Débat Trump-Clinton : une première manche en faveur d'Hillary mais sans parvenir au K.O. recherché<!-- --> | Atlantico.fr
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Trump est allé un peu trop loin, se mettant à l’interrompre à plusieurs reprises : cela a eu le don d’agacer la candidate qui a alors vu sa nature reprendre le dessus et est entrée dans le débat, ce qu’elle sait parfaitement faire.
Trump est allé un peu trop loin, se mettant à l’interrompre à plusieurs reprises : cela a eu le don d’agacer la candidate qui a alors vu sa nature reprendre le dessus et est entrée dans le débat, ce qu’elle sait parfaitement faire.
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Show must go on

Le premier des trois débats de la présidentielle américaine a eu lieu ce lundi 26 septembre, opposant les deux principaux candidats, Hillary Clinton et Donald Trump. Deux autres débats doivent encore avoir lieu avant le jour fatidique de l'élection.

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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Atlantico : Ce lundi 26 septembre, Hillary Clinton et Donald Trump se sont rencontrés en face-à-face pour le premier débat de l'élection présidentielle américaine. Que dire de la prestation des deux candidats ? Qui se détache le plus dans ce débat et marque le plus de points ? Hillary Clinton, sur qui la pression était la plus forte, est-elle encore plus menacée ?

Jean-Eric Branaa : La première demi-heure a été assez équilibrée, et même plutôt à l’avantage de Donald Trump. Il avait préparé une série de petites phrases qui faisaient gentiment mouche. Hillary Clinton était plutôt crispée et n’arrivait pas véritablement à prendre ses marques. Pourtant, le milliardaire est allé un peu trop loin, se mettant à l’interrompre à plusieurs reprises : cela a eu le don d’agacer la candidate qui a alors vu sa nature reprendre le dessus et est entrée dans le débat, ce qu’elle sait parfaitement faire, et prendre rapidement l’avantage.

Il est vrai que la pression était plus forte sur Hillary Clinton, car tout le monde insistait sur son côté première de la classe et sur sa forte technicité. Ce n’est d’ailleurs pas quelque chose que les Américains contestent : dans les nombreux sondages qui les interrogent à ce sujet, ils reconnaissant à une écrasante majorité qu’elle est la plus compétente. L’enjeu était donc pour elle de ne pas envoyer l’image d’une femme trop technocrate, coupée des réalités de la vie de ses concitoyens. On peut considérer que le contrat a été rempli pour elle et qu’elle a réussi l’exercice, mais sans totalement séduire pour autant. Sa domination pendant la dernière heure du débat lui donne incontestablement un avantage aux points, pur prendre une métaphore sportive. Mais elle n’a pas réussi à terrasser son adversaire et à obtenir le K.O. On peut donc dire que Donald Trump a également réussi son contrat. On sait bien que le statu quo profite au challenger, et c’est peut-être l’objectif que s’était fixé le New-Yorkais pour cette soirée, sachant qu’il y aura deux autres débats qui lui permettront de faire la différence. On se bornera donc à remarquer qu’il s’est contenté d’un service minimum, répétant les mêmes arguments que ceux qu’il utilise dans ses meetings, sans rajouter le petit plus qui aurait pu faire pencher la balance en sa faveur.

Selon le site d'informations 538, expert des sondages politiques, le magnat de l'immobilier disposait, avant le débat, d'environ 48,5% de chance de remporter l'élection. Quels sont encore les points de résistance faisant obstacle à la percée de Donald Trump ? 

Le point le plus frappant de cette campagne c’est que Donald Trump qui, rappelons-le, n’a jamais occupé aucune fonction élective de sa vie, soit encore à un niveau aussi haut à ce stade de la course présidentielle. Depuis le « week-end noir » pour Hillary Clinton, durant lequel elle a dû révéler qu'elle souffrait d’une pneumonie, après l’avoir caché pendant 24 heures, la dynamique a changé et les sondages se sont envolé pour Donald Trump. Hier, trois sondages ont été publiés dans la même journée, l’un d’entre eux, celui du Los Angeles Times le donnant même gagnant avec une avance de 4 points, alors que les deux autres donnaient une égalité. Et quand on sait la difficulté des sondages à analyser le vote protestataire, on peut s’interroger. L’interrogation est d’autant plus forte que l’avance d’Hillary Clinton se faisaient jusqu'à présent dans les Etats-Clés, les fameux « Swing States » où se décidera au final le scrutin. Or, même dans ces Etats-là elle y a perdu son avance : La caroline du Nord, L’Ohio, l’Iowa, le Nevada et le Colorado semblent aujourd'hui à portée de Donald Trump qui comptent une avance très confortable dans certain de ces Etats. C’est pourquoi le site 538 a réduit l’écart entre les deux candidats à quelques pour cent. Et de manière très symbolique, voici quelques jours, Ted Cruz, l’ancien opposant farouche de Donald Trump dans les primaires, vient de lui apporter son soutien : aujourd'hui plus rien ne semble empêcher Trump de pouvoir l’emporter.  C'est bien ce qui est le plus troublant pour les démocrates.

Une écrasante majorité de l'électorat estimait auparavant qu'un tel débat ne saurait le convaincre. De la même façon, le premier débat organisé entre Barack Obama et Mitt Romney en 2012 avait tourné à l'avantage du second, n'empêchant pas la victoire finale du candidat démocrate. Peut-on tout de même prévoir que la prestation des deux candidats aura un impact sur l'issue du scrutin ?

Il est très rare dans l’histoire des débats télévisés qu’ils aient eu un impact sur le vote. On cite bien évidemment l’exception de 1960, lorsque Nixon s’était retrouvé opposé à Kennedy et que ce dernier, plus reposé et surtout plus jeune avait fait une impression très forte sur ceux qui avaient regardé le débat à la télévision. On peut aussi penser à la petite phrase de Ronald Reagan, âgé alors de 75 ans et qui, opposé à Walter Mondale avait dit en souriant qu’il alors la bonté de ne pas exploiter la jeunesse et l’inexpérience de son challenger. On peut évoquer également la gaffe de Ford qui a prétendu que les Soviétiques n’avaient aucune influence en Europe de l’Est, surtout en Pologne, alors que tout le monde savait déjà ce qu’il en était réellement ou la mauvaise image projeté par des candidats jugés trop sérieux, comme Gore, par exemple. Mais cela reste des anecdotes de campagne et des exceptions. Le débat de ce 16 septembre ne sera pas à inscrire dans la lignée de ces exceptions et tout le mode s’accordera aujourd’hui, tant les observateurs que les équipes de campagne ou le public, pour dire que ce débat ne marquera pas les annales et n’influencera quasiment personne.

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