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Consentement sexuel : derrière la question juridique, l’ère de la grande confusion des âges
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Âge légal

Le tribunal correctionnel de Fontainebleau a condamné à 18 mois de prison avec sursis le professeur de mathématiques qui avait eu une liaison avec son élève de 14 ans qui avait été son élève, relançant le débat sur l'âge du consentement sexuel.

Michel Fize

Michel Fize

Michel Fize est un sociologue, ancien chercheur au CNRS, écrivain, ancien conseiller régional d'Ile de France, ardent défenseur de la cause animale.

Il est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages dont La Démocratie familiale (Presses de la Renaissance, 1990), Le Livre noir de la jeunesse (Presses de la Renaissance, 2007), L'Individualisme démocratique (L'Oeuvre, 2010), Jeunesses à l'abandon (Mimésis, 2016), La Crise morale de la France et des Français (Mimésis, 2017). Son dernier livre : De l'abîme à l'espoir (Mimésis, 2021)

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Derrière le cas d'une relation entre une collégienne de 14 ans et son professeur de mathématiques, dont le procès s'ouvrait hier à Fontainebleau, ne peut-on pas également voir un autre phénomène conduisant une très large part de la population à agir "comme" un jeune adulte. Entre d'un côté des adolescents et des adolescentes qui sont incités commercialement de la sorte (maquillage, habillement etc..) et des adultes jusqu'à un âge avancé qui entrent en compétition pour "avoir l'air" d'être de jeunes adultes ? Quelles sont les symptômes de ce phénomène ?   

Michel Fize : Notre société est une « société du paraître », de la meilleure « présentation de soi », pour parler comme le sociologue Erving Goffman. Chaque individu est jugé sur son « look ». Il doit donc posséder la plus grande « force de séduction » possible. Celle-ci repose sur une juste utilisation du corps, qui doit être vêtu, décoré (par bijoux, bracelets…), tatoué parfois.
Le problème surgit au cas d’exagération de la parure, et de manipulation du corps par une sexualisation prononcée (voir selfies de corps nus d’adolescentes circulant sur les smartphones et diffusés ensuite sur les réseaux sociaux ; voir recours fréquents d’individus de tous âges à la chirurgie esthétique).
Mais notre société est aussi une société du « mal-être » par rapport à la sexualité des plus jeunes, des adolescents en particulier. L’affaire aujourd’hui jugée devant le tribunal correctionnel de Fontainebleau (un professeur de 31 ans, ayant eu une relation sexuelle avec une adolescente de 14 ans, poursuivi  pour « corruption de mineur de 15 ans et atteinte sexuelle par personne qui abuse de l’autorité conférée par sa fonction » ; l’affaire, avant cette affaire, jugée par la Cour d’assises de Meaux, au début du mois, acquittant un homme de 30 ans qui avait eu une relation avec, non pas une « fillette », mais une jeune adolescente de 11 ans, montrent les ambiguïtés et incohérences de notre société sur la question sexuelle des mineures. Résumons en effet. Pas d’âge défini pour le consentement sexuel, mais majorité sexuelle fixée à 15 ans. Majorité sexuelle à 15 ans mais majorité civile à 18 ans. Entre 15 et 18 ans, existence d’une zone d’ombre juridique imprécise où peut être activé, souvent par les familles mécontentes d’une relation de leur « enfant » de 15 ans avec un ou une adulte, le levier du « détournement de mineur », voire de la « corruption de mineurs ». Il est par conséquent temps de définir, dans ce pays, un véritable et clair « statut sexuel des adolescents » avec droits et devoirs afférents.
Tout le reste, décrit dans la question : maquillage, vêtements sexy, est affaire de liberté personnelle, de morale, voire de décence (terme, on en conviendra difficile à manipuler). La séduction fait partie du jeu social. Attention à la tentation de la censure pour contrer les tentations. Nous connaissons tous de ces hommes justifiant leurs comportements harcelant envers les femmes par un : « Mais, elle n’avait qu’à pas s’habiller si court » !

Quels sont les risques de cette tentative uniformisation vers les jeunes adultes, voyant ainsi disparaître les classes d'âge, et les responsabilités qui y sont associées ? Qu'est-ce que l'ensemble de la société a à y perdre ? 

Il n’y a pas, chez les jeunes, d’« uniformisation vers les jeunes adultes ». En s’engageant dans une vie sexuelle, les adolescents ne cherchent pas à paraître adultes, ils cherchent à être eux-mêmes. Il n’y a pas davantage de disparition des classes d’âge, sauf dans la tête de certains adultes, ceux que, précisément, l’on nomme « jeunistes ». Les jeunes, eux, sont dans leur âge et s’y trouvent plutôt bien. S’agissant des responsabilités, envisagés en termes de droits et de pouvoirs, il faudrait en revanche – et ce serait un progrès - sortir de « la distinction d’âges » qui, dans la vie publique, la vie professionnelle, veut toujours dire : les jeunes « en bas », « en attente des responsabilités ».

Quels sont les dégâts constatés, selon les classes d'âge, de ce jeunisme ambiant ? 

Si le « jeunisme » signifie le « paraître jeune à tout prix », il est évidemment inquiétant. Il faut, pour résoudre le problème, sortir les gens de la confusion « jeunisme », « dynamisme ». Il est normal, à tout âge (qui n’est plus celui de jeunesse, l’âge des moins de 30 ans), de vouloir rester dynamique, en pratiquant du sport par exemple. Il est normal de vouloir soigner sa silhouette, en mangeant peut-être 5 fruits et légumes par jour, ou en mangeant bio ou vegan, peu importe. L’espérance de vie augmentant, il est même essentiel d’entretenir son corps, une façon aussi d’entretenir son esprit.
Les dégâts – car il faut bien parler d’eux – surviennent quand il y a « dépassement de la mesure ». Recours excessifs à la chirurgie plastique, réparatrice, par des individus de tous sexes : femmes et hommes (de plus en plus), de tous âges : adultes et adolescents (de plus en plus aussi). Si l’on peut adoucir les ravages du temps, on ne peut les gommer entièrement, sauf à se défigurer, et à se compliquer la santé.
Il reste aussi, bien sûr, à limiter les « dégâts de l’internet », qui permet la « mise à nu » (mentale et corporelle) de tout un chacun.  Il faut pour cela éduquer enfants et adolescents, et adultes, pourquoi pas ?, au bon usage de l’outil numérique.
Il reste enfin, comme j’ai tenté de le monter dans mon dernier livre : La Crise morale de la France et des Français (Mimésis, 2017), à « remoraliser » la société, à faire réapprendre partout les valeurs de respect, de tolérance » de « contrôle de soi ».

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