Davos : et si les élites économiques de la planète se penchaient sur les leçons des 15 dernières années de la mondialisation ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La montée en puissance de la Chine a changé la donne.
La montée en puissance de la Chine a changé la donne.
©Reuters

Pas la bonne route !

Alors que l'émergence de nouvelles économies, et le lifting des autres demanderaient à revoir les stratégies communes, le forum économique Davos a préféré jouer un prélude au sommet des Nations unies sur le climat en fin d'année.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Quelles stratégies économiques se sont-elles révélées les plus cohérentes au cours des 15 dernières années?

Nicolas Goetzmann : Les 15 dernières années peuvent de scinder en deux phases, avant et après 2008. La première période est celle de la mondialisation heureuse, de la naissance de l’acronyme BRIC, (Brésil, Russie, Inde, Chine) pour désigner ces nouveaux pays qui comptent au plan international. Ces géants démographiques se sont développés à un rythme rappelant aux pays les plus avancés leurs plus belles années, les 30 glorieuses. Ce qui a permis une accélération de la croissance mondiale et des échanges internationaux. C’est aussi la période de la naissance de l’euro, qui a également connu son âge d’or entre 2000 et 2007. Chacun semblait en profiter et la mondialisation paraissait alors une évidence pour tout le monde.

Puis, cette belle machine s’est interrompue, soudainement. Et ce sont principalement des erreurs de politique monétaire qui ont plongé le monde en crise. Les meilleures stratégies économiques, au plan national, ont donc été celles où les erreurs monétaires ont été le plus vite corrigées. C’est-à-dire la Chine, qui a agi très vite, puis les Etats Unis, le Royaume Uni etc…le grand perdant est l’Europe, et aujourd’hui la Russie et à un moindre niveau, le Brésil. L’autre versant de cette période est la mise en évidence des inégalités au sein des pays développés, et l’abandon des classes moyennes.

La montée en puissance de la Chine a-t-elle changé la donne ?

Il y a 20 ans, la Chine représentait 2% du PIB mondial. Aujourd’hui, elle en représente 15% du total. Entre 2000 et 2014, son PIB a été multiplié par 10. Sur les 700 millions de personnes qui sont sorties de l’extrême pauvreté dans le monde, 600 millions sont chinoises. Le pays a tout simplement été le principal contributeur à la croissance mondiale de ces 15 dernières années. Cette usine globale a également permis de faire baisser les coûts de production de nombreux biens, les rendant ainsi accessibles au plus grand nombre.

L’économie mondiale a ainsi été bouleversée en très peu de temps, il suffit de se souvenir qu’en 2004, l’économie française était plus importante que l’économie chinoise. La chine "vaut" 3.5 fois la France aujourd’hui.  

La différence est que la Chine de 2015 va devoir réorienter son modèle vers sa demande intérieure. Le pays a compris que sa progression ne pouvait plus continuer sur le même rythme en comptant exclusivement sur les échanges internationaux, elle est devenue trop grosse. Désormais, pour croître, il va être nécessaire de faire participer les salariés chinois à la fête. C’est un changement majeur.

Qu'en est-il des autres pays émergents ?

Le cas de la Russie est symptomatique des pays exportateurs de matières premières. La croissance a été forte au courant des 15 dernières années, le PIB par habitant a été multiplié par huit, et ce, notamment grâce aux revenus pétroliers et gaziers du pays. De l’aveu même de Vladimir Poutine, l’erreur aura été de ne pas se diversifier assez tôt. Le pays en paye le prix aujourd’hui. La Russie souhaite désormais passer à l’étape suivante en accélérant la diversification de son économie ; ceci  afin de se rendre moins dépendant des marchés internationaux et des seuls revenus du pétrole. Puisque les niveaux de croissance chinois seront graduellement revus à la baisse, la situation va durablement peser sur les pays exportateurs de matières premières.

Si l’Inde et le Brésil ont pu décevoir au cours des dernières années, la nouvelle réalité est que les BRICS (en incluant l’Afrique du sud) représentent  43% de la population mondiale et 21% du PIB de la planète.

Les Etats Unis sont-ils sur le point de laisser leur première place économique mondiale ?

Les Etats Unis ont réussi leur passage à l’an 2000 en tant que nation. C’est-à-dire que la croissance américaine a été forte dans le courant des années 2000, et ils sont aujourd’hui parvenus à redresser la barre suite à la grande récession. La réaction monétaire a été très efficace, et l’économie n’est pas  restée embourbée trop longtemps dans la crise. Le pays et toujours largement en tête du classement mondial, avec un PIB de 17 500 milliards de dollars alors que la Chine, seconde, s’affiche à près de 10 000 milliards. Contrairement aux idées reçues, les Etats Unis vont encore rester un bon moment à cette première place mondiale. En imaginant une croissance de 3% aux Etats Unis, et une de 7% en Chine, ce qui est en réalité impossible à tenir sur le long terme, le croisement n’aura lieu qu’en 2027.

La faute des Etats Unis n’est pas son manque de croissance, mais une forme de croissance « non inclusive ». C’est-à-dire que les gains réalisés ne sont pas partagés par l’ensemble de la population. Les Etats Unis savent faire de la croissance, mais ils ont perdu les classes moyennes en route. C’est le défi qui les attend.

Au regard de sa stagnation actuelle, L’Europe a-t-elle manqué son virage dans la mondialisation ?

L’Europe avait pourtant bien commencé le millénaire. Le taux de croissance nominale avoisinant les 4-4.5% entre 2000 et 2008, ce qui était parfaitement raisonnable et le chômage avait fortement baissé. Le drame économique européen, il faut quand même le dire, aura été l’incapacité du continent à se rendre compte de ses prodigieuses erreurs monétaires, en 2008 et en 2011. Ces erreurs ont été masquées par un discours moraliste pointant le laxisme de certains pays du sud. Mais c’est bien l’incompréhension monétaire des dirigeants européens, aveugles devant la nécessité de réviser le mandat de la BCE, qui est la source d’une crise qui n’en finit pas. Les pays qui ont relancé par la voie monétaire s’en sont sortis. Il reste à espérer que l’action attendue de la part de la BCE ce jeudi 22 janvier soit à la hauteur.

Si la zone euro résout son problème monétaire, elle a les moyens de retrouver de forts taux de croissance. Parce qu’elle a un long chemin à rattraper. La stagnation est un choix pour le moment, il ne s’agit en rien d’une fatalité.

Existe-il réellement un modèle de croissance pertinent ?

Pour les pays développés, le modèle le plus pertinent est hybride. Entre la priorité donnée à la croissance aux Etats Unis, et le rôle de la redistribution en Europe. L’Europe bride sa croissance par des systèmes trop redistributifs, qui ont été rendus nécessaire par le chômage de masse. Et les Etats Unis vont trop loin pour en arriver à une forte inégalité pour le partage de cette croissance. La vérité se situe sans doute entre les deux. Mais la priorité doit être donnée à la croissance et au plein emploi. Une fois cet objectif atteint, ce qui est presque le cas outre Atlantique, les possibilités pour redistribuer s’améliorent. C’est peut-être la voie qui sera choisie par Barack Obama au cours des prochains mois.  

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