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Crise économique + politique : en route vers la tempête parfaite
©MARCEL MOCHET / AFP

2019, année chaotique ?

Les indices PMI décrivent un nouveau ralentissement économique en zone euro, que la France est déchirée par la crise des "Gilets Jaunes", que la courbe des taux s'inverse aux Etats-Unis... et bien d'autres malheurs : marche-t-on vers une catastrophique année 2019 ?

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Alors que les indices PMI signalent un nouveau ralentissement économique en zone euro, avec un plus bas allemand de 47 mois, dans un contexte de crise politique en France, d’inversion de la courbe des taux aux États-Unis, et d’une crise commerciale qui pourrait voir le jour en janvier, comment mesurer la réalité des risques qui s’annoncent pour 2019 ?

Michel Ruimy : La photographie de la croissance mondiale a changé entre 2017 et 2018. La croissance économique, qui était partagée, l’année dernière, au niveau mondial, est désormais hétérogène. En lame de fond, nous avons une économie américaine dopée aux stimulants fiscaux et budgétaires, une économie européenne butant sur ses capacités de production et la hausse du pétrole et, des économies émergentes dont les plus fragiles comme la Turquie, l’Argentine, l’Afrique du sud voire le Brésil, l’Inde et l’Indonésie, subissent une crise de change voire un recul de l’activité tandis que la Chine poursuit le ralentissement ordonné de sa croissance.

L’observation de la situation présente n’est pas pour nous rassurer comme vous le rappeliez dans votre question. En 2019, l’économie américaine bénéficiera encore, quoique dans une moindre ampleur, des stimulants fiscaux et budgétaires. Mais les conditions de son financement pourraient progressivement se renchérir alors que les exportations seront déjà menacées par l’appréciation du dollar. L’inflation, absente ces dernières années, semble se réanimer. Au départ, liée à la remontée des cours pétroliers, c’est une hausse atténuée des prix au niveau mondial qui est en passe de se restaurer. Les signes sont encore timides mais les hausses de salaires sont un peu plus fortes aux Etats-Unis comme en zone euro. Les hausses de tarifs douaniers pourraient aussi contribuer aux hausses de prix. La réaction des banques centrales sera, à mon avis vu la situation, déterminante mais mesurée. Et bien sûr, les incertitudes géoéconomiques pesant sur l’Union européenne, les tensions commerciales, etc. 

En fait, il faut imaginer l’économie mondiale comme un paquebot. Les virages sont pris lentement et le niveau des indicateurs en 2018 ne nous laisse pas augurer une amélioration de la situation.

En quoi les risques politiques, en France et en Europe (Italie) pourraient il agir comme un facteur déterminant ?

Les performances enregistrées en cette fin d’année ne sont pas optimistes pour 2019. En effet, le ralentissement de la croissance économique dans certains pays pourrait remettre au premier plan les préoccupations budgétaires, en fonction des réponses politiques qui y seront apportées et de la situation initiale des finances publiques des gouvernements. 

Le premier semestre de l’an prochain sera marqué, en Europe, notamment par les conditions des accords de sortie concernant le Brexit, le résultat des élections européennes mais aussi les changements conjugués à la tête de la BCE, du Parlement et de la Commission européenne qui représentent une incertitude, tout comme l’action du gouvernement populiste en Italie. Chaque situation contribuera à des degrés divers. Et ceci alors la zone euro revient aujourd’hui sur un rythme de croissance plus faible mais probablement plus adapté à son potentiel. 

On voit donc que les situations italienne et française viennent compliquer une situation déjà difficile voire attiser les tensions déjà existantes. Car ces deux pays sont des « poids lourds » de la zone euro, qui, avec le ralentissement de l’économie allemande, n’avait pas besoin de cette instabilité. Autrement dit, alors que nous aurions pu attendre que ces deux pays viennent pallier la faiblesse économique allemande, bien, au contraire, ils viennent affaiblir une situation de convalescence. Je crains une sanction aux élections européennes. S’il y a une forte participation au vote, le message sera clair pour nos gouvernants nationaux et européens. Dès lors, cette situation nous laisse, à ce jour, que peu d’espérance pour 2019. Et comme toujours, nous devrons attendre une solution de sortie de crise venant de l’Allemagne. 

A cet égard, la BCE a publié sa nouvelle clef de capital, qui sera recalculée en mars 2019 avec le départ du Royaume-Uni de l’Union. Elle est calculée, tous les 5 ans, selon le poids économique et démographique du pays dans l’Union européenne. Cette fois, l’Allemagne, la France, la Belgique… voient leur part relative augmenter alors que celle de l’Italie, le Portugal, l’Espagne … diminue. Une illustration de la dépendance de l’Union européenne aux pays d’Europe du Nord.

Quelles sont les menaces extérieures à la zone euro les plus sérieuses ? 

Tandis que l’économie américaine avance à « pleine vapeur » et que celle de la Chine continue de ralentir malgré l’assouplissement budgétaire et monétaire dont le pays bénéficie, de nombreuses sources d’incertitude existent.
D’une part, l’incertitude sur les politiques monétaires des grandes banques centrales s’accroît. En matière de taux d’intérêt, la Federal Reserve avisera de leur remontée en fonction des indicateurs économiques et de l’inflation. Or, la politique monétaire décidée à Washington a une influence mondiale et le resserrement monétaire, dicté par la vigueur économique américaine, pèse sur l’économie mondiale dans son ensemble. On peut s’attendre dès lors que le ralentissement mondial se poursuive dans les prochains mois. Par ailleurs, une première hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne au premier semestre 2019 n’est pas forcément acquise, notamment si l’inflation dans la zone euro reste faible.

D’autre part, l’incertitude politique qui pèse sur l’investissement des entreprises, qui a été le moteur de la croissance cette année. Les entreprises ont subi des pressions plus fortes sur leurs marges et des tensions sur leurs chaînes d’approvisionnement, qui ont pesé sur la croissance de leur production en 2018. La visibilité de la croissance mondiale diminuant pour 2019, l’investissement des entreprises pourrait ralentir dans les économies développées.

Enfin, il y a aussi la volatilité du cours du baril de pétrole et des taux de change, qui pèse sur les perspectives de certains secteurs, les tensions sur le plan du commerce international, notamment entre les Etats-Unis et la Chine, etc. Au final, nous risquons de constater une escalade des risques et une désescalade de croissance.

Mais, de manière générale, pour 2019, la question essentielle pour les investisseurs est de savoir si le reste du monde va rattraper les États-Unis ou si les États-Unis vont « rejoindre » le reste du monde. Ce second scénario me semble plus probable et nous assisterions alors à un environnement d’aversion au risque. En effet, les moteurs de la vigueur économique américaine sont principalement temporaires (réductions d'impôts, loi sur l'emploi, hausse des prix du pétrole…) et vont probablement disparaître en 2019. À l’inverse, les obstacles rencontrés par la Chine semblent de nature plus structurelle et, par conséquent, plus persistants. Enfin, les risques financiers augmentent et, dans l’actuel contexte de fin de cycle, la causalité peut facilement changer : le marché deviendrait alors le principal risque pour l'économie, et non l’inverse. 

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