Désistement républicain : gauche, droite, FN, qui a choisi quoi pour le second tour des départementales<!-- --> | Atlantico.fr
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Les têtes d'affiches des trois premiers partis
Les têtes d'affiches des trois premiers partis
©Capture d'écran

Diversité

Le second tour des départementales de dimanche 29 mars verra 282 triangulaires opposant un candidat de droite, un de gauche, et un FN. Le "front républicain", s'il existe encore, n'a pas été une évidence pour ce suffrage. Une note Ifop exclusive détaille au cas par cas les différentes situations.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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A l’issue du premier tour, on dénombrait sur le territoire métropolitain, 282 cas de triangulaires opposant potentiellement la gauche, la droite et le FN pour le deuxième tour. Ce nombre, bien que plus élevé que prévu du fait d’une abstention un peu moins forte qu’annoncée (ce qui a abaissé mécaniquement le seuil de qualification) est à comparer aux 663 duels gauche/droite et aux 792 duels mettant au prise le FN avec la droite ou la gauche. Les triangulaires ne constituent donc pas la configuration la plus fréquente mais elle focalise l’attention pour plusieurs raisons. D’une part, on se souvient qu’elles ont coûté très cher à la droite lors des législatives de 1997 en contribuant significativement à la défaite de la majorité RPR/UDF et, d’autre part, elles revêtent un fort enjeu politique et symbolique dans le cadre de la lutte contre le FN dans laquelle gauche et droite se sont engagées.

1- Le désistement républicain a été plus pratiqué par la gauche

En effet, face à la perspective d’une victoire du FN dans ces cantons, les deux familles politiques se trouvent placées dans leurs responsabilités et ont à décider du maintien ou du retrait de leurs candidats. Sur la base des données publiées par le Ministère de l’Intérieur concernant les candidats se présentant effectivement au second tour, on ne dénombre plus que 254 cas de triangulaires gauche/droite/FN soit 28 de moins qu’au soir du premier tour. La gauche a retiré ses candidats dans 21 cantons et la droite ne l’a imitée que dans 7 cantons.

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Ces retraits ont eu lieu principalement dans des cantons où le FN était arrivé en tête au premier tour : dans 5 cas sur 7 pour les retraits de la droite et dans 16 cas sur 21 pour les retraits effectués par la gauche. C’est dans les départements les plus concernés par la poussée frontiste que les retraits ont été les plus fréquents : Aisne, Vaucluse, Pas-de-Calais et Somme. Au total, ces retraits ont ramené le nombre de triangulaires avec un FN en tête de 58 (à l’issue du premier tour) à 37, ce qui réduit d’autant les chances de victoire de la formation lepéniste.

2 - Les critères ayant prévalu au maintien ou au retrait des candidats de gauche

Si la gauche a pratiqué le plus de "désistements républicains", ces décisions ont été prises au cas par cas en tenant compte des rapports de forces électoraux issus du premier tour et en composant avec la volonté des candidats locaux pas toujours très allants pour se "saborder". La dimension stratégique de ces retraits ponctuels apparaît assez clairement à l’analyse. Sur les 104 cas de triangulaires potentielles dans lesquelles un candidat de gauche a viré en tête au premier tour, les forces de gauche ne se sont retirées dans aucun canton. A l’inverse sur les 178 cantons potentiellement soumis à triangulaires avec le FN et où la gauche n’était pas première, elle s’est retirée dans 21 cas, la droite se retirant, quant à elle, dans 5 de ces 178 cantons.   

Si l’on affine l’analyse sur ces 152 cas de triangulaires restants où la gauche n’était pas arrivée première, on constate que là encore la désignation de se maintenir ou de se retirer a été pesée au trébuchet dans une majorité des cas. La gauche se maintient ainsi dans la totalité des 85 cantons où elle est seconde.

