Derrière le débat sur le rachat de RTT, la question piège du rapport de force entre salariés et employeurs <!-- --> | Atlantico.fr
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Le rapport de force entre salariés et employeurs a évolué.
Le rapport de force entre salariés et employeurs a évolué.
©Flickr/Victor1558

Négociation

Alors que de nombreux emplois restent non pourvus et qu’arrêts maladie ou démissions se sont multipliés, les entreprises sont-elles vraiment en situation d’imposer tout et n’importe quoi à leurs salariés comme le proclament les opposants de gauche à la mesure intégrée dans la loi pouvoir d’achat ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Le vote sur la monétisation des RTT a fait bondir la gauche, l’un de ses principaux arguments est que les employeurs pourraient imposer à leurs salariés leur comportement vis-à vis de ces RTT. Est-ce véritablement le cas ?

Philippe Crevel : Pour certaines personnes, d’un côté il faut augmenter le pouvoir d’achat, de l’autre ne pas toucher au RTT, c’est un paradoxe. Il est vrai que nous sommes face à une pénurie de manœuvre dont de nombreux secteurs souffrent. Environ 2/3 des entreprises industrielles en souffrent mais aussi l’hébergement, la restauration, le bâtiment, etc. Il est donc possible que les employeurs proposent à leurs salariés de monétiser leur RTT. Cela peut être une discussion qui intéresse les employeurs, mais les employés sont libres de l’utilisation de leur RTT et tout dépend des rapports de force qui peuvent exister.

Dans un contexte où de nombreux emplois restent non pourvus, de grande démission post-Covid, de multiplication des arrêts maladies, le rapport de force est-il actuellement en faveur des travailleurs face à leurs employeurs ? 

 A l’heure actuelle, le pouvoir de négociation, le rapport de force, change assez rapidement. Dans de nombreux secteurs, les employeurs sont obligés de concéder des obligations salariales, d’autres des améliorations des conditions de travail, ce qui, paradoxalement, crée des emplois. En effet, peu de personnes veulent travailler en horaires décalés donc il faut parfois en embaucher deux à des horaires plus convenables. Le contexte sur le marché de l’emploi change et après des années plutôt favorables aux employeurs, il y a une inversion de la tendance.

C'est tout simplement l’incapacité des employeurs à trouver des salariés répondant à leurs exigences et à les conserver. On observe une augmentation des ruptures conventionnelles, des démissions. Dans un contexte de marché du travail où la population active stagne et est amenée à diminuer, ce retournement de tendance pourrait s’inscrire dans le temps et ne pas être seulement conjoncturel. Les études du ministère de l’emploi montrent l’importance des conditions de travail et de la rémunération. Cette combinaison des intérêts fait que même, parfois, en augmentant les salaires, on peine à recruter, comme dans l’hôtellerie-restauration. Cela fait que les salariés sont un peu plus en position de force qu’ils ne l’étaient il y a 3 ou 4 ans. Ensuite, il y a autant de situations que d’entreprises en France. Et surtout, certains profils sont toujours moins bien lotis, les plus de 55 ans, les peu qualifiés ou les jeunes entrants qui ont du mal à trouver un emploi en début de carrière. Mais même dans les emplois peu qualifiés : l’hôtellerie, la restauration, la logistique, etc. Il y a des emplois non-pourvus. Et c’est encore plus vrai sur des secteurs plus qualifiés comme l’information, la communication, l’informatique, le secteur de la santé.

A quel point le Covid joue-t-il dans cette tendance ?

Le premier facteur explicatif, c’est la démographie et le vieillissement de la population. Le Covid, lui, a entraîné une prise de conscience sur les conditions de travail, sur le fait que travailler de nuit, en horaires décalés, signifiait se priver de sa vie familiale. Et comme il y a des emplois disponibles, on peut prendre le risque de dire j’arrête de m’imposer ces contraintes, parce qu’il y a une forte chance de trouver un nouveau travail. Depuis le Covid, il y a énormément de créations d’emplois en France et ce même en période de stagnation comme depuis le début de l’année.

Dans cette configuration, les salariés vont-ils véritablement pouvoir être libres de leurs arbitrages sur les RTT ?

Les salariés ont la main, mais il y a des environnements différents. Si une entreprise a des carnets de commandes pleins, elle aura un argument pour demander de ne pas prendre de RTT. Cela va se régler au cas par cas, selon les besoins, selon les capacités de recrutement également.  

Cette mesure est-elle une bonne idée ?

L'économie française a payé un lourd tribut avec les 35h et aucun gouvernement n’a voulu, pour des raisons sociales, remettre en cause frontalement ce dispositif. Les PME ont été particulièrement frappées. Donc cette mesure amène un élément de souplesse dans un contexte de pénurie de main d’œuvre et offre du pouvoir d’achat supplémentaire dans une période où c’est une question majeure. Chacun peut donc y trouver son compte.

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