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De plus en plus allergiques, la facture : pourquoi elle s’aggrave avec les années
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Il faudra plus que 3 cacahuètes pour lutter contre

Depuis quelques jours, le Réseau national de surveillance aérobiologique a placé le bassin méditerranéen en alerte rouge aux pollens de cyprès. Un phénomène saisonnier qui a valeur de rappel : d'ici 2050, 50 % de la population française devrait être touchée par une allergie, selon l'OMS.

Laurent Gerbaud

Laurent Gerbaud

Laurent Gerbaud est chef de service au CHU Hôtel Dieu de Clermont Ferrand. Il enseigne également l’Economie de la Santé.

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Florence Trébuchon

Florence Trébuchon

Le Dr Florence Trébuchon est médecin allergologue. Elle a fondé l'École de l'asthme au service des maladies respiratoires de l'hôpital Arnaud-de-Villeneuve, à Montpellier. Elle est l'auteur de Vaincre l'asthme et les allergies aux éditions Albin Michel (2011).

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Atlantico : Aujourd'hui, une personne sur trois en France souffre d'une allergie (alimentaire ou respiratoire). Quel est le défi pour les pouvoirs publics ? Ces derniers sont-ils suffisamment conscients du risque que cela peut représenter ?

Florence Trébuchon :Non. On ne choisit pas l'air que l'on respire, les pouvoirs publics sont les seuls à avoir les moyens d'agir. Le niveau de pollution dans de nombreuses villes de France, et même dans la vallée de Chamonix, est en permanence au-dessus des seuils recommandés par l'OMS (20 ug /m3 de particule PM10, seuil au-dessus duquel le risque d'asthme chez l'enfant augmente significativement) et  nous sommes même souvent au-dessus des seuils préconisé par l'Europe  pourtant insuffisant. U( c’est cite plus loin). Les alertes pour pic de pollution ne sont que la partie découverte de l’Iceberg. L’exposition quotidienne à des taux  toxiques bien qu’acceptée France est à l’origine de l’augmentation des allergies respiratoires.

La pollution atmosphérique aux particules fines (essentiellement les particules de diesel) augmente les allergies respiratoires par deux mécanismes. Premièrement, elle fragilise le système respiratoire qui devient plus réceptif aux allergies.Enfin, elle rend les pollens plus agressifs et plus allergisants. Ce qui explique paradoxalement qu'il y ait plus de personnes allergiques aux pollens en zone urbaine qu'en zone rurale.

Les pouvoirs publics n'ont pas donné un signal fort concernant cette priorité  nationale: la qualité de l'air est un droit pour tous, un bénéfice pour chacun en termes de santé, et un bénéfice économique pour notre société.

Par quels mécanismes peut-on expliquer l'accélération de l'épidémie des allergies, aussi bien alimentaires que respiratoires ?

Florence Trébuchon : C'est notre mode de vie occidental qui est à l'origine de l'explosion des allergies. Selon la théorie hygiéniste, la moindre exposition à des infections dans l'enfance rendrait notre système immunitaire enclin à se "détourner" vers des mécanismes allergiques. Mais cette protection a aussi contribué à diminuer notablement la mortalité infantile, elle n'est donc pas à remettre en cause. A l'inverse, la pollution atmosphérique, rançon du "progrès" de nos sociétés, est sur le banc des accusés. La pollution intérieure est également impliquée par le biais des COV contenus dans  les produits d'entretien, de décoration, d'ameublement accumulés dans les habitats mal ventilés.

 Depuis dix ans qu’on essaye de prévenir l’apparition des allergies, on s’aperçoit que les régimes alimentaires  des futures mamans enceintes, les régimes particuliers aux enfantine diminuait pas l’apparition des allergies, et on s’est rendu compte qu’aucune action ne pouvait diminuer notablement le nombre d’allergiques.,  Ce que nous savons désormais c'est que notre environnement interagit sur l'expression des gènes dès  la grossesse et pendant  les premiers mois de vie. L'exposition du fœtus ou du nourrisson à des polluants dans l'air (particules de diesel, COV, tabagisme) induit une expression génétique vers le versant de l'allergie chez le tout petit.

Le plus alarmant est que cette expression modifiée des gênes sera transmise à la  génération suivante, même si elle n'est pas exposée au polluant concerné. L'épidémie n'est dons pas près de régresser !

Quelle est l'évolution de l'épidémie en France ?

Florence Trébuchon : L'augmentation du nombre de personnes allergiques ces vingt dernières est telle que l'on parle effectivement d'une épidémie. L'asthme, qui est la manifestation la plus sévère de l'allergie respiratoire, concerne 10 % des enfants aujourd'hui alors qu'ils étaient seulement 3 % il y a 30 ans. L'allergie respiratoire est la maladie chronique pédiatrique la plus fréquente et elle touche 25 % de la population générale. C'est donc 1 personne sur 4 qui est concernée. Les allergies alimentaires sont beaucoup moins fréquentes, mais elles ont également augmenté. Elles touchent 6 à 8 % des enfants et 3 % des adultes. Cette différence s'explique par la guérison de certaines allergies du nourrisson, comme celles au lait ou à l'œuf.

Pour autant, toutes les projections s'accordent à dire qu'en 2050, la moitié de la population sera touchée par une allergie. L'augmentation des allergies respiratoires se fait aus dépens de toutes les tranches d'âges. Il y a vingt ans, seuls les grands enfants et le jeune adulte étaient concernées.

