David Lisnard, fantasme de la droite pour 2027 ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Quentin Hoster publie « David Lisnard Le réveil de la droite » aux éditions Télémaque.
Quentin Hoster publie « David Lisnard Le réveil de la droite » aux éditions Télémaque.
©Alain JOCARD / AFP

Bonnes feuilles

Quentin Hoster publie « David Lisnard Le réveil de la droite » aux éditions Télémaque. Maire le mieux réélu de France à Cannes en 2020, David Lisnard a été porté en novembre 2021 à la tête de l'Association des Maires de France. Il trace un chemin singulier qui suscite un intérêt croissant. En mal d'incarnation et de vision, la droite aurait-elle trouvé sa relève ? Extrait 2/2.

Quentin Hoster

Quentin Hoster

Rédacteur en chef de Valeurs Actuelles Régions, Quentin Hoster couvre notamment l’actualité politique de la région PACA. Il collabore également à L’Essentiel, nouveau média d’informations locales.

Voir la bio »

En 2022, Emmanuel Macron n’avait pas d’adversaire sérieux. Marine Le Pen était un repoussoir incompétent. Éric Zemmour, un décliniste radioactif. Valérie Pécresse, une insincère pas crédible. Jean-Luc Mélenchon, un extrémiste rouge. Gageons qu’en 2027, il n’aura pas de relève plus sérieuse. Jordan Bardella sera encore jeune mais économiquement trop à gauche et garant d’une mouvance maudite. Édouard Philippe et Bruno Le Maire resteront des socialistes refoulés, comptables d’un bilan voué à s’aggraver. La macronie au leadership déclinant, qui suscitera des ambitions cannibales, sera cramée. La droite, en mal d’incarnation et d’idées depuis Nicolas Sarkozy, davantage sectorisée. Laurent Wauquiez est présenté comme un vieux sage quand bien même il a presque tout raté, en prétendant tout changer à droite depuis des années. Le syndrome de la « parka rouge», artifice de communication plus voyant que l’écharpe de Christophe Barbier, lui colle toujours à la peau, comme l’image d’un opportuniste antipathique et faussement lyrique. Bruno Retailleau, de haut niveau mais pas taillé pour l’épopée. François-Xavier Bellamy, brillant mais transparent. Xavier Bertrand, François Baroin, Michel Barnier et les autres, à jamais balayés... Qui d’autre que David Lisnard ?

Le maire de Cannes présente un atout majeur, si ce n’est unique sur l’échiquier politique, que les pasionarias de « l’union des droites » seraient bien inspirées de relever. Il est autant apprécié de la droite macroniste que de la droite zemmourienne. Il n’est pas non plus anodin de constater que la quasi-totalité des autorités morales de la droite classique, sollicitée pour l’écriture de ce livre, n’ont pas souhaité exprimer publiquement de très hautes appréciations, pourtant relayées en privé. Wauquiez s’inquiète de ses intentions. Fillon les observe avec bienveillance. Retailleau les encourage. Larcher les veut graduelles. Sarkozy voit toujours très loin. Tous baignent dans un secret mélange de crainte, de jalousie et de ravissement.

À Lire Aussi

Campagne des élections régionales en PACA : la difficile troisième voie de David Lisnard face aux sirènes du macronisme

C’est bien connu : « Dans beaucoup de prudence, il y a toujours un peu de lâcheté. »

****

Avant qu’il ne découvre dans le programme de l’étatiste rouge Jean-Luc Mélenchon des «éléments de liberté», l’essayiste authentiquement libéral Gaspard Koenig dressait encore le portrait-robot de son président idéal : « Ce président, conscient que “gouverner, c’est contraindre”, selon la formule de l’un de ses prédécesseurs, et néanmoins soucieux de ne pas empiéter sur les libertés si précieuses de ses concitoyens, ne prendra de décisions qu’avec parcimonie et ne signera de décrets que d’une main tremblante. […] Pénétré des limites de son savoir, il ne s’exprimera pas sur les transferts des joueurs de foot, ne viendra pas diriger l’intervention des pompiers sur le parvis des cathédrales en feu, ne cherchera pas à sauver telle ou telle aciérie. Il fera confiance aux acteurs de terrain pour effectuer les meilleurs choix. […] Désireux de rendre l’Histoire du pays à ceux qui la font, il s’abstiendra de grands discours sur la nation. Il ne prétendra pas guérir les écrouelles. Il ne viendra pas à la télévision nous expliquer la vie. Il ne dira jamais “je”. En revanche, il tiendra des conférences devant les citoyens pour s’expliquer honnêtement sur la marche de son mandat, les progrès réalisés, les difficultés rencontrées, les échéances prévues.»

