Mais comment Pierre Moscovici peut-il croire que le déficit de 2013 serait à 3% sans mesures d'austérité ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Moscovici a estimé le même jour que la France pourra revenir à 3% en 2013 « sans mesure d’austérité » et atteindre à l’équilibre budgétaire en 2017.
Pierre Moscovici a estimé le même jour que la France pourra revenir à 3% en 2013 « sans mesure d’austérité » et atteindre à l’équilibre budgétaire en 2017.
©Reuters

Déficit, encore et toujours

De la Commission européenne à la Cour des comptes, en passant par l’Inspection générale des finances, les rapports se multiplient pour alerter la France sur ses déficits. Pourtant, Pierre Moscovici a estimé que l'hexagone pourra revenir à 3% de déficit en 2013 « sans mesure d’austérité ». Un tel objectif est-il vraiment tenable ?

Jean-Michel Boussemart

Jean-Michel Boussemart

Jean-Michel Boussemart est Délégué Général et économiste chez Coe-rexecode.

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Atlantico : La Commission européenne et la Cour des comptes ont déjà publié deux rapports sur la question déficits publics en France. Ce lundi, l’Inspection générale des finances a tiré à son tour la sonnette d’alarme selon le journal Les Echos. Pourtant, Pierre Moscovici a estimé le même jour que la France pourra revenir à 3% en 2013 « sans mesure d’austérité » et atteindre à l’équilibre budgétaire en 2017. Ce scénario est-il réaliste ?

Jean-Michel Boussemart : Nous pouvons toujours revenir à 3% en 2013.  Mais il faut tenir compte des hypothèses macro-économiques : la croissance de 2013 risque d’être révisée fortement à la baisse et, par conséquent, les recettes qui y sont inhérentes.

Pour parvenir à un taux de 3% de déficit budgétaire il faudra donc réaliser plus d’efforts que ce qui est imaginé aujourd’hui. Pour cela, il faudra soit comprimer les dépenses, soit augmenter les recettes. Le taux de prélèvement en France étant déjà très élevé et parmi les plus hauts d’Europe, il sera difficile de les réévaluer à la hausse sans affecter la productivité et sans provoquer le risque de faire fuir la matière imposable. Autrement dit, sans mesure d’austérité, c'est à dire sans augmenter les prélèvements ou sans appliquer une compression des dépenses, nous ne pourrons pas parvenir à un déficit de 3% en 2013. Mais il y a probablement une ambiguïté autour du mot d’ « austérité ». Ainsi, toutes les mesures de réduction des dépenses ne sont pas considérées comme de l’ « austérité » en soit selon les personnes.

Comment se positionne la France par rapport à ses partenaires en ce qui concerne la nature même de son déficit ?

Il faut regarder la nature des dépenses. Ainsi, l’essentiel de l’écart des dépenses entre la France et l’Allemagne provient des dépenses de fonctionnement. A titre d’exemple, l’ensemble des dépenses publiques, toutes administrations confondues, représentent 56% du PIB en France contre 46% en Allemagne, les seules dépenses en biens et services (essentiellement des dépenses de fonctionnement) représentant respectivement 24,4% contre 19,5%.

Il est donc illusoire de penser que nous pouvons réduire de manière raisonnable notre déficit public à terme sans un plus grand effort sur les dépenses publiques. Si la France ne restaure pas la compétitivité qu’elle a perdu vis-à-vis de l’Allemagne et d'autres pays, le potentiel de croissance à moyen et long terme de l’économie française, et donc le potentiel spontané de rentrés fiscales, sera beaucoup moins fort. Il faut donc rétablir au plus vite l’équilibre des finances publiques car au delà d’un simple déséquilibre budgétaire nous avons également un déficit extérieur. Le rétablissement de nos comptes extérieurs et publics passera donc aussi par une restauration de la compétitivité afin de rétablir notre potentiel de croissance.

Quelles sont les principales sources d’économies sur lesquelles il faut se pencher ? Comment se positionne la France par rapport à ses partenaires ?

Il est certain que les dépenses de fonctionnement se sont fortement accrues dans les régions et les collectivités locales. Une gestion plus rationnelle permettrait de réaliser d’importantes économies. Il faudrait aussi revenir sur nombres de niches fiscales qui ont fortement augmentées. Par exemple, il faudrait revenir sur la loi Scellier qui permet des réductions d’impôts pour les ménages qui investissent dans le logement.

A court terme, une compression des dépenses publiques a un impact négatif sur l’activité économique. Mais cette même compression provoque un effet positif à moyen terme. Si nous ne faisons pas cet effort, les difficultés s’étendront sur l’avenir. Cela fait plus de 34 ans que nous n’avons pas eu un budget équilibré en France. Il faut comprimer les dépenses de consommation courantes afin d’élargir le champ des dépenses d’investissement facilitant la recherche et développement, l’innovation, l’enseignement, la formation... qui doperont le potentiel de croissance à moyen et long terme.

Depuis 2009, le PIB américain à rattrapé et même dépassé son pic d’avant crise alors que nous l’avons tout juste rattrapé en France. L’Europe est, elle, toujours en dessous. Cela fait six trimestres que les dépenses de biens et services baissent aux Etats-Unis. De même, l’emploi public dans les administrations des Etats et des collectivités locales ont diminué. Ils essaient donc de réduire un déficit public qui a été beaucoup trop haut pendant des années.

L’accumulation des déficits renforce le niveau de la dette. Ce dernier étant un transfert sur les générations à venir des charges que nous ne souhaitons pas payer aujourd’hui. Si ces dépenses peuvent préparer l’avenir par le biais de l’investissement ou de la formation, il y a une logique. Mais transférer sur les générations futures des dépenses de consommation que nous ne souhaitons pas payer n’est pas moral.

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