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Des nouveaux concurrents à gauche pour 2017 : qui aura encore peur de François Hollande après un échec au Congrès ?
©Reuters

Booster de vocations

Plus le temps passe et plus le Président semble s'embourber dans une réforme - la seule véritablement audacieuse - qu'il a voulu : la déchéance de nationalité. Un échec devant le congrès pourrait marquer la faiblesse de François Hollande... mais pas forcément le rendre moins effrayant.

Ghislaine Ottenheimer

Ghislaine Ottenheimer

Ghislaine Ottenheimer est journaliste politique et d'investigation. Elle est rédactrice en chef de Challenges depuis 2008. Elle a écrit de nombreux ouvrages dont Les deux Nicolas : La machine Balladur (Plon) en 1994 et Poison présidentiel en 2015 (Albin Michel).

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Atlantico : François Hollande souffre aujourd'hui d'une véritable faiblesse face à l'opinion publique. S'il rencontre également des difficultés face à sa majorité, la situation est moins tendue. Mais après l'échec annoncé du dossier "déchéance de nationalité", la situation pourrait changer. Qui – à gauche – sont ceux susceptibles de se dresser face à François Hollande, en 2017 après un échec au congrès ?

Ghislaine Ottenheimer : La seule voix pour imposer une primaire à gauche, c'est la voix judiciaire. Jamais, pour le moment du moins, François Hollande ne cédera à une quelconque pression de l'opinion ou de son aile la plus à gauche. D'autant plus que personne à gauche – au vu des sondages – n'a plus de chances que lui de se qualifier au second tour. Par conséquent, toute cette pression n'a pas d'impact : elle ne se concrétise pas sur un rival susceptible de le doubler. Enfin, François Hollande reste dans une possibilité de reconquête encore crédible, si on la compare avec celle de Nicolas Sarkozy. C'est pourquoi il n'a pas à craindre autre chose qu'une décision judiciaire ou que de militants ou d'élus de gauche cherchant à faire respecter les statuts du Parti Socialiste – dans lesquels il est effectivement inscrit la nécessité d'une primaire. Lui-même s'y était engagé. Et même cette solution souffre de défauts, notamment en termes de timing. C'est un processus long, qu'il sera difficile d'engager et de terminer d'ici la fin du mandat du président de la République et la prochaine élection présidentielle.

En dépit d'une importante pression de l'opinion publique, en partie liée au rejet de tous ceux qui incarnent la vie politique française de ces trente dernières années, il est important de se souvenir qu'un président de la République – ou même un candidat à la présidentielle – nourrit un fort ego. Il s'agit d'un chef de guerre, qui n'en est pas à sa première balafre. François Hollande ne se laissera pas impressionner. Bien sûr, certains se dresseront devant lui, sans passer par une primaire. On comptera certainement Jean-Luc Mélenchon parmi ceux-là. Cécile Duflot hésite beaucoup, dans la mesure où un parti qui ne se présente pas à la présidentielle est un parti voué à la marginalisation, et ce tant en termes de pouvoirs que de marge de négociation. Arnaud Montebourg s'est installé dans le monde du business et il y restera tant qu'il n'aura pas une vraie opportunité de retour. Il va de soi que Manuel Valls n'ira pas se présenter contre François Hollande : leurs bilans sont bien trop liés. Quant à Emmanuel Macron, qui fait espérer beaucoup de Français, demeure plus dans la transgression que dans la construction. Récemment, il avait mis en place une cellule, rapidement mise en sommeil puisqu'elle agaçait François Hollande. Il lui est très difficile de tuer le père, surtout en période de pré-élection présidentielle. Il n'y a pas de candidats susceptibles de renverser la table aujourd'hui.

N'oublions pas non plus que François Hollande est très tactique. Qui aurait à gagner à son échec au Congrès, sur la question de la déchéance de nationalité ? A qui profite le crime ? Clairement, c'est au Front National, premier tributaire de l'idée, qui pourra souligner l'indignité d'une classe politique, inapte à se mettre d'accord sur un sujet aussi primordial que la lutte contre le terrorisme. Sans oublier l’hémicycle au trois quart vides. Or le FN est le meilleur allié du président de la République, puisque c'est celui qui peut mordre le plus sur l'électorat de droite. Cette situation est très compliquée, mais François Hollande est un très habile tacticien. Il demeure sans réel rival jusqu'à présent.

