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Coronavirus : comment la France pourrait transformer ses faiblesses en atouts
©PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

Humilité productive du leadership

Le Dr Guy-André Pelouze évoque la stratégie du confinement indifférencié et insiste sur l'importance de repérer les malades et du recours à la quarantaine.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Le confinement indifférencié prolongé est inefficace. Ces semaines  supplémentaires sont du temps perdu. Ce confinement comporte en effet, une faille. La faille c’est qu’il laisse les porteurs sains ou pauci-symptomatiques du virus, les plus nombreux, contagieux sans le savoir, se déplacer pour raisons professionnelles ou autres. La priorité des priorités est de les repérer pour les mettre en quarantaine. A l’inverse, le confinement indifférencié punit des gens immunisés qui pourraient pourtant se déplacer sans constituer un risque pour les autres et contribuer au redémarrage économique et social. À défaut de cibler la transmission au lieu de la circulation des personnes le flux de contamination se maintient à un niveau élevé. C’est pourquoi, le dépistage doit être intensifié et étendu, ce qui n’a pas été fait ces six dernières semaines.  

Nous sommes terriblement en retard mais la fin du Covid-19 est encore loin

Depuis le mois de janvier le gouvernement court derrière le SARS-CoV-2. Chaque évènement a pris l’exécutif à contre pied, les frontières, les tests, le confinement précoce des trois foyers explosifs, le pari d’aller au théâtre, au foot, et la respiration du Covid pendant la campagne du premier tour des municipales, les épisodes se sont succédé à vive allure. Ce n’est pas une faute, c’est une perte de contact avec le réel. C’est le manège de notre enfance et le lapin qui a chaque tour nous échappe, trop tard… Et au final c’est la sanction, quand par inadvertance on laisse 5 mètres au peloton lancé à 50 km/heure. Difficile. On ne revient pas. Mais le virus est là et il va trouver d’autres hôtes humains dans nos régions. Dans l’attente d’un antiviral efficace sur la pneumonie nous allons devoir faire preuve d’intelligence. Pendant des mois. En continuant à vivre, à produire, à protéger nos ainés. Et donc à refaire notre retard. C’est tout à fait possible. Il faut penser l’épidémie en amont de l’hôpital. Le contraire de ce qui a été fait, forcé et contraint par les retards accumulés.

Le chemin est tracé, c’est plus facile

On ne peut pas tricher et prendre un raccourci. En revanche on doit scruter et analyser les expériences des autres pays sur ce chemin balisé. Ces expériences sont riches et certaines assez remarquables. Pas plus que dans l’urgence, sur le moyen-long terme il est impossible de se passer des données et donc des tests. Mais il y a deux premières conditions: une connaissance détaillée sur le plan géographique et épidémiologique et d’autre part une réactivité des décisions suite à cette surveillance virologique. Cela ne suffit pas encore. Il faut sans retard isoler en quarantaine les personnes porteuses du virus pour qu’elles guérissent sans contaminer et deviennent immunes. Cette assistance est aussi utile en cas d’aggravation du patient Covid-19 placé volontairement en quarantaine. Inutile d’égrener ces données à 20h comme un remake de l’ORTF… Il suffit de les mettre en libre accès et instantanément. Ce n’est pas encore le cas après 46 jours de confinement. L’essentiel de cette initiative est numérique. les étapes sont connues: recensement après résultat du test rt PCR, localisation et proposition appropriée en fonction de la situation socio-économique, appels quotidiens, et au terme nouveau test si nécessaire et reprise du travail si c’est adapté.

Quels sont les atouts français, authentiques faiblesses en temps calme, qui peuvent être mis en marche pour sauver des vies dans l’épidémie

Et si face au Covid-19 nous essayions malgré tout de tirer parti de notre Administration sur-dotée en personnel?

Et si ces personnels n’attendaient que cela? En effet le front office est sous pression, pompiers, policiers, acteurs de terrain de l’action sociale mais la réserve du back office est considérable. Les collectivités disposent d’énormes ressources, humaines, financières, organisationnelles qui, bien employées, peuvent contribuer à juguler l’épidémie. Il reste à organiser et nous savons que c’est difficile. Les régions doivent transmettre et coordonner les informations et les actions au niveau communal pour que les populations cibles (personnes fragiles en confinement strict, personnes porteuses du virus en quarantaine) soient prises en charge sans que personne ne soit oublié ou laissé sans aide. Mais ne rêvons pas il faut que la production soit externalisée au privé autant que faire se peut. Les petites entreprises ont l’habitude et l’économie est à l’arrêt. Pour les repas, les courses, les sorties, les collectivités peuvent lancer des appels d’offre et pallier les demandes urgentes. La demande est là et elle peut être financée.

