De Charybde en Scylla… Les pays qui tentent d’échapper au FMI menacent-ils la stabilité du monde ?<!-- --> | Atlantico.fr
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De plus en plus de pays veulent échapper aux contraintes du FMI.
De plus en plus de pays veulent échapper aux contraintes du FMI.
©Reuters

Solution à risques

La Banque centrale argentine négocie un prêt de 10 milliards de dollars avec la Banque chinoise afin d'éviter d'avoir recours au FMI.

Jean-Claude Werrebrouck

Jean-Claude Werrebrouck

Jean Claude Werrebrouck, a été professeur de sciences économiques à l'université de Lille 2.
Il est l'auteur de Banques Centrales : Independance Ou Soumission ? paru en octobre 2012 aux éditions Yves Michel.

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De plus en plus de pays sont enclins à ne plus passer par les institutions mises en place après la Seconde Guerre mondiale pour régler leurs problèmes de balance courante ou d’endettement public.

De fait il n’est pas impossible de penser qu’un véritable marché de l’aide soit en gestation.

Du côté de la demande, il s’agit de s’échapper des contraintes du FMI, un dispositif lui-même fort limité puisque ses ressources dépendent d’un accord international dans lequel les USA jouent un rôle leader, et ressources par ailleurs fort entamées par la crise européenne et ce au moins jusqu’à la naissance très récente du MES (mécanisme européen de stabilité). De ce point de vue, échapper au FMI, certes, mais aussi parce que ce dernier est accusé d’avoir trop mobilisé de ressources pour le sauvetage de l’euro.

Du côté de l’offre, il existe des pays, essentiellement la Chine, qui disposent de gigantesques réserves de change et pour lesquelles le coût d’opportunité à les laisser sous la forme de dette américaine devient de plus en plus élevé. Il existe certes un risque en prêtant à des émergents en difficultés, pensons notamment à l’Argentine, mais il existe aussi un risque en raison du comportement de la FED qui, sur simple décision, peut diminuer la valeur des actifs chinois en bons du Trésor américain.

Cette offre ne relève pas de la seule rationalité économique et se trouve être un outil de réaménagement de l’ordre politique mondial, un ordre ne faisant plus du dollar américain la clé de voute de l’ensemble financier planétaire.

Entre l’offre et la demande il faut aussi noter que le FMI lui-même est en train de changer avec l’émergence de ce qui pourrait devenir une doctrine : relever l’impôt sur les plus aisés partout dans le monde, taxer l’ensemble des patrimoines pour gommer la dette, etc. Véritable rupture doctrinale par prise de conscience de l’impasse auxquelles mènent les stratégies de rigueur qu’il préconisait il y a encore peu de temps ? Si tel est le cas, cette rupture pourrait être aussi pour le FMI un moyen de ne pas perdre sa clientèle, un moyen de ne pas être contourné en devenant plus populaire qu’il ne l’est aujourd’hui.

Le passage d’une aide multilatérale à une aide bilatérale est un bon marqueur de cette modification potentielle de l’ordre mondial. Curieusement les acteurs financiers privés, pourtant très liés à l’ancien consensus de Washington, peuvent y trouver un intérêt. Pensons par exemple aux fonds vautours avec lesquels la présidence argentine se trouve aux prises aujourd’hui. La nouvelle aide bilatérale est ainsi un problème pour l’ancien ordre et une nouvelle piste pour ceux des acteurs qui souhaitent s’en libérer.

Pour autant les choses ne sont pas simples et les risques sont importants pour tous les acteurs. C’est la raison pour laquelle la stratégie de contournement du FMI est une chose dont on a parlé dès le début de la crise et qui tarde à se mettre en place. Les accords concernant le renoncement progressif à l’utilisation du dollar dans le commerce international restent très limités car aucune devise n’est aujourd’hui capable de supplanter le dollar, et ce pour une raison très simple : la nouvelle devise se devrait d’être abondante ce qui supposerait un déséquilibre des échanges extérieurs tel celui des USA. Que deviendrait l’économie (réelle) chinoise si la balance courante de ce dernier pays devenait déficitaire ?

C’est dire que l’aide bilatérale ne peut encore se faire pour l’essentiel qu’en dollars, les pays émergents ne pouvant accepter une autre forme. Le système monétaire issu de la mort de Bretton Woods est lui-même comateux, mais nul n’a intérêt à détruire la machinerie qui le tient encore en vie.

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