Hervé Gaymard : "Depuis le début de ce quinquennat, la capacité d’initiative française au sein de l’UE a été proche de zéro"<!-- --> | Atlantico.fr
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Le député de Savoir Hervé Gaymard.
Le député de Savoir Hervé Gaymard.
©Charles Platiau / Reuters

Copie à revoir

Construction européenne, Brexit, bilan du quinquennat Hollande, 35 heures, primaire de la droite et du centre... Le député Les Républicains de Savoie, Hervé Gaymard, balaie toute l'actualité politique avec le regard déjà fixé vers 2017.

Hervé Gaymard

Hervé Gaymard

Hervé Gaymard est député UMP de la 2e circonscription de Savoie, et président du conseil général de la Savoie. Il a été Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie dans le gouvernement Raffarin III.

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Atlantico : Un accord a été trouvé vendredi entre les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne pour éviter un départ du Royaume-Uni. Parmi les compromis, une exemption de l'objectif d'intégration politique, la possibilité de ne pas accorder les avantages liés au statut de salarié aux ressortissants européens, et des dispositions en matière de régulation financière et bancaire. Que pensez-vous de cet accord ?

Hervé Gaymard :Cet accord est assez difficile à décrypter pour l’instant, dans la mesure où il est surtout fait de virtualité plutôt que de décisions concrètes. Qu’il y ait des adaptations dans le domaine social est sans doute dans la logique des choses. En revanche, il était extrêmement important que la Grande-Bretagne ne puisse pas empêcher l’approfondissement de la zone euro, ce que le texte initial laissait craindre. Nous serons particulièrement vigilants sur ce sujet. La Grande-Bretagne a toute sa place en Europe, mais pas à n’importe quel prix. Il serait tout de même invraisemblable qu’un pays non-membre de la zone euro ait son mot à dire sur ce que ses membres veulent faire. Ce débat sur le Brexit peut engendrer le meilleur comme le pire. Le pire serait de provoquer la désagrégation de l’Union européenne. Le meilleur serait d’y clarifier un certain nombre de relations, notamment la possibilité d’approfondir la zone euro et de construire des coopérations à géométrie variable, puisqu’on sait bien qu’il est de plus en plus difficile de bâtir des politiques communes fortes à 28.

"Je vais prendre des initiatives, que la Grande-Bretagne reste ou ne reste pas dans l’Europe, pour que la zone euro puisse être encore plus forte et plus dynamique", a promis François Hollande vendredi soir sur France Inter. Est-ce vraiment envisageable, alors que certains pays d'Europe de l'Est s'enferment dans un modèle de moins en moins démocratique ?

Je ne vais pas commenter des initiatives de François Hollande dont je ne connais pas la teneur, et qui relèvent du vœu pieux. Je constate surtout que depuis le début de son quinquennat, la capacité d’initiative française au sein de l’UE a été proche de zéro, et ce pour deux raisons. La première, c’est qu’il n’a aucune vision européenne. La seconde, c’est que la France s’est beaucoup trop affaiblie pour compter au sein de l’UE. Nous sommes aujourd’hui loin de l’impulsion qu’ont pu donner ensemble Jacques Chirac et Gerhard Schröder naguère, ou même de ce qu’a su faire avec talent et énergie Nicolas Sarkozy pendant la présidence française de l’Union.

Par ailleurs, quelles seraient les propositions d'Alain Juppé pour relancer l'Europe ?

Alain Juppé aura l’occasion dans les prochains mois d’exprimer sa vision de l’Europe et de la France dans le monde. Il a lui-même dit à plusieurs reprises que l’Europe est aujourd’hui en panne. On l’a vu sur la crise des migrants et sur l’irrésolution dans la gestion des frontières extérieures de Schengen. On le voit aussi sur la question du Moyen-Orient, où l’Europe politique n’existe pas. Et on le voit enfin sur les questions de défense, où la France s’est retrouvée bien seule dans les opérations militaires qu’elle a conduites, notamment en Afrique.

Il y a aujourd’hui un véritable "malaise européen", et pas seulement en France. Nous sommes à un tournant de notre histoire commune. Faut-il se résigner à un lent délitement, ou bâtir une nouvelle ambition européenne, qui ne se fera pas sans les Nations ? La réponse est dans la question !

Il faut d’abord que la France se redresse intérieurement, qu’elle soit "dans son assiette" pour à nouveau avoir une capacité d’initiative en Europe. Une France faible affaiblit l’Europe, et déconcerte nos partenaires.

C’est un préalable pour reconstruire une volonté franco-allemande, à condition que nos partenaires le veuillent réellement, ce qui reste d’ailleurs à vérifier, compte tenu de l’évolution de la politique intérieure allemande. Même si l’expression semble éculée, le moteur franco-allemand est indispensable pour que l’Europe redémarre, ce qui n’est pas désobligeant pour nos autres partenaires.

On ne peut plus, enfin, toujours ânonner la même chanson sur l’Europe, qui n’est plus audible, ni crédible. Prendre le taureau par les cornes, c’est approfondir la zone euro, impératif majeur dans un monde instable économiquement. C’est mettre en œuvre une véritable politique énergétique européenne : ce qu'il s’est passé ces dernières années avec la décision unilatérale et non concertée des Allemands de troquer le nucléaire contre le charbon est typique des errements qu’il faut conjurer. Sur ce sujet, les Allemands ont pris il y a quelques années des décisions sans consulter leurs partenaires. C’est mettre en œuvre une véritable politique des frontières extérieures de l’espace Schengen, par un renforcement de Frontex dans ses moyens budgétaires et juridiques. C’est une politique industrielle et de recherche de défense, à défaut d’une politique de défense difficile à mettre en œuvre. C’est enfin débureaucratiser l’Europe, comme nous devons débureaucratiser la France ! 

