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Contre la dictature des marchés,
investissons dans l'économie réelle !
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Croissance

Après des décennies de dérégulation et de financiarisation de l'économie, l'heure est venue à davantage de contrôle des marchés. Il faut aussi investir dans des projets d'avenir pour rebâtir la croissance, selon la député UMP de la Drôme Marie-Hélène Thoraval.

Marie-Hélène Thoraval

Marie-Hélène Thoraval

Marie-Hélène Thoraval est député UMP de la Drôme et chef de l'opposition municipale à Romans-sur-Isère.

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La Révolution industrielle a fait émerger un capitalisme industriel basé sur des activités réelles, le travail de salariés, et des investissements productifs qui ont permis le développement d'entreprises implantées dans nos territoires. Symbolisée par une énergie, la vapeur, un moyen de transport, le chemin de fer, une industrie, la sidérurgie, la Révolution industrielle a entraîné avec elle les peuples vers le développement économique. Ce modèle a perduré, malgré les crises économiques et militaires, jusqu'à la fin des « Trente glorieuses », et a permis l'émergence des « grands de ce monde ». Aujourd'hui, les États appartenant au G8, issus de la première ou de la deuxième vague de la Révolution industrielle, représentent encore à eux seuls 65 % de l'économie mondiale. La Révolution industrielle régit donc encore les grands équilibres économiques mondiaux malgré l'arrivée des géants chinois et indiens, et l'éclosion avérée des dragons asiatiques.

François Mitterrand et la financiarisation de l'économie 

Pourtant, au début des années 2010, un mal ronge les pays développés. Ils semblent avoir oublier les raisons de leurs succès. Alors qu'il faisait face dès les années 80 à une concurrence mondiale de plus en plus exacerbée, les États-Unis et l'Union européenne, ont fait le choix du laissez-faire. S'ils n'ont pas délaissé leur pouvoir d'intervention dans le domaine de l'économie réelle, nos gouvernants ont ouvert les portes à une financiarisation massive de notre économie. En France,  contrairement aux idées reçues, c'est durant les deux septennats de François Mitterand que cette dérégulation s'est opérée. Elle avait pour objectif de redonner confiance aux investisseurs étrangers après les nationalisations de 1982. Les plans Delors visant à encourager l'épargne sur titre en 1982, l'ouverture du second marché à la Bourse de Paris en 1983, l'autorisation d'émission de papier commercial en 1984-85 et la levée progressive du contrôle des changes de 1984 à 1990, ont largement contribué au financement des entreprises[1]. Mais ces décisions ont renforcé le pouvoir des investisseurs, qui ont pu, avec davantage de choix d'investissements, accroîtrent leurs gains et développer une activité jusqu'alors balbutiante, mais qui s'est révélée très lucrative.

Les échanges de biens et de services réduits à peau de chagrin

A partir de cette période, et plus encore dans les années 90 et 2000, la planète « finance » s'est développée. Jusqu'à ce que, dans les salles des marchés, les mots actions et obligations, stars du 20ème siècle soient remplacés par des termes anglosaxons « swap », « put » , « call » ou encore le mécanisme aujourd'hui sur la sellette appelé « vente à découvert » qui permet de spéculer à la baisse sur le titre d'une entreprise cotée. Il est même possible de spéculer sur les matières premières alors que la Corne de l'Afrique fait face à l'une des plus grave catastrophe humanitaire de ces vingt dernières années. Tous ces instruments financiers, le plus souvent déconnectés de l'économie réelle, contribuent aujourd'hui à donner l'impression d'un « casino » complexe au sein duquel les acteurs eux-même ont du mal à s'y retrouver.

Cette dérèglementation des marchés financiers a développé l'économie financière à tel point que le commerce international ne représente aujourd'hui que 2% des transactions de change internationales. Les échanges financiers entre pays dépassent, et de loin, leurs échanges de biens et de services : de quatre fois plus pour l'Allemagne à quinze fois plus dans un grand centre financier comme le Royaume-Uni[2].

Sécurité financière : Jospin s'est tu, Raffarin a agi

Les décisions prises dans les années 1980 ont également contribué à réduire la souveraineté des Etats. Des multinationales qui paient aujourd'hui moins d'impôts que les PME, aux agences de notations qui sont devenus aussi puissantes que les agents de contrôle boursiers, les Etats ne disposent plus des moyens pour lutter contre ces dérives. Aux affaires durant cette « révolution de la finance » de 1997 à 2002, les ministres et soutiens du gouvernement Jospin, aujourd'hui prétendants à l'investiture socialiste, n'y trouvaient à ce moment-là rien à redire. A cette époque, seul le gouvernement Raffarin a engagé une réforme de la sécurité financière, en 2003, qui institua  l'Autorité des Marchés Financiers. La situation actuelle démontre pourtant que les outils dont disposent les pouvoirs publics pour contrôler l'activité des marchés financiers ne sont pas plus suffisants.

Repenser le système financier aujourd'hui

C'est pour ces raisons que la crise de la dette souveraine doit entraîner une refonte majeure du système financier. Elle doit permettre la création d'une taxe sur les transactions financières avec un taux d'au moins 0,5 % qui permettra de financer la création d'une agence de notation européenne indépendante. Dans le cadre du G20, nous devons soutenir l'action du président de la République dans sa volonté de « réformer le capitalisme financier ». Parmi ces priorités, la régulation du marché des dérivés de matières premières me semble être un enjeu majeur de sécurité alimentaire. Plus encore, nous avons le devoir de faire respecter les nouvelles règles régissant les hedges funds, tout en contrôlant toujours davantage la création de nouveaux instruments financiers. Il n'y a qu'avec une politique ambitieuse, volontariste et globale que nous pourrons limiter le glissement de l'économie réelle vers la finance.

Dans le même temps, les politiques ont le devoir de préparer l'avenir avec des investissements, eux, bien réels. Avec le « Grand emprunt », le Gouvernement aura investi plus de 20 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année 2011 dans les énergies renouvelables (réacteur nucléaire de 4ème génération et énergies alternatives), l'aéronautique (hélicoptère du futur, moteurs moins gourmands en carburant..), et les campus d'excellence avec une ferme volonté de ne pas manquer de prochaine révolution qui pourrait bien être verte !



[1]    David Thesmar et Mathias Thoenig, Financiarisation de l'économie : partage de la valeur ajoutée ou partage du risque ?

[2]    Source Natixis dans Alternatives économiques, décembre 2007

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