De quoi revigorer la fonction présidentielle, tour à tour hollandisée, macronisée, dévaluée. Voilà donc pour l’horizon. S’il souhaitait emprunter le chemin de sa conquête, sûrement et sereinement, le maire de Cannes aurait bien besoin de conseils. Voici alors une recension de défauts à surmonter, de défis à relever, de faiblesses à combler, dressée avec toute l’autorité qui est la mienne – aucune –, mais avec la clairvoyance accumulée par la fréquentation du personnage – assez assidue à l’occasion de l’écriture de ce livre – à destination d’un potentiel futur candidat à l’élection présidentielle.

Voici donc les dix travaux de David Lisnard :

Assumer la personnalisation

Il l’a répété sans cesse, à mesure que se renforçait la question de ses ambitions : la cristallisation autour d’un projet doit être un préalable à l’attention autour d’une personnalité. Sans minorer l’importance fondamentale d’un socle d’idées fortes et partagées, leur incarnation semble tout autant voire plus déterminante dans toutes les élections présidentielles. Passées et à venir. Ainsi va notre société médiatique : les idées qui dominent ne sont portées que par des personnalités tonitruantes. L’incarnation est le vecteur des idées. Valérie Pécresse avait beau avoir un programme consensuel, son incarnation plastique n’a pas suffi à la préserver de la débâcle annoncée. A contrario, Éric Zemmour, qui, lui, se reposait sur une gamme très restreinte d’idées, portées par un charisme et une énergie débordante, a presque doublé le score de la présidente de la Région Île-de-France. David Lisnard doit dès à présent assumer la personnalisation du débat autour de sa personne, d’abord pour pallier un trop fort déficit de notoriété auprès du grand public, ensuite pour interrompre, par la présentation d’une alternative enfin crédible, l’hémorragie de l’électorat de droite, en fuite vers la démagogie, l’extrémisme, l’abstention ou des solutions inadéquates. La demande de droite est prépondérante, les études d’opinion successives l’attestent depuis plusieurs années. Mais l’offre véritable est au mieux éparpillée, au pire inexistante, jamais incarnée.

Remporter la bataille culturelle

Pour ne pas abandonner le débat public aux folies contemporaines, aux outrances, au simplisme et à Sandrine Rousseau, personnalité devenue, hélas, structurante dans l’agenda médiatique, il faut à tout prix l’investir. Car le combat culturel est toujours préalable au combat politique. Le rapport de force sur les questions migratoires et sécuritaires, hier dominé par le déni de la gauche, s’est aujourd’hui inversé au profit de la droite. Reste que cette dernière doit toujours conquérir un consensus, loin d’être atteint dans l’opinion, donc demain dans l’électorat, sur les questions fiscale, écologique ou de la décentralisation. Le centre de gravité du débat public reste encore à déplacer, son monopole à confisquer à la médiocrité qui l’a consumé. Cette offensive culturelle devra être renforcée par une prise de conscience double : du désastre qui nous mène, et du désastre que l’on nous propose. La pertinence des diagnostics du maire de Cannes ne pourra mieux être relevée que dans la confrontation. Assez parlé de barbecues genrés et de trajets en jet privé, parlons liberté et responsabilité!