Cette semaine, la ministre du Travail a présenté son projet de réforme du Code du travail qui revient sur les "totems" de la gauche, comme les 35 heures. Que pensez-vous de ce projet de réforme ? Va-t-il dans votre sens ?

Il ne faut pas désespérer des bonnes volontés, donc je salue bien évidemment l’intention de modernisation de notre droit du travail. Mais il est difficile de s’exprimer aujourd’hui précisément, faute de connaître ce que sera le texte, passé à la moulinette des courants contradictoires de la majorité. Mais ne boudons pas notre plaisir, même s’il est peut-être éphémère : les choses vont dans le bon sens, notamment sur la question des accords pour le maintien de l’emploi et sur le plafonnement des indemnités de licenciement.

J’adresserais toutefois deux critiques.

La première, c’est que les valses-hésitations du Gouvernement donnent le tournis aux Français, et retiennent les décideurs économiques dans leurs choix. C’est la troisième fois que les accords de maintien de l’emploi sont modifiés sous le quinquennat Hollande, ce qui nuit au climat de "confiance légitime" indispensable pour ancrer les perspectives économiques. De même, les récentes déclarations de Manuel Valls pour remettre en cause la baisse des charges créent là aussi de l’insécurité juridique. Or, il faut de la confiance pour que l’emploi reparte en France, et celle-ci est basée sur des décisions fiscales et sociales stables. C’est ce à quoi s’engage Alain Juppé : les décisions seront prises pour la durée du quinquennat.

La deuxième, c’est qu’on a l’impression que le texte est davantage fait pour les grands groupes que pour les PME et TPE. Il est fait pour les grandes entreprises dans lesquelles il y a des acteurs qui sont en capacité de négociation et qui ont des contreparties à donner. Or, on sait que dans les PME et les TPE, qui sont les principales créatrices d’emploi en France et qui le seront à l’avenir si l’on arrive à débrider le travail, les mesures proposées ne changeront pas grand-chose.

Alain Juppé a dit à plusieurs reprises qu’il fallait remettre en cause par voie législative les 35 heures, contrairement à cette proposition de réforme qui n’accorde que des dérogations. Par ailleurs, il faut préciser dès la signature du contrat de travail les causes prédéterminées de rupture. L’insécurité juridique est tellement grande aujourd’hui que cela pénalise en réalité les salariés, puisque les employeurs hésitent à embaucher, ne sachant pas ce qu’il se passera en cas de contentieux.

La méthode vous semble-t-elle démocratique sans une clarification idéologiquede la part du Gouvernement

Il y a à la fois un certain courage pour un gouvernement de gauche, et du flou parce qu’entre la loi, la branche professionnelle ou l’entreprise, on ne choisit pas vraiment le bon lieu de négociation. Cette loi est faite pour plaire un peu à tout le monde, donc elle déplaira aussi un peu à tout le monde. J’espère donc que le débat parlementaire permettra une clarification, qui ne se fera pas sans douleur dans la majorité, comme pour la déchéance de nationalité. A bien lire le texte, on ne touche pas vraiment aux tabous, mais c’est un premier pas. Il faut bien commencer un jour ! Et autant que ce soit le plus rapidement possible.

Le Président a beaucoup "recadré" Manuel Valls ces derniers jours. Concernant la réforme du travail par exemple, plusieurs proches de François Hollande ont déclaré que le recours au 49-3 n'avait pas son consentement. Faut-il s’inquiéter de cette rivalité et de ces frictions entre eux ?

Je suis un acteur de la vie politique, pas le "commentateur conjugal" des relations entre François Hollande et Manuel Valls, qui ne m’obsèdent pas. Mais il faut être clair : dans les institutions de la Vème République, et encore davantage depuis le quinquennat et la succession de l’élection présidentielle et des législatives, il ne peut y avoir de rivalité entre le Premier ministre et le Président de la République ! Par définition. Le Premier ministre procède du président de la République, sauf dans l’hypothèse très théorique désormais d’une cohabitation. Le Premier ministre ne peut être le frondeur du Président. S’il n’est pas d’accord, il n’a qu’à démissionner.

A droite, Jean-Pierre Raffarin s'est exprimé avec une certaine virulence contre Laurent Wauquiez à l'occasion du Conseil national des Républicains la semaine dernière... Plus globalement, le parti Les Républicains a-t-il toujours un sens, alors que les différences entre les droites sont de plus en plus marquées ?

Dans l’histoire politique française, il y a toujours eu des sensibilités diverses à droite et au centre, comme à gauche d’ailleurs, et c’est bien normal. Sur la politique économique, il y a toujours eu des libéraux et des dirigistes. Sur la question de la décentralisation, des Jacobins et des Girondins. Sur l’Europe, des eurolâtres, parfois béats, ont souvent croisé le fer avec des eurosceptiques, parfois crépusculaires. Je dois dire que les points de vue sur ces sujets se sont plutôt rapprochés, et c’est pourquoi, en 2002, derrière Alain Juppé nous avons créé l’UMP.

Il y a bien sûr des ambitions, qui utilisent des rhétoriques différentes, pour se faire valoir. Cela a toujours été ainsi ! Mais notre socle commun est plus fort que nos divergences. C’est pourquoi nous avons décidé d’organiser une primaire ouverte à tous les électeurs, pour désigner notre championne ou notre champion pour la prochaine présidentielle. Cela permet de concilier la diversité et l’union. Car nous serons tous derrière le vainqueur, pour gagner l’élection présidentielle, et mettre en œuvre une politique globale et cohérente, annoncée à l’avance, y compris dans ses modalités de mise en œuvre. Sans être grandiloquent, je pense que ce sont les élections de la dernière chance. Et nous n’avons pas droit à l’erreur.

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