En revanche, le choix du maintien face au FN dans les 67 cantons où la gauche est arrivée troisième peut paraître en contradiction avec la volonté de faire barrage au FN car on sait que le FN a plus de chances de l’emporter en triangulaire que dans le cadre d’un duel Droite/FN provoqué par le désistement du candidat de gauche. Néanmoins, le maintien d’une candidature peut être légitimé dans un peu moins de la moitié de ces cantons où la gauche était troisième (31 cas sur 67) par deux types d’arguments. On constate en effet, que dans 16 de ces triangulaires, la droite a dominé très largement le premier tour et a toutes les chances de gagner au second tour. Dans cette configuration, il est intéressant pour la gauche de maintenir son candidat pour continuer d’exister dans le paysage politique sans que cela n’accroisse les chances du FN de l’emporter. On peut citer par exemple les cas des cantons de Saint-Paulien en Haute-Loire (48,5% pour la droite au premier tour), Clermont-en-Argonne dans la Meuse (46,9%), d’Is-sur-Tille en Côte d’Or (46%), de Magny-le-Désert dans l’Orne (45,4%) ou bien encore de Saint-Calais dans la Sarthe (44,2%).

Parallèlement à cela, dans 15 autres cantons où la gauche s’est maintenue alors que son candidat qualifié n’était que 3ème  au premier tour, cette décision peut s’expliquer par le fait que le total des voix de gauche du premier tour est élevé. Bien que troisième, le candidat de gauche encore en lice peut espérer pouvoir s’appuyer sur des réserves significatives et éventuellement l’emporter si les voix s’étant portées au premier tour sur les autres candidats de gauche se reportent correctement sur lui.

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En revanche dans d’autres cantons, la gauche se maintient en triangulaire alors même que ses chances sont réduites. Dans 6 cantons au moins, cela peut expliquer par le fait que le binôme de gauche encore présent au second tour est constitué de divers gauche, sur lesquels les consignes ou les demandes de retrait insistantes des états-majors ont assez peu de poids. C’est le cas notamment à Albert dans la Somme, Vouziers dans les Ardennes, Ornans dans le Doubs, Saint-Amour dans le Jura ou bien encore dans les cantons du Pays-de-Serres et du Sud-est agenais dans le Lot-et-Garonne.

3 - Des cantons où la gauche se maintient en dépit d’une possible victoire du FN

Si la gauche a donc procédé avec méthode, dans 30 cantons concernés par une triangulaire et où la gauche est arrivée troisième au 1er tour, elle se maintient alors qu’elle dispose d’assez peu de réserves et que la droite n’est pas dominante ce qui offre des perspectives de victoire au FN dans un scrutin très serré.

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De surcroît dans ces 30 cas, le binôme de gauche qualifié n’est pas divers gauche, c’est donc la gauche "officielle" qui a pris des risques. On peut également ajouter à cette liste de 30 cantons où la gauche se maintient bien qu’en étant 3ème et alors que le FN est fort, les quelques cas suivants où le FN peut l’emporter mais où la gauche se maintient car étant arrivée seconde. Dans ces cantons, la droite qui ferme la marche n’a pas retiré non plus ses candidats.

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Au terme de cette analyse, on constate donc que la volonté d’affronter le FN se traduit par des attitudes différentes. Dans les triangulaires, la droite n’a quasiment pas retiré de candidats quand la gauche a pratiqué plus nettement ce geste au nom du "front républicain". Pour autant, si cet effort est réel, on observe que dans 30 cantons, la gauche "officielle" s’est maintenue bien qu’étant arrivée 3ème sans disposer de grosses réserves de voix et sans qu’à la lecture des résultats, la droite paraisse sûre de l’emporter. Les chances de victoire du FN sont également élevées dans une douzaine d’autres cantons où soit des divers gauche se sont maintenus ou soit la gauche "officielle" n’a pas retiré ses binômes car ceux-ci étant arrivés devant la droite au premier tour.

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