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Désendetter la France : un pari impossible sans réduction massive des dépenses publiques
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Relance

François Hollande, appliquant à la lettre ses promesses électorales, a choisi la voie du redressement par des prélèvements supplémentaires. S'il a avancé quelques mesures de réduction des dépenses publiques, elles demeurent trop limitées pour se révéler réellement efficaces.

Maël de  Calan Matthieu Schlesinger et Pierre-Emmanuel Thiard

Maël de Calan Matthieu Schlesinger et Pierre-Emmanuel Thiard

Maël de Calan, militant UMP dans le Finistère, travaille dans le secteur privé. Enguerrand Delannoy, militant UMP dans la Vienne, crée son entreprise. Matthieu Schlesinger, militant UMP dans le Loiret, est haut fonctionnaire. Pierre Emmanuel Thiard, militant UMP à Paris, est haut fonctionnaire.

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Les premières déclarations du nouveau gouvernement en matière de finances publiques se sont voulues rassurantes : le rétablissement des comptes, présenté comme « l’un des piliers du redressement économique, social et financier du pays », s’inscrirait globalement dans le cadre du programme de stabilité transmis à la Commission Européenne par la précédente équipe, le déficit public étant ramené à 3% en 2013, et l’équilibre atteint en 2017.

Vœu pieu ? La stratégie dessinée pour parvenir à ce redressement est en effet beaucoup plus inquiétante. Respectant scrupuleusement les engagements de campagne de François Hollande, elle repose sur la martingale perdante qui est responsable tout à la fois de la dérive de notre compétitivité et de celle de nos finances publiques. Celle d’un redressement reposant principalement sur des prélèvements supplémentaires, et quelques mesures de réduction des dépenses au champ trop limité pour être efficaces.

C’est ainsi que dès 2013, pas moins des trois quarts de l’effort à fournir pour tenir l’objectif de déficit sera constitué par des recettes nouvelles (25 Mds€, qui s’ajouteront aux nouveaux prélèvements votés dans le cadre du PLFR 2012) alors même que l’effort sur les dépenses (8 Mds€ environ) pèsera une nouvelle fois pour l’essentiel sur l’État.

Ce choix revient à poursuivre les politiques consistant à ajuster les moyens au niveau sans cesse croissant des dépenses, sans jamais y parvenir tout à fait ni s’interroger sur la pertinence des dépenses engagées. Politiques qui ont entrainé une montée concomitante du niveau de la dette et des prélèvements obligatoires, jusqu’à ce jour où la France fait course en tête en matière de prélèvements (43,9% du PIB en 2011, soit environ 4 points de plus que la moyenne de la zone euro), de dépenses publiques (56% du PIB en 2011, soit environ 6 points de plus que la zone euro) et de déficits (5,2% du PIB en 2011 contre 4,1% dans la zone euro).

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, cette stratégie devrait se solder par un échec, et très vite, la question d’un redimensionnement global de la dépense publique se posera à nouveau. Librement si le gouvernement a la sagesse d’en prendre rapidement l’initiative, sous la contrainte de nos créanciers s’il décide d’attendre. Quels en seront les contours ?

Le premier impératif consistera à étendre les mesures d’économie à toutes les administrations et à toutes les natures de dépense.

A toutes les administrations d’abord. Les réformes engagées jusqu’à présent ont porté sur les effectifs de l’État (au travers du « 1 sur 2 ») et sur ses autres dépenses de fonctionnement. Nécessaires et courageuses, ces mesures ont toutefois réussi la contreperformance d’apparaître à la fois très dures et peu efficaces, leur champ ayant été extrêmement limité. Elles ne portaient en effet que sur 37 % des dépenses des administrations centrales, qui ne représentent elles-mêmes que… 27 % de la dépense publique !

Pour peser véritablement, ces mesures doivent non seulement être poursuivies, mais surtout être étendues à la plupart des opérateurs de l’Etat, aux collectivités territoriales et aux administrations de sécurité sociale. Tout le secteur public doit être mis à contribution. A titre d’exemple, l’application du « 1 sur 2 » aux administrations locales au cours du quinquennat aboutirait à la suppression de 100 000 emplois publics environ, soit une économie annuelle supérieure à 3 Mds€ en année pleine.

A toutes les natures de dépense ensuite. Les dépenses de transfert (l’ensemble des prestations sociales, subventions aux ménages et aux entreprises qui forment le cœur de notre « modèle social ») ont été largement épargnées par les réformes (à l’exception notable des dépenses de retraite), alors même qu’elles représentent plus de la moitié de la dépense publique (607 Mds€ en 2010) et 80 % de l’accroissement de celle-ci sur la période 1978-2010. On voit difficilement comment une stratégie de réduction des dépenses pourrait prospérer sans s’attaquer à ces transferts.

Le deuxième impératif consistera à utiliser l’ensemble des outils dont disposent les décideurs pour agir, qu’ils conduisent à des décisions très ciblées (suppression pure et simple de certaines dépenses), un peu moins (plafonnement ou dégressivité dans le temps de certaines prestations) ou pas du tout (désindexation générale de pans entier de la dépense publique par rapport à l’inflation). 

Le troisième impératif consistera à fonder ces décisions sur les nombreuses évaluations déjà disponibles, qui mettent en évidence de nombreux dispositifs peu efficaces.

D’ores-et-déjà, quatre pistes doivent être rapidement explorées. Elles portent pour l’essentiel sur cette masse de transferts qui constituent la terra incognita des stratégies de réduction de la dépense.

Première piste : désindexer (partiellement ou en totalité) l’ensemble des transferts par rapport à l’inflation. Compte tenu des masses en jeu, cette mesure aurait un rendement considérable si elle était appliquée plusieurs années de suite, sans distinguer il est vrai entre dépenses efficaces et dépenses inefficaces tant du point de vue économique que social. Deuxième piste : plafonner et rendre à nouveau dégressives dans le temps les dépenses d’assurance chômage (environ 35 Mds€), ce qui permettrait tout à la fois de réduire leur poids sur les finances publiques et d’accélérer le retour à l’emploi. Troisième piste : réduire vigoureusement le rythme de progression des dépenses d’assurance maladie (environ 170 Mds€), en accroissant significativement le « reste à charge » des malades (environ 10 % des frais à ce jour, un taux assez stable qui est aussi l’un des plus faibles de l’OCDE) tout en veillant à instaurer un mécanisme limitant ce « reste à charge » pour les plus modestes, et en engageant une réforme structurelle de l’hôpital. Quatrième piste : s’attaquer aux dépenses d’aide au logement qui ont largement contribué à nourrir la bulle immobilière, et qui représentent près de 40 Mds€.

A moyen terme, cet ajustement des dépenses aura un effet très positif sur la croissance : à la fois parce qu’il autorisera un taux de prélèvement plus faible, et parce qu’un certain nombre de dépenses publiques inefficaces seront remplacées (ou non) par des dépenses privées, limitant les coûts d’administration et améliorant l’allocation des ressources. A moyen terme également, cet ajustement préservera notre modèle de société, en garantissant son financement et donc sa pérennité.

Il reste que cet ajustement sera difficile. Il touchera tout le monde car ce serait un mensonge de prétendre pouvoir faire supporter l’effort par quelques-uns uniquement. Ses effets négatifs à court terme sur la croissance ou notre niveau de vie ne pourront pas être complètement évités. Mais la réforme que nous pouvons décider souverainement sera toujours moins brutale que celle imposée de l’extérieur : plus que jamais, les finances publiques sont devenues une affaire de souveraineté.

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