Délinquance, violence gratuite et incivilités : existe-t-il en France des groupes sociaux totalement déconnectés de la norme commune ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'ultraviolence et la pression que les bien-pensants font peser sur les victimes, les honnêtes citoyens, les policiers et tous ceux qui osent dénoncer l'ensauvagement de la France, ne peut que conduire la marmite à exploser.
L'ultraviolence et la pression que les bien-pensants font peser sur les victimes, les honnêtes citoyens, les policiers et tous ceux qui osent dénoncer l'ensauvagement de la France, ne peut que conduire la marmite à exploser.
©Reuters

Zones de non-droit

A Montrouge, près de Paris, une automobiliste d'une vingtaine d'années a été transportée à l'hôpital dimanche matin dans un état grave après avoir été touchée par des tirs d'arme à feu. Le ou les agresseurs auraient utilisé une kalachnikov, véritable arme de guerre de plus en plus employée dans les règlements de compte.

Laurent Obertone et Christophe Soullez

Laurent Obertone et Christophe Soullez

Laurent Obertone est journaliste diplômé de l’Ecole de  Lille. Après avoir travaillé pour un hebdomadaire français, il s'est consacré à  l'écriture de "La France orange mécanique" (A paraître le 17  janvier aux éditions Ring). En savoir plus sur Ring.fr.

Christophe Soullez est criminologue et dirige le département de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses  pénales (ONDRP) à l'Institut national des hautes études de la sécurité et de  la justice (INHESJ). Il est l'auteur de "Histoires criminelles de la France" chez Odile Jacob, 2012 et de "La criminologie pour les nuls" chez First éditions,  2012.

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Atlantico :  Une jeune automobiliste a été conduite à l'hôpital dans un état grave après avoir été touchée par des tirs près de Paris. Plus d'une dizaine d'impacts de balles ont été relevés sur le véhicule et les douilles retrouvées sur place montrent qu'il s'agit d'une arme de première catégorie, a indiqué le procureur de la République de Nanterre Robert Gelli. Ce type de règlement de compte semble de plus en plus banal. Dénoncées par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, les « zones de non-droit » existent-elles toujours en France ?

Laurent Obertone : Plus que jamais. Et chaque jour la situation s'aggrave. La violence de ces quartiers pousse tout le monde à les fuir. Commerçants, professionnels de la santé, services, pouvoirs publics, etc. L'exclusion, elle est là : tout le monde se sauve. La société française est expropriée de certains de ses territoires. Et on accepte ça. Dans un pays comme la France où tout est prétexte à s'indigner, on trouve parfaitement normal de faire un détour pour éviter des quartiers qui « craignent ».

Christophe Soullez : Il n’existe pas pas de zones de non droit en France car les services de police sont présents sur l’ensemble du territoire et aucun quartier ne leur est interdit. Une zone de non droit c’est un territoire qui est entièrement contrôlé par des délinquants et où la police ne peut pénétrer. C’était notamment le cas au XVIIème siècle avec la Cour des Miracles en plein cœur de Paris et qui concentrait vagabonds, truands et criminels. La reconquête de cette parcelle parisienne a d’ailleurs été l’acte fondateur de la police centralisée faisant suite à la création de la fonction de Lieutenant général de police par Louis XIV (ancêtre de la préfecture de Police).

En revanche il existe des quartiers où l’état de droit est plus difficile à appliquer ou à faire respecter que dans d’autres. Dans ces quartiers les services de police, voire même maintenant les unités de gendarmerie, n’interviennent ni avec les mêmes méthodes ni avec les mêmes effectifs. Ils doivent être plus prudents et avoir des stratégies adaptées aux risques éventuellement encourus et aux tensions sous-jacentes. Dans ces quartiers certains individus tentent d’imposer leurs propres règles en les coupant notamment du monde extérieur. Ils vont avoir pour objectifs de maîtriser le territoire afin de protéger leurs activités criminelles. Ces individus, qui ne sont généralement que quelques dizaines,  contribuent à la ghettoïsation du quartier. Nous sommes face à une guerre des territoires et c’est bien pour cela que les services de police doivent agir prioritairement dans ces quartiers, que cela soit dans le cadre d’une plus grande visibilité de l’autorité, que dans celui de l’activité de police judiciaire visant à démanteler bandes et réseaux.

Dans votre livre, La France Orange mécanique, Laurent Obertone, vous évoquez l'explosion de la violence gratuite et ce que vous appelez "l'ensauvagement de la France". Peut-on parler de groupes entiers  de la population qui ne vivent plus selon la norme commune ?

Laurent Obertone : C'est très clair. Tous les pays multiculturels se tribalisent. Des groupes qui ont leur morale, leurs lois, leur hiérarchie, considèrent notre société comme un groupe ennemi, un réservoir de victimes qu'on peut agresser pour se construire une notoriété au sein de son propre groupe. Pour reprendre un langage ethnologique, la fracture morale entre « eux » et « nous » est très nette, car tuer celui d'un autre groupe, ce n'est pas grave, au contraire. Comme les citoyens fuient les groupes violents, des pans entiers du territoire leurs sont abandonnés. De notre côté, la morale dominante consiste à nier cette réalité. Les plus atteints d'entre nous sont prêts à faire graver « faut pas généraliser » sur leur pierre tombale.

