Des robots pour nettoyer les hôtels : les pénuries de main-d'œuvre vont-elles accélérer la robotisation ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des robots sont vus lors d'une démonstration au sein d'un hôtel à Tokyo en avril 2020.
Des robots sont vus lors d'une démonstration au sein d'un hôtel à Tokyo en avril 2020.
©AFP / Kazuhiro NOGI

Révolution

Des chercheurs de la Copenhagen Business School ont tenté de savoir si le changement dans l’offre de main-d'oeuvre peu qualifiée pouvait affecter l’adoption de robots par les entreprises.

Dario Pozzoli

Dario Pozzoli

Dario Pozzoli est professeur d'économie à la Copenhagen Business School. Ses recherches portent sur les effets de la mondialisation sur l'économie nationale. Il a récemment examiné comment le commerce et l'immigration affectent les résultats des entreprises nationales telles que l'innovation, la délocalisation et la productivité et les conditions du marché du travail national telles que les compétences des travailleurs. 

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Atlantico : Dans une étude récente, Automation and Low-Skill Labor, vous vous êtes demandé si les changements dans l'offre de main-d'œuvre peu qualifiée pouvaient affecter l'adoption de robots par les entreprises, en vous basant sur les flux d'immigrations dans les municipalités danoises. Qu'avez-vous observé ?

Dario Pozzoli : Dans notre étude, nous observons qu'une part locale plus élevée de travailleurs immigrés conduit les entreprises à adopter moins de robots. Plus précisément, nous constatons qu'une augmentation d'un point de pourcentage de la part des migrants non occidentaux diminue en moyenne la probabilité d'adoption de robots de 7 % et la valeur des robots importés de 17 %.Étant donné que les migrants sont généralement moins qualifiés que les travailleurs autochtones et qu'ils occupent des emplois à forte intensité de routine, notre résultat suggère que les travailleurs peu qualifiés et les robots sont des canaux alternatifs par lesquels les entreprises surmontent les problèmes de pénurie de main-d'œuvre.

Cela signifie-t-il que les robots et les travailleurs peu qualifiés sont de parfaits substituts ?

Nos résultats montrent que l'immigration peu qualifiée a un impact négatif significatif sur l'adoption des robots, c'est-à-dire que les entreprises situées dans des municipalités qui connaissent un afflux exogène de travailleurs étrangers non occidentaux sont moins incitées à automatiser leurs processus de production. Les immigrants non occidentaux sont souvent des travailleurs peu qualifiés qui effectuent des tâches routinières, lesquelles sont plus susceptibles d'être remplacées par des robots. L'immigration et l'adoption de robots peuvent donc être considérées comme des substituts. 

Depuis la pandémie de Covid, nous avons beaucoup entendu parler de la "Grande démission" et des difficultés des employeurs dans des secteurs tels que les professions de soins, la restauration, la construction... à trouver des travailleurs. On entend parfois parler d'employeurs qui échangent des humains contre des robots. Pensez-vous que cette tendance va s'accentuer ?

De nombreuses entreprises dans les économies avancées sont actuellement confrontées à des difficultés pour pourvoir les postes vacants (voir par exemple The Great Attrition : Facing the labor shortage conundrum) Les lois strictes en matière d'immigration, le départ à la retraite d'importantes cohortes de baby-boomers et les sorties du marché du travail induites par la Covid ont fait baisser l'offre de travailleurs. Des preuves anecdotiques suggèrent que les entreprises ont de plus en plus recours aux technologies d'automatisation lorsqu'elles ne peuvent pas embaucher sur le marché du travail (voir par exemple : Robots replace humans as labour shortages bite). Donc oui, nous pensons que les pénuries de main-d'œuvre vont déclencher davantage d'investissements dans les robots, en particulier parce que les progrès rapides de la robotisation ont élargi l'ensemble des tâches que les machines peuvent accomplir au cours de la dernière décennie. Cette impression des faits est également confirmée par plusieurs autres études dans le domaine. Une étude récente menée par Daron Acemoglou, professeur au MIT, révèle qu'une part importante des adoptants (66 %) déclare utiliser des robots industriels pour automatiser des tâches effectuées par la main-d'œuvre.

Dans quelle mesure l'automatisation peut-elle remplacer les travailleurs ?

Les robots industriels sont plus aptes à remplacer les travailleurs peu qualifiés. De nombreuses études montrent que les robots sont complémentaires (et non substituables) aux travailleurs hautement qualifiés (voir par exemple cette étude ou ces travaux).

Quelles devraient être les implications politiques de vos conclusions ?

Nos résultats ont des implications politiques importantes à un moment où de nombreux pays ont mis en place des politiques d'immigration restrictives et connaissent des pénuries de main-d'œuvre (en particulier en termes de travailleurs peu qualifiés) en raison du départ à la retraite des cohortes de baby-boomers. Notre principale conclusion selon laquelle l'immigration peu qualifiée et l'adoption de robots sont des substituts suggère que la technologie de l'automatisation devrait se généraliser au cours des prochaines décennies en réponse aux pénuries de main-d'œuvre. Il est donc important de mettre en œuvre des politiques garantissant que les jeunes travailleurs entrant sur le marché du travail puissent collaborer (et être complémentaires) avec les robots, plutôt que de leur faire concurrence. Des mesures de reconversion devraient également être conçues afin de faciliter la transition des travailleurs âgés vers des tâches non automatisables.

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