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Déçus du sarkozisme + déçus du hollandisme = Alain Juppé Président : l’équation politique qui permet de se faire élire mais beaucoup moins de gouverner
©Reuters

Pas évident

Ce jeudi lors de son meeting à Toulon, Alain Juppé a tendu la main aux déçus du hollandisme et du sarkozisme. S'il est élu, il lui sera difficile de satisfaire ces deux catégories, tant leurs différences sont grandes.

Atlantico : Lors de son meeting à Toulon ce jeudi soir, Alain Juppé a déclaré "Pendant toute ma vie politique, je me suis efforcé de rassembler la famille à laquelle j'appartiens" avant de tendre la main aux déçus du sarkozisme et du hollandisme. Si cette stratégie peut s'avérer gagnante électoralement dans l'idée, est-il possible de satisfaire politiquement ces deux catégories dans la réalité ?

Maxime Tandonnet : Qui sont les déçus du hollandisme? Pour l'essentiel, une frange de gauche qui rejette le discours libéral en faveur de l'entreprise et reproche au chef de l'Etat de n'avoir pas été suffisamment à gauche et d'avoir renoncé à certaines promesses comme sur le droit de vote des étrangers. Les déçus du hollandisme attribuent le chômage et la faible croissance à la "politique de l'offre", vécue comme une véritable trahison.  Aujourd'hui ce noyau dur de l'électorat socialiste penche vers Mme Taubira ou Jean-Luc Mélenchon. Qui sont les déçus du sarkozysme? Plutôt une frange conservatrice de l'opinion qui lui en veut de n'avoir pas obtenu les résultats qu'elle espérait sur la sécurité, l'autorité, l'ordre, l'immigration. Parmi eux se trouvent aussi des souverainistes qui ne lui pardonnent pas le traité de Lisbonne, lui reprochant d'avoir ainsi détourné la victoire du non au référendum de 2005.  Certains de ceux -là, pas tous, sont tentés par un vote lepéniste. Réunir dans un même vote les déçus du sakozysme et les déçus du hollandisme semble totalement irréaliste : les noyaux durs des déçus des deux camps sont aux antipodes du point de vue idéologique . 

Une présidence Juppé pourrait-elle être celle du "consensus mou" ? A force de vouloir rassembler, quel est le risque qu'Alain Juppé, s'il est élu président, ne prenne que des mesures en demi-teinte ?

On voit bien dans quel état d'esprit se situe M. Alain Juppé. Il souhaite apparaître comme l'homme de la sagesse, de l'apaisement, de l'unité nationale, celui qui  transcende les clivages du pays. Il serait malvenu de le lui reprocher. La France est un pays meurtri par la vague de terrorisme. Elle est profondément lasse des polémiques, des scandales, des batailles haineuses de politiciens. La France ressent un besoin d'apaisement et d'unité. L'opinion publique est contradictoire. Certes, elle se droitise au sens où elle veut de l'autorité. Mais aussi elle est en quête d'unité. La force de M. Juppé est de l'avoir compris. Sa posture est donc habile et légitime. En tant que candidat à l'Elysée, il propose de renouer avec un président au-dessus de la mêlée. Avec beaucoup de sens politique, il fait ainsi de son âge, plus de soixante-dix ans, un atout. La clé de son succès dans les sondages est là. En outre, avec son concept "d'identité heureuse", il cultive la sympathie des médias, radios, télévisions, presse y compris de gauche en épousant le discours du "vivre ensemble". Toutefois, si son éventuel mandat présidentiel est conforme à sa stratégie électorale, fondée sur le souci de plaire, de séduire, de susciter un consensus en sa faveur, de ne brusquer aucune frange de l'opinion, le risque évident est d'entrer dans une période d'immobilisme, d'inaction et de gouvernement par la communication. Donc, très vite de décevoir. 

Une présidence Juppé pourrait-elle contribuer à augmenter l'insatisfaction générale ? 

