Consentement à l’impôt : l’éternelle schizophrénie Française<!-- --> | Atlantico.fr
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Recettes totales issues des impôts et cotisations sociales dans les États membres de l’UE, 2019 (en % du PIB)
Recettes totales issues des impôts et cotisations sociales dans les États membres de l’UE, 2019 (en % du PIB)
©Eurostat

Champions du monde

La donnée de base est extrêmement simple : les prélèvements obligatoires, c’est-à-dire la somme des cotisations sociales et des impôts et taxes prélevés en France, représentent actuellement plus de 1 000 milliards d’euros, soit environ 45 % de notre PIB et le niveau le plus élevé dans l’Union européenne et le monde développé.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Une position prépondérante qui n’est pas nouvelle et qui vaut depuis longtemps à notre pays le sobriquet de champion du monde des taxes :

Une position dangereusement prépondérante, pourrait-on préciser, car c’est en effet un projet d’alourdissement fiscal, un projet de hausse des taxes sur les carburants qui avait mis le feu aux poudres de la révolte des Gilets jaunes et avait donné toute sa brûlante pertinence à l’éternelle question du contribuable adressée aux autorités publiques : « Mais qu’est-ce que vous faites de notre argent ? »

Peut-être cette ambiance de plus en plus palpable de dégradation du consentement des citoyens à l’impôt a-t-elle joué dans la décision du Conseil des prélèvements obligatoires, organisme public associé à la Cour des Comptes, de lancer récemment un « Baromètre des prélèvements obligatoires ». Et ce, avec d’autant plus d’urgence en cette période de Covid dominée par la politique du « quoi qu’il en coûte ».

Si cette dernière permet au ministre de l’Économie Bruno Le Maire de pérorer avec une mauvaise foi admirable sur la formidable croissance française en 2021, il ne faudrait pas oublier qu’elle a généré quelque 450 milliards d’euros de dette publique en plus depuis 2019, soit environ 19 points de PIB (de 97,5 % à 116,3 % au troisième trimestre 2021). Or qui dit dette publique galopante, dit forcément impôts supplémentaires dans le futur (ou faillite, ce qui ne serait pas mieux).

La première édition du Baromètre a donc vu le jour à l’automne 2021 et la Cour des Comptes vient d’en divulguer les résultats. Objectif :

« Mesurer périodiquement la perception qu’ont les Français des prélèvements fiscaux et sociaux et ainsi (…) éclairer les pouvoirs publics sur l’état et l’évolution de l’opinion dans ce domaine. »

.
L’enquête, confiée à l’institut de sondages Harris Interactive, a porté sur un échantillon représentatif de 1013 personnes âgées de 18 ans et plus.

Commençons par des éléments qui vont certainement beaucoup plaire au gouvernement. En particulier, Gérald Darmanin sera sans doute enchanté d’apprendre que pour 77 % des Français, le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu – mis en place alors qu’il était ministre du budget – est considéré comme une bonne réforme. Les contribuables y voient principalement une simplification du paiement de cet impôt et une facilitation de leur gestion financière au quotidien (schéma ci-dessous à gauche).

De son côté Bruno Le Maire devrait jubiler encore un peu plus qu’à son habitude : figurez-vous que pour 79 % des personnes interrogées, le paiement de l’impôt est vu comme un « acte citoyen » (schéma de droite). Compte tenu de ces brillants résultats, qui oserait prétendre que le consentement à l’impôt faiblit et que les réformes de Bercy créent un gouffre d’incompréhension entre les citoyens et le gouvernement ?

Le principe de réalité oblige cependant à dire que le prélèvement à la source n’est jamais qu’une méthode de prélèvement. Elle est à l’évidence très utile au gouvernement pour recouvrer le plus largement et le plus rapidement possible les sommes dont il a urgemment besoin pour continuer à nourrir notre triple État providence, stratège et nounou, mais elle ne dit rigoureusement rien sur le niveau, l’équité ou la progressivité de l’impôt.

De la même façon, l’on peut fort bien prendre l’impôt pour un acte citoyen dans la mesure où il permet de financer les missions de l’État auxquelles on adhère, mais l’on peut également considérer dans le même temps qu’il est trop élevé voire injuste et que les sommes prélevées sont mal utilisées.

Or c’est précisément ce que l’on constate.