Christophe Soullez : Il est clair qu’aujourd’hui certains groupes de jeunes (mineurs ou jeunes majeurs) vivent en marge de la société. Ils aspirent à substituer leur propre ordre à celui de la société. Ils vivent en vase clos, refusent le pacte social, et s’opposent à tous ceux qui sont étrangers à leur quartier. Pour certains qui, rappelons-le, sont minoritaires, nous sommes confrontés à des groupes qui ne se reconnaissent plus dans la société qui leur est proposée et surtout qui n’en acceptent ni les règles, ni les contraintes. Ils vont donc développer d’autres modes ou schémas de vie basés sur le repli, l’activité criminelle et le refus de l’autre.

Comment expliquez-vous cette dérive. Les facteurs sont-ils sociaux ou culturels ?

Laurent Obertone : La sous-adaptation culturelle de certains individus à notre société occidentale est un angle fondamental de mon livre. Le socialisme crée des dépendances sociales sans exiger des gens qu'ils ne se plient, en retour, aux règles de la société. La sous-adaptation concerne des autochtones, mais aussi très largement des personnes issues d'une certaine immigration, nord-africaine, sahélienne, ex-yougoslave et roumaine. C'est un constat. Toutes les cultures du monde ne sont pas faites pour entrer dans le même moule sociétal surtout si on leur demande, au nom du culte de la « diversité », de conserver leurs particularités...

A terme, existe-t-il un risque sérieux d’explosion de la société française ?

Laurent Obertone  :  L'ultraviolence et la pression que les bien-pensants font peser sur les victimes, les honnêtes citoyens, les policiers et tous ceux qui osent dénoncer l'ensauvagement de la France, ne peut que conduire la marmite à exploser. À moins que tous les Français se résignent à suivre les prescriptions médiatiques : se mentir jusqu'à la mort.

Christophe Soullez : Précisons déjà que cette situation n’est pas récente et remonte au début des années 90. Les facteurs sont multiples. Il est trop simple de tenter d’expliquer ce genre de situation par un facteur unique. Ils sont sociaux, économiques et culturels mais sont aussi les conséquences d’une  certaine forme de banalisation de la violence, d’une absence, durant des années, de réponse de l’Etat et surtout d’une carence de l’autorité familiale. La perte de repères et la déstructuration de certains jeunes sont liées à une déficience de la cellule familiale. Mais elles sont aussi la conséquence du recul de certaines valeurs comme l’autorité ou le respect de l’autre. Certaines familles ne jouent plus leur rôle, les parents sont dépassés et le seul modèle proposé à certains jeunes est celui du caïd qui roule dans la dernière voiture en vogue.

L’Etat dispose-t-il de solutions ? Lesquelles ?

Laurent Obertone : Je constate des problèmes : la réalité criminelle est niée. La loi n'est pas appliquée. L’hétérogénéité d'un pays est facteur de criminalité et d'effondrement du capital social. Le socialisme débridé accroit la sous-adaptation. Les médias imposent aux foules la négation de ces réalités. Résoudre ces problèmes ne semble pas impossible. La grande question est la suivante : l'État veut-il et peut-il les résoudre ? Pour l'instant ses représentants et ses dirigeants refusent de regarder la réalité dans les yeux. L'objet de la France orange mécanique est là, dans la transmission de deux messages :

  • -Citoyens, vous n'avez pas la berlue.
  • -Gouvernants, voilà le constat. Nous savons. Maintenant que faites-vous ?

Aux premiers de décider du sort des seconds.

Christophe Soullez : Le terme est sûrement trop fort car nous sommes face à quelques centaines d’individus. La France n’est pas non plus le seul pays à subir ce type de phénomènes. Souvenons-nous des émeutes de Londres en 2011, ou de celles que peuvent parfois connaître les Pays-Bas, la Belgique, etc. L’Espagne n’est pas non plus épargnée par le développement des bandes. En revanche il y a des risques de fragmentation de la société et surtout d’exaspération de certaines populations, notamment les plus défavorisées qui sont les premières victimes de ce type de comportements criminels. Ceci peut conduire à des réactions « d’auto-défense » pouvant avoir des conséquences dramatiques. Il est également indispensable d’éviter que ces quartiers ne soient sous l’emprise des trafiquants car nous serons alors face à des territoires en sécession et hors de contrôle. Certains quartiers s’enfoncent et sont de plus en plus difficiles. La réaction de l’Etat doit être à la hauteur de cet enjeu et surtout il doit démontrer en paroles et en actes qu’il n’entend pas céder un pouce de terrain. Il doit concentrer ses efforts sur ces territoires et ces individus. Mais il est également nécessaire que les habitants se mobilisent, fassent appel à la police et ne restent pas sous le joug de la loi du silence. C’est aussi en restaurant les liens sociaux et en favorisant la vie sociale dans ces quartiers que les adultes pourront reprendre la main.

Propos reccueillis par Alexandre Devecchio

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