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Dette grecque : le ton monte entre le FMI et l'Allemagne
©REUTERS/Alkis Konstantinidis

Ça chauffe...

Voilà plusieurs semaines que les différents acteurs impliqués dans le dossier grec peinent à se mettre d'accord sur le déblocage d'une nouvelle tranche d'aide. En cause : les vifs désaccords entre l'Allemagne et le FMI sur le rééchelonnement de la dette grecque.

Guillaume Duval

Guillaume Duval

Guillaume Duval est rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques, auteur de La France ne sera plus jamais une grande puissance ? Tant mieux ! aux éditions La Découverte (2015) et de Made in Germanyle modèle allemand au-delà des mythes aux éditions du Seuil et de Marre de cette Europe-là ? Moi aussi... Conversations avec Régis Meyrand, Éditions Textuel, 2015.

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Atlantico : Dans le cadre des négociations quant à une sortie de crise grecque, le principal point d’achoppement entre l'Allemagne et le FMI apparaît être le rééchelonnement de la dette grecque. Quelles sont les causes de ce désaccord ?

Guillaume Duval : Il faut remonter au point de départ de l'action, soit la volonté d'Angela Merkel d'impliquer le FMI dans le sauvetage de la Grèce, malgré l'opposition de la France. Pour l'opinion publique allemande, il est important que le FMI reste à bord car cela montre qu'il ne s'agit pas d'une simple négociation politique intra-européenne.

Il faut ensuite prendre en considération le ras-le-bol des actionnaires du FMI quant au fait de devoir venir en aide à des économies développées comme celles de pays européens, et de la Grèce en particulier. Jusqu'à présent, leur doctrine consistait en la résolution des crises économiques et financières dans les pays du Sud, considérant que les Européens peuvent se débrouiller entre eux. Ce sur quoi l'institution ne transige pas, c'est sur le fait qu'elle ne peut pas venir en aide à un pays si la solvabilité de celui-ci n'a pas été rétablie ; il est impératif de ramener la dette à un niveau soutenable pour le FMI. Leur analyse pour la Grèce est la suivante : le niveau de dette est trop important et le pays ne réussira jamais à rembourser cette dette malgré toutes les mesures déjà prises et celles que l'on envisage de prendre.

Si des mesures en faveur du rééchelonnement de la dette grecque ne sont pas prises, le FMI est cette fois-ci prêt à aller au clash alors qu'il jouait jusqu'à présent un rôle d'amortisseur dans la crise. Si c'est le cas, cela entraînera nécessairement un blocage des négociations dans un premier temps, puis un défaut grec qui aurait lieu en juillet. Le défaut grec permettrait, de fait, un effacement de la dette – l'objectif serait donc en partie atteint. Pour l'Allemagne, la seule porte de sortie qui lui resterait dans ce contexte-là serait le Grexit, soit pousser les Grec en dehors de la zone euro. Néanmoins, depuis un an, le rapport de forces a changé sous l'impulsion de la crise migratoire. Si l'Allemagne accentue ses efforts pour pousser la Grèce en dehors de la zone euro, dans ce contexte de crise migratoire, l'Allemagne serait la première victime sur le plan politique ; l'image de marque d'Angela Merkel en tant que leader de l'Europe serait ainsi écornée. L'option du Grexit pour l'Allemagne est donc particulièrement affaiblie aujourd'hui. Ainsi, l'Allemagne n'a pas d'autre choix que de céder aux demandes du FMI, même si ce n'est pas une annulation de la dette en bonne et due forme. 

Le ministre des Finances allemand semble prêt à envisager le rééchelonnement de la dette grecque. Pour cela, il préconise le contournement du Bundestag, largement hostile à cette mesure. Quels sont les ressorts de cette hostilité ? 

Cela est motivé par la conviction que toute dette doit être remboursée, une position moralisatrice qu'a tenue l'Allemagne depuis le début de la crise. Il faut prendre aussi en considération la montée de l'extrême-droite en Allemagne, en particulier de l'AfD, qui a une influence sur les parlementaires néo-conservateurs au Bundestag. Même si le ministre des Finances préconise le contournement du Bundestag, on peut fortement penser que cela se fera avec le consentement de la majorité.

Comment est-il possible de contourner cette institution démocratique dans la résolution de la crise grecque ? Est-ce une entreprise risquée, sur le plan démocratique notamment ? 

Le Bundestag s'est arrogé un droit de regard sur toutes les actions menées en particulier dans le cadre du mécanisme européen de stabilité. En ce sens, un montage juridique visant à contourner le Bundestag me paraît très difficile ; dans tous les cas, il y a une très forte probabilité pour que cela se termine devant la Cour constitutionnel. Peut-être s'agit-il se jouer sur le temps : envisager une action que la Cour retoquera sur le plan juridique, mais que d'ici 1 ou 2 ans, où un bilan pourrait être fait sur ce qui a été accompli. Il est probable que ce qui sera fait jusqu'à cette échéance ait été suffisamment loin pour que les élections législatives de l'automne 2017 soient passées, ce qui pourrait permettre d'aborder les choses plus calmement. Néanmoins, pour les raisons précédemment évoquées, il s'agit là d'un pari risqué. D'un point de vue des chrétiens-démocrates, le contournement du Bundestag donne de l'eau au moulin de l'AfD sur le terrain démocratique. Mais l'Allemagne n'a pas le choix comme je le disais : elle doit concéder au moins à une réduction de la dette grecque, si ce n'est une annulation totale. 

Dans le cas où un réaménagement de la dette grecque ne serait pas décidé, le FMI menace de se retirer du dossier. Quels sont les risques de ce retrait potentiel ?

Il s'agit là d'une menace à prendre très au sérieux. Ce retrait déstabiliserait tout ce qui a été mis en place jusqu'à présent sur les solutions de sortie de crise. On pourrait envisager un impact plutôt positif également, qui obligerait les Européens à réfléchir par eux-mêmes aux solutions à apporter aux crises de dette publique à l'intérieur de la zone euro, sans avoir besoin d'aller chercher des béquilles extérieures. Il conviendrait alors de pousser la réflexion sur la mise en place d'un FMI européen, en complétant les dispositifs existants créés dans la crise. Cela confronterait les Allemands directement à leur rôle de leadership, Washington ne les appuyant plus. Néanmoins, la principale conséquence que l'on retiendra de ce retrait du FMI serait le chaos régional que cela provoquerait.

Outre l'opposition du Bundestag, y-a-t-il d'autres obstacles majeurs à la résolution de la question grecque ? 

L'un des principaux problèmes juridiques aujourd'hui concernant la crise grecque, et qui constitue un obstacle majeur, réside dans le fait que la dette grecque est détenue majoritairement par la BCE. Ainsi, annuler la dette grecque d'une manière ou d'une autre, c'est causer des pertes à la BCE, ce qui est, pour l'instant, si l'on considère les traités, assimilé à une aide apportée par la BCE à un Etat. Ceci est très litigieux sur le plan juridique, et impliquerait la Cour de justice européenne, outre la Cour constitutionnelle allemande mentionnée plus haut. Il s'agit d'une des raisons mises en avant par les Allemands pour refuser l'annulation de la dette grecque.

Propos recueillis par Thomas Sila

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