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Dette grecque : l'absence de solidarité européenne a fait les (gros) profits de quelques spéculateurs
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Lutte gréco-européenne

Ce lundi, le déclenchement des CDS - des contrats d'assurance financière - sur la dette publique grecque a mis fin à une longue crise. Reste à savoir qui en bénéficiera et quelles leçons on peut en tirer.

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Ce lundi, le déclenchement des fameux CDS sur la dette publique grecque marque la fin du feuilleton. Chaque souscripteur de dette grecque a eu la possibilité de s’assurer contre le défaut éventuel de la Grèce. Ce défaut, de négociation en négociation, de requalification en requalification, a fini par être entériné. Notamment par un organisme mystérieux, l’ISDA (international swaps and derivatives association) dont les responsables surveillent les émissions de ces contrats d’assurance que sont les CDS.

Il appartenait à l’ISDA de déterminer s’il y avait défaut, c'est-à-dire si l’annulation d’une partie de la dette grecque reposait sur un accord des créanciers – et là il n’y a pas de défaut  – ou sur un acte de force des Grecs – et là il y a défaut. Si l’ISDA a prononcé le défaut sans que personne ne s’en émeuve, c’est que les transferts de fonds qui vont se faire après compensation vont se limiter à 2 milliards d'euros pour une annulation de 80 milliards. Dans ce jeu étrange où tout le monde se couvre auprès de tout le monde, où la finance tient la finance par la barbichette, tout finit par s’annuler. Au moment de la faillite de Lehman Brothers, l’évaluation de la mobilisation des CDS se chiffrait à 400 milliards de dollars ; puis on regarda tout cela de plus près et finalement, ce furent 7 milliards qui furent mobilisés. Simplement quelques habiles auront dans la faillite grecque fait des bénéfices substantiels. Pour l’instant, nul ne sait qui ils sont ni combien chacun aura encaissé.

La leçon à tirer reste que l’absence de solidarité entre les Européens aura fait marginalement la fortune de quelques audacieux alors que le respect de quelques règles économiques élémentaires auraient permis de l’éviter.

Souvenons-nous : en septembre 1992, George Soros rentre dans la légende pour avoir spéculé avec succès contre la livre sterling alors membre du SME. Les règles étaient pourtant claires : chaque fois qu’un détenteur de livres se présentait sur le marché des changes pour obtenir des Deutsche mark, il appartenait à la Bundesbank de fournir les Deutsche mark en question, au taux de change alors en vigueur. Elle ne le fit pas et entraina la chute de la livre. Soros fit fortune moins grâce à une analyse fine des fondamentaux de l’économie britannique que par une juste appréciation des rancoeurs entre Anglais et Allemands.

Souvenons nous : en 2007, les taux d’intérêt sont partout les mêmes en zone euro ; il paraît évident que l’euro est un et qu’il n’y a aucune différence entre l’euro grec et l’euro allemand. Quiconque détient de la dette grecque ne court aucun risque car cette dette, libellée en euros, sera rachetée sur le marché secondaire par la BCE. On peut donc penser que les CDS n’ont aucun sens. Mais à partir de fin 2009, les dirigeants européens et singulièrement allemands vont faire comprendre aux marchés qu’en fait il y a des différences entre l’euro grec et l’euro allemand. Et que l’automaticité du rachat des titres par la BCE ne va pas de soi. Ceux qui aujourd’hui encaissent les CDS sont ceux qui, indépendamment des raisonnements économiques sur la réalité grecque, ont fait un raisonnement politique judicieux sur la réalité européenne.

Depuis la création des banques centrales, un Etat endetté dans sa propre monnaie ne doit pas faire défaut. La Grèce était endettée en euro qui est sa devise. Elle a pourtant fait défaut. Pour les futurs acheteurs de CDS la question qui se pose désormais est la suivante : l’édifice financier qui fait de la dette publique exprimée en monnaie nationale un actif sûr si bien que se couvrir par des CDS n’a guère de logique est-il mort, mettant systématiquement l’incertitude au centre de la gestion des dettes publiques ? Ou simplement l’euro n’était pas en réalité la monnaie de la Grèce et dès lors, de qui est-il la monnaie ?

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