Désormais même les plus petits et les séniors peuvent être touchés ; et nous constatons des manifestations allergiques de plus en plus sévères et de plus en plus tôt.

Selon l'OMS, les personnes atteintes d'allergie en France auront doublé en 2050. Doit-on prévoir une augmentation des coûts lié à l'évolution des types d'allergies, entraînant une évolution également nécessaire des traitements ?

Laurent Gerbaud : Il faut d’abord préciser la notion de maladies allergiques. Celle qui est le plus étudiée est l’asthme, c’est aussi potentiellement la plus grave. Mais il existe d’autres maladies, dans tout organe d’interface entre le corps et l’environnement : conjonctivite allergique (concernant l’œil), rhinite allergique (le rhume des foins par exemple), allergies cutanées,  digestives, l’asthme étant une maladie d’interface au niveau des poumons). En dehors de l’asthme de l’enfance avec ses crises caractéristiques, souvent ces maladies ne sont reconnues que tardivement, voire ne seront jamais diagnostiquées, notamment pour les allergies digestives, certaines formes d’asthme pour lesquelles les gens ne font pas vraiment de crise. Lors d’une enquête auprès d’ophtalmologistes, nous avons pu montrer que 65% des découvertes de conjonctivites allergiques étaient fortuites (lors d’une consultation de routine ou d’urgence) et que seuls 10% des patients allergiques avaient été envoyés par leur médecin traitant.

De sorte que l’un des mécanismes d’augmentation de la fréquence des maladies allergiques est le fait qu’elles sont mieux diagnostiquées. Un second mécanisme est qu’elles sont mieux traitées. Par exemple, si vous allez dans une pharmacie au printemps, vous verrez de nombreuses plaintes évoquant une rhinite allergique, ophtalmologique ou cutanée que les gens vont essayer de calmer avec des traitements en vente libre, mais qui ne penseront pas aller chez le médecin pour ce qui apparaît comme de petits problèmes. Quant aux allergies digestives, aussi embêtantes soient elles, elles restent rarement diagnostiquées : les signes en sont frustes et trouver l’allergène particulièrement complexe.

Il y a d’autres mécanismes qui sont invoqués pour expliquer l’augmentation des allergies : un environnement pauvres en variétés d’allergène (un environnement trop propre, surtout dans l’enfance, nous confronte à des stimulations trop peu diverses- là aussi la réduction de la biodiversité ne nous est guère favorable !) – ce qui explique que, par exemple, dans les villes on essaye de panacher des arbres de différentes espèces afin d’éviter d’avoir des sortes de tunnels allergéniques que constituent des rangées d’arbre tous identiques. Le recours trop important aux antibiotiques, les modifications du microbiote fécal lorsque l’alimentation est pauvre en légumes et fruits frais, l’exposition à des micropolluants irritants ou perturbateurs du système immunitaire (un concept connu et exploré depuis peu) sont d’autres facteurs.

Quoiqu’il en soit, l’augmentation du nombre de personnes diagnostiquées allergiques et de leurs traitements est en route.

Globalement, à quoi les coûts concernant les allergiques sont-ils liés ? Y a-t-il des maladies ou des troubles liés aux allergies, voire qui en découlent directement ?

L. G. : Les coûts sont surtout connus pour la maladie la plus grave et la plus expressive : l’asthme. Et les coûts collectifs de l’asthme, tout comme les coûts individuels y compris en termes de reste à charge, sont tout à fait conséquents. Il suffit de se reporter au travail de l’IRDES, à partir de l’échantillon statistique d’assurés sociaux de l’enquête santé ou celui de Marianne Doz et ChristosChouaïd. A côté les coûts d’autres maladies comme la rhinite allergique ou la conjonctivite allergique sont peu connus, sans parler des allergies cutanées ou des allergies digestives qui sont déjà sous diagnostiquées. Dans l’asthme ou dans les formes sévères de conjonctivite allergique, de rhume des foins ou d’allergie cutanée, il y aura prise en charge médicale, avec souvent des traitements de désensibilisation assez long. Ces soins seront couverts, plus ou moins complètement, soit en tant que soins de ville, soit en soins hospitaliers, en cas d’hospitalisation pour asthme sévère. Dans les autres cas, la plupart des traitements ne sont pas remboursés par la Sécurité Sociale, les patients se faisant traiter par des produits en vente libre (et non remboursés), après avis d’un pharmacien.

Les allergiques ont-ils plus d'arrêts maladie que les autres ? Quel est l'impact de la maladie dans l'économie productive ?

L. G. : Dans le cas de l’asthme, il est clair qu’il peut y avoir un impact socioéconomique lié aux arrêts de travail, à une éventuelle hospitalisation mais aussi la fatigue chronique pouvant découler d’un asthme mal contrôlé a des conséquences certaines sur les capacités productives de chaque individu. L’Impact des autres formes est moins net, même si l’on peut penser que la préoccupation liée à des symptômes qui ne passent pas  et la gêne quotidienne peuvent avoir des conséquences – a priori mineures. Les allergies digestives constituent un cas à part : leurs signes cliniques sont peu spécifiques (diarrhée, ballonnement, reflux gastro œsophagien,…). Par contre, ils sont souvent assez « bruyants », peuvent gêner considérablement et entraîner de nombreux arrêt de travail de courte durée.

Si l’impact est certain et bien documenté dans l’asthme, l’impact réel est sans doute beaucoup plus important et ira croissant dans les années à venir.

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