité aux principes qui avaient guidé la vie et l’action du général de Gaulle. Gaulliste, donc, en un temps où les indignes héritiers du brevet l’avaient laissé tomber en désuétude, républicain, patriote sans être nationaliste, humaniste, farouchement attaché à l’ordre et au progrès, à l’autorité de l’Etat et aux libertés individuelles, à la grandeur de la France et à la justice sociale, ce parti pour qui la défense de l’indépendance nationale aliénée par les deux syndicats d’intérêts qui alternaient au pouvoir et conduisaient allègrement notre pays à la ruine devait prévaloir sur les distinctions périmées entre la droite et la gauche, se voulait également accueillant aux "républicains des deux rives". Ce parti tenait à distance et combattait simultanément avec la même ardeur  le "système", désastreux, et les extrêmes, dangereux.

Ce parti, c’était Debout la République (Debout la France depuis octobre 2015),  et son fondateur Nicolas Dupont-Aignan, député-maire de Yerres, qui avait spectaculairement claqué la porte de l’UMP en 2008 lorsque Nicolas Sarkozy, François Fillon, Alain Juppé et les autres avaient décidé de bafouer le verdict qu’avait prononcé le peuple lors du référendum de 2005.

J’ai adhéré à Debout la République en 2012. J’avais été séduit par le courage de Nicolas Dupont-Aignan, par l’image d’intégrité, de loyauté, de sincérité qu’il donnait, par son discours, par ses prises de position où je me reconnaissais, par l’évidence de son patriotisme, par l’exigence d’une démarche qui tranchait sur le fond marécageux de la politique politicienne. Je l’étais aussi par le dévouement, le désintéressement, l’implication totale des cadres, des militants, des adhérents d’un mouvement dont il était clair comme le jour qu’ils faisaient  passer leurs convictions avant toute ambition personnelle.

"Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul", c’est la devise, c’est le panache de Cyrano. Nous avons illustré cette devise, nous avons eu ce panache cinq années durant. Nous avons traversé le désert sous le regard condescendant des grands médias  et des "grands partis", indifférents  aux insinuations malveillantes, aux railleries, au scepticisme que suscite immanquablement une entreprise généreuse et folle chez tous ceux – le plus grand nombre – qui ne respectent que la force, l’argent, le pouvoir. Moins de 2% pour Nicolas Dupont-Aignan à la présidentielle de 2012, moins de 4% aux européennes de 2014, moins de 4% aux régionales de 2015…Dieu, que le chemin était long, difficile, jalonné d’obstacles. Dieu, que la pente était raide, mais c’était une pente qui allait dans le sens de la montée. Nous la gravissions allègrement, sans savoir si et quand nous atteindrions les sommets.

Arrive l’élection présidentielle de 2017. Le 23 avril, Debout la France, à travers son candidat, Nicolas Dupont-Aignan, réalise enfin sa première percée. 1.700.000 suffrages exprimés, près de 5% des  votants. Plus d’un million de nouveaux venus rejoignent nos couleurs, en dépit de l’habitude et de la propagande du fallacieux "vote utile". L’indépendance de notre parti, la rectitude du parcours de son président, l’affirmation réitérée de sa probité, de sa totale liberté vis-à-vis des médias et des "grands partis", son refus d’un "système" qui prend l’eau et d’extrêmes qui prennent date laissent présager une nouvelle étape, un nouveau progrès lors des législatives qui vont suivre dans la foulée et qui doivent consacrer avec le bien-fondé de nos idées l’enracinement de notre formation. Le scrutin du 23 avril a qualifié deux candidats à nos yeux et suivant nos critères également rédhibitoires. Nous ne pouvons, si nous sommes logiques et conséquents, que les renvoyer dos à dos.

Et c’est au moment même où il atteint enfin le seuil de notoriété, le seuil de popularité, le seul de crédibilité qui justifient et récompensent son effort et l’effort collectif des siens, que Nicolas Dupont-Aignan, allant au bout de la dérive lente et inexorable qui a insensiblement rapproché ses propositions, ses thèmes et ses thèses de ceux du Front national qu’il déclarait pourtant il y a quelques semaines encore incompatible avec ses valeurs, après des tractations souterraines menées tambour battant dans l’opacité la plus totale, constamment et impudemment niées par lui, annonce brutalement, cinq jours après le premier tour, son rapprochement, puis son soutien, puis son alliance, puis un accord de gouvernement avec Marine Le Pen, qu’il salit définitivement son image, sa réputation, qu’il ajoute à une faute morale certaine ce qui est probablement une erreur politique puisque le plat de lentilles contre lequel il a troqué son indépendance a toutes les chances de rester virtuel.

Ce qui devait arriver est arrivé. En faisant le choix d’amarrer son esquif au vaisseau qui porte le pavillon noir de Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan n’avait pas prévu la mutinerie et la désertion de la plus grande partie de son équipage, à commencer par ceux qui l’avaient suivi depuis des années aussi bien dans les grands calmes, dans les grands vents que dans la tempête. Et que dire de ces humbles soutiens, de tous ces militants, des petites villes, des provinces, des maires qui avaient accordé leur parrainage, des militants qui s’apprêtaient à remettre le sac au dos pour partir en campagne. Tout ça pour ça ! Ce n’est pas ce qu’ils attendaient, ce n’est pas ce que nous attendions de celui à qui nous avons eu le tort et la naïveté, en dépit de quelques signes précurseurs, de faire aveuglément confiance.

Les impatients qui, dans son intérêt et dans le leur, - parmi eux beaucoup sont jeunes et n’ont donc pas le temps d’attendre - l’ont convaincu de venir avec ses maigres bataillons grossir les rangs de la grande armée lepéniste et de vendre son âme pour une promesse qui n’engage à rien et l’appât de quelques circonscriptions, vont lui répéter que lorsque le train passe il ne faut pas laisser passer sa chance et que toute occasion, même la plus déshonorante, est à saisir. Ils semblent ne pas avoir compris que le tout n’est pas de monter en marche dans le train. Encore faut-il savoir qui le conduit et où il mène.

La ligne que Nicolas Dupont-Aignan avait définie et suivie est restée longtemps une ligne droite. Quoi qu’il arrive le 7 mai et après le 7 mai, c’est désormais une ligne brisée.

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