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Croissance : l’INSEE ne croit pas à l’effet Macron
©JOEL SAGET / AFP

Optimisme forcé

Alors que l'économie française a produit de bons résultats au cours de l'année 2017, ce qui est parfois attribué à un "effet confiance" provoqué par l'élection et le réformisme d'Emmanuel Macron, certaines statistiques commencent à inquiéter.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Ce 9 mai, l'INSEE dévoilait une baisse de 1.8% de la production manufacturière française au cours du 1er trimestre 2018. Que se passe-t-il réellement derrière l'optimisme actuel ? 

Jean-Paul Betbeze : Confuse : c’est effectivement le moins que l’on peut dire de la situation économique actuelle en France, et pas seulement en France ! Ainsi, l’Insee nous annonce à la fois, le 9 mai 2018, qu’en mars 2018, la production est quasi stable dans l’industrie manufacturière (+0,1 %, après −0,5 %), mais ceci après une nette baisse au premier trimestre (-1,8%) et une hausse de 2% en 2017 ! L’activité industrielle manufacturière subit des chocs, notamment en fonction des prix de l’énergie, qui agissent sur le raffinage et surtout sur la fabrication d’automobiles. Par différence, la progression des « autres produits industriels », qui pèse la moitié de l’industrie, avance de manière plus régulière. De manière générale, il faut noter que l’activité industrielle est plus exposée à la concurrence et à des chocs que les services, en général plus lissés.

« L’effet Macron » a joué, comme étant une réduction des inquiétudes sur les choix futurs du gouvernement après les élections, mais surtout parce qu’il était en liaison avec l’amélioration économique d’ensemble de l’économie. Il faut faire attention à ne pas trop politiser ou psychologiser les décisions économiques en France, et ceci pour deux raisons. La première est que les décisions des entrepreneurs qui « font » la conjoncture sont surtout liées à l’investissement, donc aux profits actuels et anticipés, liés à des myriades de raisons. La deuxième est que les réformes ne vont jamais d’elles-mêmes. Elles sont en général souhaitées par la majorité du corps électoral, parce qu’elles permettent une croissance plus efficace, mais elles entrent alors immédiatement en conflit avec les métiers, professions et statuts qui doivent s’ajuster. Réformer c’est, aussi, s’opposer.

« L’effet Macron », c’est l’idée d’une croissance qui serait suffisamment forte et unifiée pour dépasser sans problème majeur les conflits et contradictions qui viennent des nécessaires réformes. C’est un discours suffisamment intelligent, une stratégie suffisamment brillante, une coalition suffisamment forte par rapport à d’autres discours, stratégies ou coalitions. C’est donc le plus souvent un moment qui dure assez peu, parce que ces « réformes qui profitent à tous », « sans gagnants ni perdants » n’existent pas. Réformer, c’est toujours chambouler des rentes. C’est un processus avec des perdants et des gagnants et qui ne continue que si les gagnants sont suffisamment nombreux et surtout « vocaux ». La preuve que les réformes marchent, c’est que l’emploi augmente, mais ce ne sont pas les nouveaux embauchés qui défilent !

Quel risque pourrait-il y avoir à conserver une telle attitude d'optimisme ? Y a-t-il un risque de sur confiance qui pourrait conduire à une absence d'action de la part des autorités ?

Aucun risque à être optimiste, si l’on sait ce que ceci implique ! L’optimisme se mesure d’abord par les faits objectifs (l’embauche, l’investissement, la consommation) plus que par les enquêtes sur les opinions ou les états d’esprits. Les Français sont en général inquiets et jugent que leur situation se détériore… depuis des siècles ! Les travaux sur la confiance (d’Alain Peyrefitte à Yan Algan l’attestent).

Surtout, l’optimisme est affaire de volonté et d’effort. Nous vivons une révolution industrielle, celle des technologies de l’information. Elle chamboule les conditions de production et d’échanges, ainsi que les rapports entre entreprises et pays. Pour gagner dans cette révolution, il faut l’optimisme qui consiste à accepter de changer, d’adopter les nouvelles techniques, de se former. Mais quand on lit que les robots vont tuer la moitié des emplois, sans dire ceux qui vont changer et ceux qui vont naître, on ne pousse pas à l’optimisme. C’est bien ce qui se passe avec le chômage structurel en France, autour de 7% à 8%, non parce que les salaires seraient trop élevés, les salariés trop peu mobiles, mais par défaut de formation aux nouveaux emplois.

Les autorités ne sont pas « sur confiantes », selon moi, quand on voit ce qui se passe à la SNCF, Air France ou à Notre Dame des Landes. Le coût du changement va monter en France, à la mesure du ralentissement de l’activité. Les embauchés nouveaux sont les plus jeunes et les mieux formés, après ce sera plus dur. La résistance au changement parie précisément sur la fin d’un « effet Macron » largement fantasmé. On ne cesse de lire et d’écouter des messages anxiogènes sur « la montée des tensions mondiales », « les nouveaux risques » et « la deuxième année pleine d’embûches du Président Macron ». La vérité est que la croissance mondiale ralentit, que les risques montent, que l’on peut s’inquiéter de Donald Trump, mais ce n’est pas ce qui freine Apple, Facebook ou Xiaomi ! L’économie et la révolution industrielle continuent : nous sommes dedans, impossible d’en sortir – sauf à tout perdre !

Quels sont les risques qui planent actuellement sur la France, et plus largement sur la zone euro ?

La perte du sens de l’histoire. La révolution industrielle déplace vers le haut la frontière technologique entre anciens et nouveaux savoirs, anciennes et nouvelles technologies. Cette révolution se superpose à la crise stratégique dans le leadership du monde, entre les Etats-Unis qui ne veulent plus l’assumer, et la Chine qui veut le diriger, mais à partir des pays émergents. Dans ce contexte, l’Europe se découvre avec une stratégie très partielle, monétaire et économique, en ayant oublié sa protection ! On le voit aujourd’hui, quand il s’agit de trouver de nouvelles ressources pour l’Union, sans vraiment dépenser assez pour de nouvelles armes et que taxer les GAFA semble impossible à certains, qui n’osent pas affronter les Etats-Unis et préfèrent réduire la PAC.

Ceci ne nous éloigne pas de la conjoncture la plus immédiate. Elle hésite, titube, faute de sens, de courage, et donc d’optimisme !

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