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La planète mode de Jean-Paul Gaultier à San Francisco
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Fashionista

Ce week-end, San Francisco a accueilli l'exposition "La planète mode de Jean-Paul Gaultier, de la rue aux étoiles" conçue par le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Visite guidée.

Marylène Delbourg-Delphis

Marylène Delbourg-Delphis

Marylène Delbourg-Delphis est l'une des premières femmes européennes à s'installer dans la Silicon Valley, elle a aussi été P-D.G. de deux autres sociétés américaines (Exemplary, acquise par Persistent Systems et Brixlogic, acquise par Diebold).

Consultante en stratégie et management, facilitatrice M&A, membre du conseil d'administration, advisor ou P-D.G. intérimaire, elle a assisté comme une trentaine de start-ups (infrastructure, cloud, services en ligne et social media).

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L'exposition, déjà présentée à Dallas, s'appelle aux Etats-Unis The Fashion World of Jean-Paul Gaultier: From the Sidewalk to the Catwalk. Si vous passez à San Francisco avant le 19 août 2012, ne la manquez pas ou trouvez le moyen d'aller la voir à Madrid entre septembre et novembre 2012 ou à Rotterdam de février à mai 2013.

Une installation plutôt qu'une rétrospective

L'exposition n'est pas une rétrospective, mais plutôt une "installation", c'est-à-dire une forme d'art qui présente "une œuvre combinant un ou plusieurs médias en vue de modifier l'expérience que peut faire le spectateur d'un espace singulier ou de circonstances déterminées" pour reprendre la définition offerte par Wikipedia. L'œuvre de Jean-Paul Gaultier, mise en scène par la compagnie théâtrale québécoise, UBU de Denis Marleau associe une animation multimédia organisée par thèmes et des mannequins réalistes doués de paroles.

La présentation a quelque chose d'extra-temporel, et ce qui en ressort, est la cohérence de la production de Jean-Paul Gaultier. Les événements du monde ou de la rue peuvent donner une tournure plus particulière à chaque collection, ce que l'on remarque infailliblement lorsqu'on fait un reportage saison après saison comme journaliste de mode. Mais dans cette exposition, qui fait disparaître la notion de chronologie, ce que l'on remarque surtout, c'est une extraordinaire unité de ton, d'esprit et d'inspiration, en un mot, ce qui fait un grand artiste ou un grand couturier, sa patte, une griffe où les genres et les gens se cotoient sans se télescoper.« Ce que nous voyons d’un objet placé sous nos yeux, ce que nous entendons d’une phrase prononcée à notre oreille, est peu de chose en effet, à côté de ce que notre mémoire y ajoute », disait Bergson. Yvette Horner n'a pas grand chose à voir avec Madonna, mais l'une et l'autre sont comme des réincarnations, coexistant, comme bien d'autres, avec Naomi Campbell devant le cabaret Michou, rue des Martyrs, dans l'espace imaginaire de Jean-Paul Gaultier.

Nounours, roi des sirènes et des madonnes

L'imaginaire d'un créateur commence toujours quelque part. Pour Jean-Paul Gaultier, c'est son enfance chez sa grand-mère, qui s'était remise à travailler après la faillite de l'affaire de blouses-tabliers du grand-père. Elle avait ouvert un commerce de soins qui consistait aussi bien en conseils sentimentaux qu'en masques de beauté. Jean-Paul était toujours là. "C'était fabuleux, et pour tout dire, une drôle d'éducation" m'a confié Jean-Paul Gaultier au début des années 1980. La grand-mère cédait à tous ses caprices, lui laissait faire ses Régécolor, lui permettait de voir tout ce qu'il voulait à la télé, un reportage sur les Folies-Bergère qui l'avait enchanté lorsqu'il avait neuf ans comme tous les films interdits aux enfants. La seule chose que Jean-Paul n'a jamais eue, c'est une poupée : "Ma grand-mère me montrait ses poupées 1900, que, naturellement, je trouvais extraordinaires. Comme il ne fallait pas que j'aie moi aussi une poupée — ma mère aurait fait un drame—, j'eus un ours que je finis par transformer en poupée" et auquel il ajouta des seins coniques. L'un des premiers objets de l'exposition est l'ours en question. Les seins coniques se sont associés au corset saumon de la grand-mère pour devenir la robe-corset de 1983 et se transfigurer au cours des années.

Les pérégrinations du marin au long cours

Comme la boîte de conserve de ses parfums et bien d'autres objets, le maillot de marin de Jean-Paul est du "tout-fait" ou du "ready made" à la Marcel Duchamp, c'est-à-dire "un objet usuel promu à la dignité d'objet d'art par le simple choix de l'artiste" ainsi que l'a défini André Breton dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme. Marin au long cours, Jean-Paul s'aventure sur tous les territoires mais aussi lointains soient-ils, leur distance se mesure le plus souvent par rapport au méridien de sa mémoire, Arcueil et Paris. Le risqué des vagues s'adoucit dans les ondulations du marbre des chapelles et le regard de vierges saint-sulpiciennes se confond avec la candeur séductrice de Micheline, l'héroïne du film de Becker, Falbalas habillée par Marcel Rochas et dont la musique avait été composée par Jean-Jacques Grünenwald (qui allait devenir ... organiste à Saint Pierre-de-Montrouge, puis Saint-Sulpice à Paris). Jean-Paul revient toujours là où tout a commencé. Les Espagnoles sont du Bizet, le frimas de la Russie ont l'élégance d'Elisabeth de Riquet de Caraman, comtesse Greffulhe et Yvonne, première d'atelier chez Paquin avant de devenir femme de ménage chez la grand-mère de Jean-Paul pointe son regard complice sur les dentelles, panniers et broderies.

Pour Jean-Paul, la mode n'est pas une seconde nature. C'est tout ce qu'il a toujours aimé et un pays des merveilles ancré à Paris où il a choisi de vivre pour la vie et d'y faire s'y réverbérer le reste du monde.

Le catalogue de l'exposition réalisé sous la direction de Thierry-Maxime Loriot est une remarquable monographie où se retrouve le gotha international de la mode et du spectacle. C'est un livre magnifique que l'on peut trouver en version française (aux Editions de la Martinière) et en version anglaise (aux Editions Abrams).

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