Débat LR : Pas de champion évident mais une droite qui retrouve son souffle<!-- --> | Atlantico.fr
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Les candidats LR lors du deuxième débat sur BFMTV
Les candidats LR lors du deuxième débat sur BFMTV
©THOMAS SAMSON / AFP

Milieu du match

Sur BFMTV a eu lieu le deuxième débat des Républicains pour l’investiture du parti à la présidentielle. Les candidats ont pu débattre autour de quatre thématiques : l’immigration, sécurité, le pouvoir d’achat et la place de la France dans le monde.

Jérôme Besnard

Jérôme Besnard

Jérôme Besnard est journaliste, essayiste (La droite imaginaire, 2018) et chargé d’enseignements en droit constitutionnel à l’Université de Paris.

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Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Des candidats ont-ils réussi à tirer leur épingle du jeu ? Certaines propositions ont-elles été audacieuses ? 

Jean PETAUX : L’impression générale que l’on peut avoir de cet échange, très long, où chacune et chacun des participants ont parlé environ 30 minutes, c’est qu’il n’y a aucune personnalité qui s’est dégagée du débat. La première partie du débat, consacrée à l’immigration  a eu le mérite de montrer que la droite républicaine est en mesure de produire un discours bien marqué à droite. Aucune proposition n’a véritablement renversé la table, tant sans doute la préoccupation des candidats à la désignation interne à LR était « en même temps » de tenir un discours dont les accents étaient ceux de la droite républicaine mais sans effrayer non plus la cible des adhérents appelés à se prononcer aux deux tours de scrutin. Difficile aussi de trouver des « binômes » possibles. Les « compliments » ont été envoyés dans tous les sens. Valérie Pécresse a utilisé à plusieurs reprises le terme « mes amis » pour désigner ses compétiteurs. Xavier Bertrand qui a été celui qui a cherché à tenir, y compris dans le ton, une  posture « présidentielle »  a même dit : « Ici c’est la droite républicaine », sous-entendu, ce n’est pas « l’extrême-droite ». S’il faut tenter le jeu des alliances possibles,  je proposerais : « Bertrand-Pécresse-Juvin » ; « Barnier » et « Ciotti » chacun dans leur couloir respectif.

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Jérome Besnard : Certains candidats ont été très audibles. Valérie Pécresse et surtout Éric Ciotti ont su tirer leur épingle du jeu dans des registres différents : Valérie Pécresse incarne une droite gestionnaire héritière du chiraquisme, tandis qu’Éric Ciotti, assurément plus sarkozyste assume une position clivante le plaçant à l’aile droite du parti, ce qui avait été le pari tactique de François Fillon en 2017. S’il est peut-être apparu plus en retrait, poursuivant une ligne modératrice et rassembleuse, il faut noter que Michel Barnier revenait de la Réunion et de Mayotte et peut compter sur une stature de présidentiable. Pour Xavier Bertrand, l’exercice fut plus difficile que lors du premier débat. Il a eu du mal à rebondir hier soir. Enfin Philippe Juvin continue à cultiver sa singularité d’élu de terrain et de professionnel de la santé. Côté propositions, Éric Ciotti s’est démarqué en proposant une sortie du commandement intégré de l’OTAN, qui constitue là une rupture par rapport aux choix de Nicolas Sarkozy, mais aussi en réclamant l’instauration d’une flat tax de 15 % de l’impôt sur le revenu. Cela fait de lui un candidat national-libéral très percutant au plan des idées. Valérie Pécresse, elle a eu raison de proposer une relance de la politique familiale pour doper naturellement notre démographie.

Que faut-il retenir du débat ? 

Jean PETAUX :Le premier enseignement c’est que la droite semble ne plus avoir peur de son ombre et assume désormais une critique forte du gouvernement. A plusieurs reprises d’ailleurs les deux quinquennats qui ont suivi la présidence Sarkozy, après 2012, ont été présentés comme des périodes homogènes réunies en une seule. Ce soir on a vraiment entendu : « Hollande – Macron : même combat » et surtout même incapacité, selon les participants LR présents ce soir sur le plateau BFM-RMC, à diriger le pays. Ce qui est important, et c’était manifestement la volonté des débatteurs ce soir, c’est de montrer que les propositions politiques existent aussi dans le camp de la droite républicaine. La critique à cet égard de la candidate battue à la primaire d’EELV, Sandrine Rousseau, n’avait pas vraiment sa place dans une telle soirée. Le fait de la citer, elle et elle seule, était d’une part un choix subjectif d’autant plus que ses propos n’étaient guère pertinents : reprocher à la droite de tenir un discours de droite, c’est quand même un peu court…

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Jérome Besnard : Les candidats ont su se retrouver pour démontrer certaines failles de la gouvernance Macron. Ce fut par exemple le cas au sujet de la Nouvelle-Calédonie, dont on s’étonne en effet de l’extrême prudence gouvernementale, avec une véritable inflexion négative dans ce dossier depuis le départ d’Édouard Philippe de Matignon et son remplacement par Jean Castex. Le candidat qui sortira du Congrès LR n’aura d’autre choix que de critiquer vertement le bilan d’Emmanuel Macron s’il veut exister et mobiliser une fraction significative de l’opinion.  . C’est d’ailleurs le sens de la conclusion de Michel Barnier. 

