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Dégats collatéraux : vers des coupes sombres dans les dépenses d'infrastructures pour combler le déficit public ?
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Mauvaise idée

Alors que l'investissement public dans les infrastructures est en baisse chaque année, les besoins de renouvellement sont de plus en plus importants. Le déficit infrastructurel de la France est aujourd'hui conséquent. Une occasion pour le gouvernement de mettre en marche la transition numérique et écologique afin de moderniser le pays.

Mathieu Plane

Mathieu Plane

Directeur adjoint du Département analyse et prévision à l'OFCE

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Atlantico : Suite au rapport de la Cour des Comptes indiquant le "trou" dans le budget de cette année, et alors qu'Emmanuel Macron s'est engagé à respecter le seuil des 3% de déficit, Bloomberg indique que des projets d'infrastructures, tels que la construction d'une ligne reliant Lyon et Turin ou du Canal Seine Nord Europe, pourraient être retardés. Comment expliquer ce choix de réduire les dépenses d’infrastructures pour combler le déficit ?

Mathieu Plane : Cela repose sur le diagnostic de la Cour des Comptes, qui montre que le déficit public qui était prévu à 2,8%, est aujourd'hui attendu à 3,2%. Ça pose un problème notamment par rapport au fonctionnement du pacte de stabilité et des engagements du pacte de stabilité. La France devait revenir en dessous des 3% de déficit et s'y maintenir, afin de rentrer dans le volet préventif du pacte. Au-dessus des 3%, vous êtes dans le volet correctif. Une fois revenu en-dessous des 3%, il y a des règles d'ajustement budgétaire calculé sur la vitesse de réduction du déficit structurel. Mais vous pouvez faire jouer un certain nombre de flexibilités du pacte. Or, si vous n'êtes pas en dessous des 3%, ce n'est pas possible. Il y a donc deux choses : la première étant les engagements pris vis-à-vis de ces partenaires de revenir en dessous des 3%. Deuxièmement, il y a l'intérêt de la France de faire joueur ces règles de flexibilité. Maintenant, macroéconomiquement, cela n'a pas beaucoup de sens. On est vraiment sur des questions institutionnelles. Il est donc clair que le gouvernement va tout faire pour afficher un déficit inférieur à 3% dès 2017. Maintenant, la question qui va se poser, c'est sur quel type de dépenses publiques? Où va-t-il jouer pour faire des économies? Sur la question des infrastructures, on n'a pas encore beaucoup d'éléments. Mais les montants ne sont pas totalement négligeables. Il y aura des réarbitrages sur les grands plans d'investissements prévus dans le cadre du programme d'Emmanuel Macron pour les présidentielles. Celui-ci s'élevait quand même à 50 milliards pendant les 5 ans. Quand est-ce que ce plan se déclenchera, et quelles seront les sommes en jeu? Il y a beaucoup d'incertitudes. Sachant que le gouvernement n'a pas l'intention d'augmenter les prélèvements.

D'une manière plus générale, les investissements publics ont lourdement contribué à la réduction des déficits au cours des années du quinquennat Hollande, une politique qui pourrait donc être poursuivie. Quel sera le prix à payer, à terme, de ces "économies" ?

Je ne vais pas juger avant que les choses soient faites. Il y a quand même un plan d'investissement de 50 milliards. On va regarder maintenant comment il va être mis en œuvre, et avec quel timing. Pour les infrastructures, les investissements publics ont contribué de façon importante à la réduction du déficit depuis 2011. Pour la France, l'investissement public a contribué à faire baisser les déficits structurels de 25%, mais ne représente que 6% de la dépense publique. Quand on regarde les pays qui ont connu les crises les plus sévères, comme l'Espagne ou l'Italie, ces montants sont encore bien supérieurs ; autour des 50%. Ce qui est aussi intéressant, c'est qu'il y a un début de reprise économique, avec l'emploi qui repart et les investissements qui augmentent, mais l'investissement public, seul point noir, continue de diminuer. Si on regarde en part dans le PIB, on est au plus bas de 1952. Même si, chez Emmanuel Macron, il semblerait y avoir la volonté de préserver l'investissement public, notamment en passant un contrat avec les collectivités locales, et en mettant en place son programme d'investissement de 50 milliards. Maintenant, il faut voir avec les arbitrages ce qui va réellement se réaliser.

A l'inverse de telles décisions, certains organismes internationaux, comme le FMI, ou l'OCDE, soutiennent les dépenses d'infrastructures, pour leur soutien à l'emploi, à la croissance potentielle, tout en pouvant être financées à faible coût. Pour un pays comme la France quel pourraient être les conséquences d'un véritable plan de soutien aux infrastructures?

Il y a plusieurs choses. D'abord, il faut recenser les besoins. On ne fait pas de l'investissement pour faire de l'investissement. C'est aussi pour satisfaire des besoins. On voit qu'on a, depuis un certain temps maintenant, un point de PIB de moins chaque année d'investissement public. Il y a des besoins d'investissements importants, qui sont soit liés à l'usure, soit à la transition numérique, le très haut débit, les infrastructures routières ou même la transition écologique. Surtout, il ne faut pas les retarder. Car plus on stagne, plus ça peut coûter cher de les faire. En ce moment, on bénéficie de conditions de financement extrêmement favorables, et avoir un rendement écologique et numérique très fort par rapport aux coûts. C'est un levier intéressant, qui peut avoir des effets bénéfiques sur la croissance au long terme. Les infrastructures sont aussi un bon moyen de lutter contre les inégalités du territoire par exemple, avec une France de plus en plus fracturée.

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