La situation est étrange. D'une part, tout se passe comme si, six mois à l'avance, le futur chef de l'Etat était déjà désigné... Mais paradoxalement, jamais l'avenir n'a été aussi imprévisible. Va-t-on vers une reprise durable ou une nouvelle crise financière? Où et quand frappera le terrorisme djihadiste? Avec le tripartisme et la poussée électorale lepéniste, la plus grande inconnue règne sur la composition de la future assemblée. Quelle sera l'attitude des députés sarkozytes? Accepteront-ils une politique de consensus droite/gauche/centre, sur l'immigration, la sécurité? Une majorité présidentielle sera-t-elle possible pour gouverner? Si l'on s'en tient à un raisonnement strictement linéaire, fondé sur la seule prolongation des tendances actuelles, le naufrage d'une présidence Juppé paraît vraisemblable, dans la continuité de celle de M. Hollande: immobilisme, déception, aggravation des tensions sur la sécurité et l'immigration, poussée de chômage, communication à outrance, affaiblissement de l'Etat, montée des violences, fuite des dirigeants dans la logorrhée, poursuite de la décomposition de la société française, graves troubles sociaux, terrorisme, effondrement de la confiance et , très vite, chute vertigineuse du chef de l'Etat dans l'impopularité.  Toutefois, une rupture de cette logique infernale n'est pas à exclure. Les marges de manœuvre pour éviter l'engrenage sinistre sont limitées mais elles existent.
Que peut-on espérer? Qu'émerge une majorité à l'Assemblée solide et ferme, décidée à assumer sa mission d'exercice de la souveraineté et à obliger l'exécutif à prendre ses responsabilités. Le choix par le chef de l'Etat d'un excellent Premier ministre et d'un gouvernement déterminés à gouverner dans l'intérêt général et à régler les problèmes de la France. Un retour de la confiance lié au changement d'équipe... Une forte reprise de la croissance mondiale et une baisse du chômage. Mais bon, les chances de ce scénario optimiste sont relativement minces. 

Alors qu'Alain Juppé compte, en 2017, récupérer tous les électeurs déçus par les deux présidents précédents, vers qui les déçus du juppéisme pourraient-ils se tourner en 2022 ? 

C'est bien là que se situe la vraie question. Quand on voit l'exaspération de l'opinion aujourd'hui, on peut imaginer qu'elle sera encore décuplée en cas de nouvelle déception en 2017-2022. Que se passera-t-il alors aux élections de 2022? Dans cette hypothèse, on peut imaginer une vertigineuse débâcle de la droite aux élections présidentielles et législatives de 2022. Trois scénarios sont alors possibles. 1/ Le retour du parti socialiste, mais probablement sur une toute autre ligne que celle du quinquennat Hollande. Il faut alors envisager un parti socialiste nouveau, fortement radicalisé, qui voudra faire une "vraie politique de gauche" : "revenu universel", 32 heures hebdomadaires, scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans, surtaxation de l'entreprise privée, recrutements massifs dans la fonction publique. 2/ Si les questions de sécurité et la crise migratoire européenne ne connaissent pas d'amélioration avant 2022, dans un climat d'exaspération générale, un triomphe du parti lepéniste à cet horizon est également possible.
On peut même imaginer le pire, une vie politique monopolisée par la frange radicale des socialistes et par le parti lepéniste, sur les décombres des « partis de gouvernement ».Le recours à la démagogie, la plongée dans l'utopie et un climat de guerre civile ne feront alors sans doute qu'aggraver le désastre. 3/ Et puis une troisième alternative en 2022, celle du renouveau, une recomposition politique, l'émergence de nouvelles forces politiques, aujourd'hui inconnues, d'un nouveau leader, d'une nouvelle équipe, ayant la confiance de la Nation, décidés à restaurer l'autorité républicaine, la démocratie, la liberté d'entreprise, à gouverner pour le seul bien commun. L'histoire réserve parfois des surprises phénoménales. Il n'est pas interdit d'espérer. 

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