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Derrière les bonnes intentions... 
Les effets pervers 
de la surtaxation des riches
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Pavé de bonnes intentions

Taxer les plus hauts revenus à hauteur de 75 % ? La proposition de François Hollande, hautement symbolique, va à l'encontre des analyses de nombreux politologues et analystes qui décrivent depuis des siècles la contre productivité d'un impôt progressif.

Jean-Philippe Feldman

Jean-Philippe Feldman

Jean-Philippe Feldman est agrégé des facultés de droit, ancien Professeur des Universités et maître de conférences à SciencesPo, et avocat à la Cour de Paris. Il est vice-président de l’Association pour la liberté économique et le progrès social (A.L.E.P.S.).

Dernier ouvrage publié : Exception française. Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron (Odile Jacob, 2020).

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Loin d’être anodine, la proposition de François Hollande d’ajouter une tranche de 75% à l’impôt sur le revenu au-dessus d’un million d'euros annuel est fort révélatrice des tares de la fiscalité française.

D’abord, elle pose la question de la légitimité d’un impôt sur le revenu et surtout de son caractère progressif. Elle témoigne de la subversion de tous les principes fiscaux classiques : alors que l’impôt n’était justifié originellement que par la nécessité des dépenses de fonctionnement de l’État, il est devenu au mieux un moyen de redistribution des revenus et au pis de spoliation totale des individus. Rappelons que l’impôt sur le revenu à un taux confiscatoire faisait partie des mesures de transition vers le communisme que Marx et Engels avaient inscrites dans leur Manifeste en 1848. La phrase de Ludwig von Mises, écrite un siècle plus tard, dans l’un des plus importants ouvrages libéraux du XXe siècle reste d’actualité : l’impôt progressif sur les revenus est "un mode déguisé d’expropriation des capitalistes et des entrepreneurs efficaces".

Ensuite, la proposition de François Hollande renvoie au débat sur la « justice fiscale ». Il serait juste, patriotique même, ajoute habilement le candidat socialiste, de donner sa fortune à l’État comme on peut lui donner son sang. Mais, la notion de « justice fiscale » n’est qu’un prolongement de la « justice sociale », dont le flou et l’illégitimité ont été dénoncés par Friedrich Hayek dans le second volume de Droit, législation et liberté en 1976. La « justice fiscale » est une formule incantatoire qui permet de couvrir d’un voile pudique toutes les mesures spoliatrices.

La proposition de François Hollande permet également de poser une question nodale, qui est pourtant le plus souvent obombrée : à qui appartiennent les revenus des individus ? A ceux-ci ou à l’État, ou plus exactement aux hommes de l’État ? La réforme suggérée n’est autre qu’une violation caractérisée du droit de propriété des individus qui fonde la civilisation occidentale.

La proposition de François Hollande n’est pas seulement contraire à tous les principes. Elle serait catastrophique dans les faits. On peut, avec l’expérience de l’histoire fiscale, décrire en termes utilitaristes ses effets prévisibles. Jean-Baptiste Say avait déjà démontré au tout début du XIXe siècle que les hauts taux tuent les totaux, selon une formule qui fera la célébrité de Laffer. Plus un impôt est confiscatoire, moins il rapporte.

Benjamin Constant, dans ses Principes de politiques de 1815, observait que l’excès des impôts conduisait à la subversion de la justice, à la détérioration de la morale et à la destruction de la liberté individuelle.

Mais l’auteur qui a le mieux décrit les conséquences délétères d’une fiscalité redistributrice, est certainement Friedrich Hayek, le plus important auteur libéral du XXe siècle. Après avoir démontré que la progressivité de l’impôt n’avait aucun fondement scientifique et qu’elle reposait sur un postulat purement politique fixé par une décision majoritaire, il explicite les effets d’une telle imposition : restriction de la division du travail, réduction de l’épargne, limitation de la circulation des capitaux et affaiblissement de la concurrence. La dernière conséquence sériée retient l’attention : paradoxalement, la progressivité accroît les « inégalités » par la perpétuation des inégalités existantes. En effet, empêcher les pauvres de devenir riches cristallise la répartition des richesses.

Toujours en termes utilitaristes, la proposition de François Hollande serait un nouveau coup porté à la sécurité juridique. Adam Smith l’écrivait déjà en 1776 : la portion d’impôt que chaque individu est tenu de payer doit être certaine et non pas arbitraire. Le changement continuel des règles fiscales empêche les anticipations créatrices, et il inscrit les individus à sortir de France (le fameux ISF !) et plus encore à ne pas y revenir.

La proposition de François Hollande est enfin révélatrice du fonctionnement de la Ve République et de la polarisation de la vie politique autour de l’élection du Président au suffrage universel direct. L’imposition recommandée par le candidat socialiste ne viserait que quelques milliers de personnes et elle ne rapporterait au mieux selon son entourage que 200 à 250 millions d’euros. Autrement dit, il ne s’agirait que d’une goutte d’eau dans le déficit abyssal de l’État. Son objectif ne peut donc être, au-delà de la symbolique, que la pêche aux voix en eau trouble pour capter les suffrages de l’extrême gauche au premier et surtout au second tour.

Surtout, il est permis de s’inquiéter des limites d’une telle proposition. Si un candidat met en place une imposition de 75% des revenus au-delà d’un million d’euros, quel principe empêcherait l’application du programme de Jean-Luc Mélenchon, à savoir le « je prends tout » au-delà de 250.000 € ? L’arbitraire est total. Mais il est d’autant plus difficile pour la majorité conservatrice en place de s’opposer sur le plan des principes à la proposition de François Hollande qu’elle a déjà relevé le taux maximal de l’impôt sur le revenu.... Lorsque l’on brandit le « pragmatisme » comme le fer de lance d’une politique, on n’a plus aucun principe à opposer à la spoliation socialiste ou communiste. Le mécanisme avait déjà été démonté par Frédéric Bastiat au milieu du XIXe siècle : les conservateurs, bien qu’ils s’en défendent, sont sur la pente du socialisme. C’est qu’ils ont peur d’être taxés (sans mauvais jeu de mots !) de protecteurs des « riches ». Or, ce ne sont pas les riches qu’il faut défendre, c’est la libre création des richesses.

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