Corrupstan : glamour, magouilles et pots-de-vin colossaux, ou l'incroyable vie des héritiers d'Asie centrale<!-- --> | Atlantico.fr
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Gulnara Karimova, la fille aînée d'Islom Karimov, président de l'Ouzbékistan.
Gulnara Karimova, la fille aînée d'Islom Karimov, président de l'Ouzbékistan.
©REUTERS/Jason Lee

Les intouchables

Dans les pays comme le Kirghizstan, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et le Turkménistan, les familles dirigeantes règnent d'une main de fer. Et leurs rejetons ont toute la latitude pour accumuler des fortunes via la corruption.

Les pays d'Asie centrale ne sont sans doute pas les destinations les plus recherchées par les touristes du monde. Mais pour certains, la vie y est belle, très belle même. Glamour, luxe, et pots-de-vin astronomique: voici le fabuleux quotidien des fils de dirigeants. Dans cette partie du monde, les familles au pouvoir et leurs rejetons ont tous les droits.

Ces pays sont englués dans une corruption endémique. Pour l'illustrer, il suffit de jeter un oeil au classement Transparency International qui calcule l'état de transparence des fonctions publiques des pays. Le Kirghizstan est 136e, le Tadjikistan 152e, l'Ouzbékistan 166e, et le Turkménistan 169e. Le tout sur 175 pays.

Une des figures les plus emblématiques de ces dérives et de ces corruptions reste Gulnara Karimova. Cette dernière est la fille ainée du président ouzbek, Islam Karimov, au pouvoir depuis l'éclatement de l'URSS, en 1991, et tenant le pays d'une poigne de fer.

Durant des années, Gulnara Karimova vivra une vie de jet-setteuse à l'occidentale, participant à toutes les soirées branchées de la planète, tout en menant une "brillante" carrière de politicienne et de business woman, avec des affaires dans les cosmétiques et les médias. Ambassadrice de son pays à l'ONU, elle a même poussé la chansonnette avec Gérard Depardieu.


(Capture d'écran YouTube)

Et le rapport soupçonne que même avec le chiffre astronomique de un milliard de dollars, nous sommes loin de la réalité.  Un chiffre sous-estime probablement le réel montant de ses extorsions.

Mais la véritable obsession de Gulnara Karimova est l'argent, et durant plusieurs années, elle va amasser une fortune considérable par le biais de la corruption. Selon une enquête de l'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), les escroqueries montées par "la Princesse" comme la surnomme les Ouzbek, sont astronomiques : elle aurait accepté plus de un milliard de dollars de pots-de-vin provenant de compagnies téléphoniques scandinave et russes. Cette fortune aurait été versée sous forme d'actions des sociétés TeliaSonera, Telenor, MTS, et Alfa Telecom. En échange, Gulnara Karimova s'engagait à effectuer du lobbying pour ces entreprises et leur permettait d'accéder au juteux marchés des télécoms du pays.

Les enquêteurs soulignent qu'ils ont des preuves que TeliaSonera a payé Karimova 381 millions de dollars et lui aurait promis 75 millions afin que la compagnie puisse rentrer sur le marché des cellulaires ouzbek.

La fille de l'autocrate s'est même trouvée épinglée par WikiLeaks. Un rapport diplomatique américain révélé par l'oganisation de Julian Assange la décrivait comme une "baronne du vol" et le personnage public "le plus haï d'Ouzbékistan". Des diplomates y affirmaient également que la jeune femme aurait extorqué des millions de dollars à des entrepreneurs ouzbeks et à des investisseurs étrangers.


(REUTERS/Shamil Zhumatov)

Dans sa luxueuse demeure située près de Genève (estimée à 15 millions d'euros), elle aurait accumulé de véritables trésors dérobés au musée national de la capitale ouzbek.

La jeune femme est depuis tombée en disgrâce. Longtemps intouchable, elle serait désormais assignée à résidence et les justices ouzbèke, suisse et française ont engagé des poursuites à son encontre.

Une chute brutale pour la fille de l'homme le plus puissant du pays qui s'expliquerait pour certains par son ambition politique un peu trop importante et son style de vie trop déluré. "Détourner l’argent du pays, d’accord; mais attirer la honte sur la famille en faisant la fête à moitié nue ou en parlant politique, jamais", soulignait à ce propos Galima Boukharbaïeva, une journaliste ouzbèke réfugiée en Allemagne. Pour d'autres, sa disgrâce ne serait que le résultat d'une énième guerre des mafias locales. Un clan aurait gagné, l'autre, auquel appartiendrait Karimova, aurait perdu. Tout simplement.

La femme de 42 ans nie toutes ces accusations, estimant qu'elle est victimes de machinations politiques. Elle n'a pas été vue en public depuis plusieurs mois.

Sa sœur cadette, elle aussi, n'a pas de problème de fin de mois. Résidente à Genève, elle est toujours ambassadrice de l'Ouzbékistan à l'Unesco. Depuis la disgrâce de sa sœur, elle a pris des distances avec le régime politique de son père.

Mais dans le merveilleux monde des républiques d'Asie centrale, les Karimovas ne sont pas les seules à jouir de passe-droits. Maxim Bakiyev est le fils du de l'autocrate Kirghizstan, Kurmanbek Bakiyev. Son père a dû fuir le pays après la révolte populaire en 2010 qui l'a éjecté du pouvoir. Condamné par coutumace, et un temps menacé d'extradition par les Etats-Unis, le "fils de" vit pourtant confortablement installé dans un manoir londonien, estimé à 3,5 millions de livres.

(REUTERS/Olivia Harris)

Global Witness a publié un rapport sur la question. Selon cette ONG, spécialisée dans la lutte contre la corruption, ce manoir aurait été acheté par l'intermédiaire s'un système de blanchiment d'argent, utilisé pour transférer des fonds d'Etat à l'étranger. Mais il est impossible d'en savoir plus. La société qui a acheté ce cossu manoir est enregistrée dans une juridiction off-shore, et l'agence immobilière se réfugient derrière des clauses de confidentialité. Le principal intéressé refuse lui de communiquer à ce sujet.

L'incroyable train de vie des héritiers d'Asie centrale peut continuer.

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