Le baromètre révèle en effet que presque 7 Français sur 10 sont insatisfaits du système fiscal en vigueur, précisément parce qu’il leur semble trop compliqué, pas assez équitable et parce que le niveau des impôts est trop élevé (ci-dessous à gauche). De plus, 62 à 65 % d’entre eux se déclarent mécontents de l’utilisation qui est faite de l’argent public (ci-dessous à droite) :

À noter que la formule « qu’ils soient exposés au rappel ou non » qui apparaît dans le titre du schéma de droite signifie que la moitié des répondants a reçu une information sur la répartition des dépenses publiques et l’autre non. Ce qui ne change pas grand-chose au résultat.

Interrogés ensuite sur le niveau général des prélèvements, 75 % des Français jugent les impôts trop élevés en France, pourcentage qui s’avère très homogène selon les tranches de revenu (à gauche). En ce qui concerne plus précisément leur situation personnelle, 62 % d’entre eux considèrent qu’ils paient trop d’impôts, cette part grimpant à 69 % chez les personnes jouissant de revenus moyens ou élevés (à droite) :

De même, ils sont 6 sur 10 à juger le poids des cotisations sociales trop lourd, d’abord parce que cela réduit considérablement les salaires et ensuite parce que cela renchérit le coût du travail alors que les fonds ainsi recueillis ne sont pas utilisés efficacement :

On ne peut s’empêcher de penser aux déboires de l’hôpital et dans une certaine mesure à ceux de notre système éducatif, sans compter le penchant maladif de notre administration à l’Absurdistan bureaucratique qui s’est révélé plus évident et plus virulent que jamais lors des hautes heures de la pandémie de Covid. Tant d’argent dépensé pour des résultats si décevants…

Ne dirait-on pas que la messe est dite ?

Simplifions, allégeons, baissons drastiquement les dépenses publiques (qui ont atteint le pic hallucinant de 61,6 % du PIB en 2020) et soyons plus regardants sur la façon dont chaque euro prélevé aux contribuables et cotisants est dépensé.

Mais non, ce serait beaucoup trop simple.

Nous sommes en France, pays qui vit sa devise nationale « Liberté Égalité Fraternité » dans un état de schizophrénie permanente. J’avais déjà eu l’occasion de souligner il y a quelque temps combien les Français adoraient la liberté… mais préféraient inconditionnellement l’État. Pas tous, bien sûr, mais une belle majorité d’entre eux.

La même incohérence déchirante est à l’œuvre dans le domaine fiscal. Dire simplement que l’on trouve l’impôt injuste ne nous informe pas sur le sens de cette injustice.

Mais on en a finalement une assez bonne idée, car à la question de savoir si la redistribution des revenus telle qu’elle est organisée par notre système social et fiscal est suffisante ou insuffisante (sachant qu’elle est déjà très élevée), 55 % des Français répondent qu’elle est insuffisante (schéma ci-dessus). Ce qui suppose qu’il faudrait prélever plus et dépenser plus.

Mais dans ce cas, qui prélever plus ?

Le baromètre nous donne une indication indirecte à travers une question sur le remboursement de la fameuse dette Covid. 73 % des Français sont opposés à une augmentation des impôts pour y parvenir, et ce, d’autant plus qu’ils sont plus âgés (à gauche). En revanche, si cet impôt devait effectivement être créé, ils sont 77 % à souhaiter que les entreprises se chargent de le payer (à droite) :

Ce en quoi, premièrement, ils ne voient pas que si ce n’est pas l’impôt qui couvre la dette covid ce sera à terme leur épargne qui sera mise à contribution (directement, ce qui revient au même, ou via l’inflation qui avantage les emprunteurs et taxe les prêteurs).

Et ce en quoi, secondement, ils ne voient pas que l’impôt supplémentaire exigé des entreprises leur retombera forcément dessus, soit en leur capacité de consommateur face à un renchérissement des prix et/ou une baisse de qualité des biens et services, soit en leur capacité de travailleurs face à un marché de l’emploi plombé par des prélèvements obligatoires devenus démesurés. 

Le moment me semble excellent pour citer le si fabuleusement clairvoyant député et économiste Frédéric Bastiat (1801-1850) :

« L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde » alors qu’il ne devrait être que« la force commune instituée, non pour être entre tous les citoyens un instrument d’oppression et de spoliation réciproque, mais, au contraire, pour garantir à chacun le sien, et faire régner la justice et la sécurité. » (L’État, 1848)

« Les finances publiques ne tarderont pas d’arriver à un complet désarroi. Comment pourrait-il en être autrement quand l’État est chargé de fournir tout à tous ? Le peuple sera écrasé d’impôts, on fera emprunt sur emprunt ; après avoir épuisé le présent, on dévorera l’avenir. » (Justice et Fraternité, 1848)

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