Une action coordonnée et un agenda exigeant avec les entreprises

L’état interventionniste à tout va a collectionné les échecs ces dernières années. Car en effet si nos usines de production sont parties c’est pour fuir le monstre bureaucratique, réglementaire et fiscal et non par appât du gain. Mais voilà qu’une fenêtre s’ouvre, il faut que l’état agisse comme un état régalien. Vite, de manière juste et avec des moyens limités. Les entreprises produisant des tests, des réactifs, des écouvillons et des plateformes doivent être coordonnées non pas en préemptant l’économie de marché mais en l’accélérant afin de ne pas attendre encore quatre semaines.

Ce qui démarre pour les respirateurs doit être réussi pour les tests, les masques et le reste. Il a d’autres domaines où les entreprises doivent être sollicitées comme les technologies de traitement de l’information pour créer des plateformes régionales d’appel. Il ne s’agit pas d’envoyer des flyers par la poste mais de traiter l’information pour aider, suivre, surveiller et assister les personnes porteuses du virus. 

Laisser faire les régions qui connaissent très bien leur territoire

La refonte couteuse des régions n’a de sens que si ces exécutifs gèrent. Nous en sommes loin. Pourtant l’exécutif doit le tenter. Pourquoi? Parce qu’il est très improbable qu’un “plan” national pour les prochains mois réussisse tant les disparités sont grandes. En revanche un programme très ouvert et bâti comme un contrat d’objectifs peut ensuite être décliné par les régions en fonction des situations géographique, épidémiologique et économique peut réussir à refaire le retard. Les trois T, tester, tracer et traiter sont des objectifs atteignables mais dont les modalités sont à l’évidence différentes suivant les régions. À l’inverse le “plan” national annoncé va être piloté par un homme de la technostructure à la fois élu “local”, à la fois de droite et de gauche. Mais c’est encore une petite cuisine politicienne. Il faut 18 pilotes parfaitement autonomes et responsables. Il est encore temps. Et ne reculons pas parce que certains brandissent un argument sempiternel: celui d’interdire les actions régionalisées au motif qu’elles pourraient créer des inégalités. Un égalitarisme “constitutionnel” qui a déjà couté des vies serait il en passe d’en mettre d’autres en danger? Serait-ce le retour de l'égalitarisme destructeur de l'exécutif: punition collective de toutes les régions bleues (Figure N°1)? 

FIGURE N°1: (A) NOMBRE CUMULE D'HOSPITALISATIONS, D'ADMISSIONS AUX SOINS INTENSIFS ET DE DECÈS DUS AU SRAS-COV-2 EN FRANCE. LA LIGNE VERTE INDIQUE LE MOMENT OÙ LE CONFINEMENT A ETE MIS EN PLACE EN FRANCE. (B) REPARTITION DES DECÈS EN FRANCE. NOMBRE (C) D'HOSPITALISATIONS, (D) USI ET (E) DECÈS PAR TRANCHE D'AGE ET SEXE EN FRANCE

Au contraire, ouvrons les commerces et les entreprises dans les régions bleues. Dans une société post-industrielle le système centralisé qui punit tout le monde de confinement indifférencié et qui n’utilise pas les technologies intelligentes pour casser la transmission a probablement montré qu’il faisait payer un prix élevé à toute la population.

Cette urgence menaçante et pleine de risques qui justifie l’existence même de l’état

Ce n’est pas une guerre c’est une épidémie. Ce n’est pas 1940 mais il faut se garantir contre une “étrange défaite”. L’urgence, qui concerne chacun d’entre nous au plus haut point, c’est que le pays atteigne et demeure sur la ligne de crête entre la poursuite d’une riposte à l’épidémie (la santé physique et mentale des citoyens) et de l’autre la production de biens et services, c’est à dire produire pour vivre.  

L’exécutif a fait un demi-tour sur pas mal de sujets mais il reste encore une étape conceptuelle indispensable: au sommet de l’état est on finalement conscient de ces faiblesses à retourner en atouts grâce à un leadership inspiré d’humilité?

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