Parler davantage aux classes populaires

Ce n’est pas le moindre des paradoxes de David Lisnard. Pourfendeur de la technocratie jargonante, il use parfois, lui aussi, d’un lexique peu accessible au plus grand nombre : «plan Capex», «reporting», «incivilités infractionnelles»… Autant de sujets qui gagneraient à être incarnés par des exemples précis. Il n’est pas nécessaire de décrire avec force détails les vicissitudes d’un élu face au monstre bureaucratique pour faire comprendre ses implications concrètes sur le quotidien de tout un chacun. Mais il est indispensable de vulgariser ces thèmes qui ne parlent qu’aux libéraux initiés, pour en faire saisir l’impérieuse pertinence aux profanes. Pour le citoyen laissé au bord du chemin, réclamer « moins » d’État alors qu’il en attend toujours plus de protection n’est pas audible. Il faut briser cet apparent paradoxe, pour faire comprendre qu’un État plus restreint sera plus efficace. Pour cesser d’opposer le libéral et le social. Être moins conceptuel et plus concret, en somme. Le magistrat Philippe Bilger, qui avait autrefois proposé – en vain – des cours d’oralité au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, pourrait se rendre utile, comme il l’a confié à l’auteur de ces lignes… Car ce n’est pas pour rien, non plus, que les Français ont préféré Chirac à Giscard ou Balladur. La rondeur du Corrézien, plus serreur de paluches de niveau olympique qu’orateur scrupuleux, a fait tout son succès. Le maire policé en public pourrait laisser parfois un peu de place au Cannois franchement déconneur en privé. Assumer la spontanéité expose au risque de dire une bêtise. Mais plus encore à l’adhésion populaire. La quête de respectabilité n’en sera pas amoindrie, mais renforcée. Sans toujours vouloir séduire, chercher à convaincre toujours.

Parler à tous les Français

La grande erreur commise par la plupart des aventuriers de la politique est de ne s’adresser qu’à une certaine catégorie de Français. Aux ouvriers quand l’on est communiste, aux minorités quand l’on est insoumis, aux gilets jaunes quand l’on est «patriote», aux complotistes quand on s’appelle Florian Philippot. Chacun y va de sa grille de lecture pas forcément impertinente mais toujours excluante. Le clientélisme électoraliste d’Éric Zemmour, de Yannick Jadot ou de Nathalie Arthaud a montré toutes ses limites dans les urnes, systématiquement au fil des scrutins. Même si son spectre est bien plus large, David Lisnard encourt le même risque, en ne capitalisant que sur les grands sujets, si porteurs soient-ils, de la bureaucratie, de l’incivisme ou de l’insécurité. Toutes les préoccupations des Français doivent être également investies pour recueillir leur entière attention, leur espérance et, le cas échéant, leurs suffrages. C’est la prouesse réalisée par Emmanuel Macron, candidat ayant parlé de tout et de rien, mais à toutes les couches de la population, qui l’ont ainsi fait président. Même s’ils ont été portés par des projets différents et l’esprit du moment, tous les présidents de la Ve République sont parvenus à l’Élysée en s’adressant, de près ou de loin, sincèrement ou fictivement, à une majorité de Français.

Investir les sujets de société

S’adresser à tous implique d’investir la diversité des sujets qui préoccupent, dont les questions sociétales sont parmi les plus importantes. Euthanasie, PMA, GPA, questions du genre, dérives des mouvements LGBT et woke… Ces thèmes cristallisent souvent, de manière paradoxale, les débats publics alors qu’ils relèvent de l’intime. David Lisnard est un homme libéral et pudique, qui ne conçoit pas le rôle du politique comme celui d’un aiguilleur ni d’un commentateur des mœurs privées. Ces débats de société aspirent pourtant à être revitalisés parfois, tranchés souvent, notamment par des électeurs de droite soucieux des questions bioéthiques et des ravages du wokisme. Le maire de Cannes a ses avis qui mériteraient d’être plus largement partagés. Ce sont, hélas, souvent ceux qui ont le moins à dire qui le disent le plus fort.

Garder la tête froide

Bien des trajectoires ascendantes se brisent, en politique comme dans la vie, par excès d’hubris ou de prudence. L’orgueil peut aisément être changé en vanité chez celui qui suscite l’engouement. Alors qu’il est souvent le moteur des ambitions, il peut aussi être grippé par un doute trop lancinant. On n’est jamais, aussi, à l’abri de son talent, qui peut se retourner contre soi-même. Les qualités, c’est bien connu, peuvent parfois être des défauts. L’éloquence contre Macron, l’esprit de consensus contre Chirac, la fougue contre Sarkozy, la normalité contre Hollande. Un syndrome de l’imposteur chez Lisnard? Tout est question d’équilibre. Mais c’est un funambule.

Extrait du livre de Quentin Hoster, « David Lisnard Le réveil de la droite », publié aux éditions Télémaque

Liens vers la boutique : cliquez ICI et ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !