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Deux ans de prison ferme contre un lycéen pour apologie du terrorisme : la Justice prise au piège d’une échelle des peines perçue comme inconséquente
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Action, réaction

"Mon plus beau souvenir du Bataclan, pété de rire", écrivait le jeune lycéen de Caen qui a été condamné à 2 ans de prison ferme. La condamnation, pour apologie du terrorisme, se veut exemplaire mais contraste néanmoins avec les différents degrés de sévérité rendu selon les jugements.

Jean-Paul Garraud

Jean-Paul Garraud

Jean-Paul Garraud est un magistrat et homme politique. Actuellement Président de l'Association professionnelle des magistrats, il a été le rapporteur du projet de loi "interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public", dirigé contre le port du voile intégral.

 

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Atlantico : Le tribunal correctionnel de Caen a condamné jeudi un lycéen de 18 ans à trois ans de prison, dont deux ferme, pour de nombreux tweets faisant l'apologie du terrorisme. Une partie de l’opinion s’émeut pourtant de la dureté de la peine. Une peine de prison est-elle proportionnée, voire efficace ?

Jean-Paul Garraud : Quand on écrit 70 pages sur son compte twitter du style "Mon plus beau souvenir du Bataclan, pété de rire", et que l'on menace de mort l'imam de Drancy considéré comme trop modéré, on s'expose évidemment à l'application de l'article 421-2-5 du code pénal qui prévoit une pénalité maximale de 7 ans d'emprisonnement et de 100.000€ d'amende. D'autant plus quand on a déjà été condamné à trois reprises par le tribunal pour enfants pour des violences et des outrages. Sans connaître le détail du dossier, la peine m'apparaît donc parfaitement justifiée. Si cette peine de prison est effectivement exécutée, car elle peut être certainement "aménagée", il faut espérer qu'elle sera utile, qu'elle dissuadera cet individu de recommencer et qu'il comprendra…Mais, elle doit aussi être utile à la société par une mise à l'écart, dans un souci de protection sociale, ceux qui vantent les mérites de tels assassins.

A l’inverse, un autre courant de l’opinion s’indigne : d’autres condamnés ont encouru la même peine pour des faits apparemment moins graves. Une telle divergence dans les réactions de la population n’est-t-elle pas le signe du manque de lisibilité des décisions de justice ?

C'est plutôt la Justice qui est la grande inconnue pour nombre de nos concitoyens. C'est fort dommage car elle remplit un rôle fondamental et au quotidien dans la société. Posez la question à ceux qui ont été jurés dans des Cours d'Assises. Leur vision de la Justice a été totalement transformée avant et après cette expérience passionnante. La Justice gagnerait à être mieux connue, on se rendrait compte de l'abnégation et du dévouement d'une grande partie du corps judiciaire. Sauf que, la Justice des Hommes n'est pas parfaite. Il faut donc trouver le moins mauvais système. Avoir les moyens, les bonnes personnes au bon endroit, une politique pénale juste et rigoureuse. C'est loin d'être le cas aujourd'hui. La Ministre est à contre-emploi avec un gouvernement qui a pris un virage à 180° en matière répressive d'où le silence assourdissant de Mme Taubira… On va voir si elle suit les consignes de l'Elysée et de Matignon dans les prochains textes qu'elle présentera. Sinon, il faut évidemment qu'elle en tire les conséquences.

Comment expliquer un tel manque de confiance dans l’impartialité des jugements et de l’application des peines ? Dans quelle mesure ce désaveu est-il justifié ?

Tout est à revoir dans ce domaine, c'est une évidence. Entre la peine prononcée et la peine exécutée, vous avez un système que je qualifierai "d'érosion des peines" qui se met en place. Dès le lendemain du prononcé, le juge d'application des peines peut, dans le secret de son cabinet, tout modifier. Ce n'est pas sa faute, c'est le résultat d'évolutions législatives dont tous les gouvernements depuis plus de 30 ans sont responsables. Pour mieux adapter la peine à chaque individu, on peut tout défaire pour mieux reconstruire, c'est l'idée… 

Au final, pour les délinquants d'habitude, entre les chances de ne jamais être attrapés et, s'il le sont , tous les droits et recours qui leur sont donnés, les peines aménagées, les réductions de peines automatiques et supplémentaires, etc…Beaucoup font un calcul risque-profit sans hésiter à faire le choix de la délinquance. Ce qui explique que ce sont "toujours les mêmes" qui encombrent nos juridictions pénales. Les casiers aux multiples condamnations sont finalement assez fréquents. Il est urgent de revoir tout ce secteur avec, par exemple, un seuil de peine incompressible. 

A l'érosion de la peine, il faut opposer la certitude de la peine!

Si ce sursaut de fermeté de la part de la justice est justifié, n’arrive-t-il pas alors un peu tard ? 

Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Les magistrats sont des hommes et des femmes qui ont partagé l'émoi de la population face à ces attaques terroristes. Ils savent qu'ils ont un rôle majeur à jouer dans cette guerre qui s'installe sur le temps long. Comme je l'ai déjà proposé, des réformes s'imposent, comme celle visant une nouvelle organisation de la justice anti-terroriste en France avec la création d'un Procureur national qui rendra inutile la prolongation de l'état d'urgence. Les moyens doivent être alloués au soutien et la politique pénale doit être radicalement modifiée avec des lois donnant les moyens légaux d'agir pour éradiquer les réseaux islamiques avant qu'ils ne passent à l'acte. Nombre de magistrats et de fonctionnaires de justice, tout comme l'ensemble des forces de l'ordre, sont animés par cette volonté de servir le pays face aux dangers grandissants qui nous menacent. Le gouvernement doit passer des paroles aux actes, c'est une nécessité absolue. l'ADN de la gauche est-il modifié au point d'aller vers le sécuritaire en rangeant au placard son idéologie? C'est la question…

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