Plus d’une heure a été consacrée à l’immigration dans ce débat, thème qui a pris une place prépondérante dans cette campagne avec la candidature d’Éric Zemmour. Les candidats sont-ils arrivés à être clair et tenir une position forte face à au débat actuel ? 

Jean PETAUX :Cette séquence sur l’immigration et surtout l’évocation de la dernière provocation d’Eric Zemmour devant le Bataclan, a été intéressante. Elle a montré d’une part quelques nuances dans les réactions des 5 candidats : Xavier Bertrand a été manifestement heureux de profiter de la situation pour réaffirmer sa complète hostilité à l’égard du polémiste et sa volonté de ne jamais travailler avec lui. Position reprise par Valérie Pécresse qui a trouvé un autre argument : celui du caractère misogyne d’Eric Zemmour. Philippe Juvin, qui s’est plutôt révélé tout le long du débat, a également marqué  ses distances avec Zemmour. Sans surprise c’est Eric Ciotti qui a rappelé qu’en France on a le droit d’aller où l’on veut et de dire ce que l’on veut. Michel Barnier, toujours aussi peu à l’aise dans l’exercice général du débat, raide et finalement faisant peu de propositions, s’est contenté d’une assez modeste condamnation des agissements de Zemmour. En fait on sentait que dans un cadre général très contraint d’un commun accord entre eux (« pas de pugilat ») les candidats ne perdaient pas de vue le « compteur » non seulement du « chrono » du temps de parole, mais surtout celui de comptage des voix au sein des militants de LR… D’où sans doute, hormis peut-être pour Xavier Bertrand, qui a semblé le moins « draguer » les adhérents LR, une volonté d’être bien positionné à droite pour les 4 autres candidats.

Jérome Besnard : Concernant l’immigration, les LR ont clairement évolué et adoptent une position de principe très ferme. Ce n’est pas là la seule conséquence de l’irruption du très probable candidat Éric Zemmour dans la campagne présidentielle. C’est aussi la conséquence de la qualification de Marine Le Pen au second tour en 2017 et du fiasco de la politique d’Emmanuel Macron sur la question. Si des électeurs centristes et libéraux peuvent revenir au bercail LR cela ne peut-être que du fait de leur évolution personnelle sur ce thème. Cela, les candidats à la primaire interne LR l’ont bien compris et ont été assez clairs sur leurs objectifs de ralentir drastiquement l’immigration et de retrouver des marges de manœuvre juridique pour le faire. 

Alors que l’on reproche à LR de ne pas savoir où se placer entre Macron et Zemmour la droite a-t-elle commencé à écrire un récit pour la présidentielle ? Que cela présage-t-il pour les autres débats ? 

Jean PETAUX : D’évidence ce genre de débat a le mérite de « produire de la politique ». Que l’on s’entende : ce n’est pas  non plus la mise sur la scène politique d’un programme original, audacieux et bien « profilé à droite » politiquement et idéologiquement parlant. Mais c’est une occasion pour la droite républicaine de se doter d’un récit en assumant des thèses et des thèmes que la droite extrême lui avait sans doute ravis. De ce point de vue-là la référence à la « patrie » résonnait comme relativement nouvelle dans les propos des 5 candidats. Peut-être que ce soir, et les autres échanges à venir vont le montrer jusqu’au second tour, la droite de gouvernement, a enfin retrouvé les piliers de sa reconstruction, dans les gravats du séisme qui l’a mise partiellement à terre à la présidentielle de 2017.

Jérome Besnard : Même si ces débats ne passionnent pas les foules, la droite LR démontre avec ces débats qu’en l’absence de candidat naturel dans son camp, elle pouvait faire entendre sa voix propre. Elle critique assez fermement le gouvernement solitaire du Président de la République, Emmanuel Macron, tout en démontrant sa propre culture gouvernementale. Elle reste handicapée par l’échec de la Présidence de Nicolas Sarkozy et celui de la candidature de François Fillon, victime du gouvernement des juges, mais elle prouve qu’elle existe encore politiquement. La réunion des forces en présence après le 4 décembre devrait moins compliqué qu’il y a 5 ans, puisque la fracture avec les amis d’Alain Juppé est digérée au plan militant. 

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