Jusqu'où un échec de François Hollande au Congrès serait-il représentatif de sa faiblesse politique aujourd'hui ? Concrètement, quel impact cela pourrait-il avoir sur la fin de ce quinquennat ?

C'est assez amusant car François Hollande a été décrit pendant toute la précédente primaire comme un "mou", une "fraise des bois" ou encore une "fraise tagada", et il est vrai qu'il n'a pas pris de décisions très audacieuses notamment sur le plan économique – même si c'est un peu différent si l'on parle du militaire. Mais il a fait preuve d'une audace assez considérable au lendemain des attentats de novembre où il a proposé cette mesure de la déchéance de nationalité, qui est portée par le FN et par une partie de l'UMP de l'époque. Il s'était rendu compte qu'il ne pouvait plus se limiter à faire de l'anesthésie ou de l'accompagnement mais qu'il se devait de prendre des décisions importantes.

Et la première fois où il propose une mesure phare avec du leadership, devant le Congrès, il se plante. C'est extraordinaire tout de même ! Pour lui, au regard de l'histoire, c'est une fin de quinquennat pitoyable. Pour un Président de gauche, la priorité devrait être le chômage, or ça ne s'est pas amélioré. Le logement aussi devrait être primordial pour lui, et la situation n'a jamais été aussi mauvaise. L'éducation, elle n'a pas bougé. L'échec scolaire est toujours aussi élevé. Peut-on parler ici de la légalité républicaine ? Rien n'a avancé. Rien n'a changé. C'est donc un échec considérable et sur la seule mesure où il a fait preuve d'une véritable audace et d'un certain courage, c'est un échec phénoménal s'il s'avérait que la mesure ne passe pas. Ça confinerait au grotesque tellement c'est considérable. Au final, c'est une décision politique qui restera dans l'histoire comme aussi grotesque que la dissolution de Jacques Chirac.

Mais Nicolas Sarkozy est aussi touché dans cette affaire. Il a négocié un certain nombre d'éléments de la réforme pour voter. Et le gagnant, finalement, c'est un peu François Fillon. Ce dernier a pris pour une fois le bâton de leader – leader d'opinion en tout cas.     

La gauche demeure très scindée et comporte plusieurs familles politiques. Faut-il s'attendre à une réaction unanime de l'ensemble de celles-ci, dans le cadre d'un échec au Congrès ? Lesquelles sont les plus susceptibles de mener une "guerre sainte" au Président ?

Le problème, on le voit dans les sondages, c'est qu'il y a une vraie révolte contre le système, une déception forte et une réelle volonté de changement. Mais elle ne s'exprime pas à gauche de François Hollande. Je ne crois pas que les Français espèrent renverser le système par la gauche de la gauche. C'est pour cette raison que le Président déborde assez largement sur la droite. Il n'y a pas d'espaces à gauche pour le moment. Que ce soit l'extrême gauche, le PCF et EELV, tout cet ensemble stagne à 13% - ce qui est très faible. Alors que la droite peut augmenter avec un FN à 30-40%. Donc le danger n'est pas à gauche de François Hollande. Son vrai danger est de ne pas réussir à mobiliser son camp. Il n'y a pas de leader conséquent chez les Frondeurs. Or 2017 va arriver très vite…

Fondamentalement, François Hollande est-il piégé ? De quelles possibilités dispose-t-il encore pour se sortir du bourbier de la déchéance de nationalité ?

Il est très mal engagé. Le bénéficiaire de tout cela est le Front National. Si Nicolas Sarkozy est le candidat des Républicains, il peut également être très affaibli par cette mesure, ce qui peut être une chance pour Hollande. Ce sont des jeux de billard à trois bandes, c'est très aléatoire, un grain de poussière peut tout faire rater. Il serait préférable qu'ils s'affrontent sur le terrain des idées et des positionnements, car c'est cela la démocratie. Il y avait certainement une part de sincérité chez Hollande lorsqu'il a proposé cette mesure, il avait une volonté de frapper fort face à l'horreur du Bataclan.

En même temps, il souhaitait également piéger le FN et les Républicains. Ce mélange d'émotion et de tactique est malsain. Un leader doit avoir une vision du pays ce que Hollande n'a pas eu en faisant cela. Les Français sont attachés à l'égalité entre les citoyens, il ne doit pas y avoir de différences, du moins sur le plan des textes de la loi. Cela est absolument incompatible avec les mentalités des Français. 

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