Congrès de l’UDI : alliance renouvelée (et chèrement négociée) avec les Républicains ou reconstruction d’une nouvelle UDF de Bayrou à Raffarin, d’où viendra le salut ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Jean-Christophe Lagarde, le président de l'UDI.
Jean-Christophe Lagarde, le président de l'UDI.
©Reuters

Réunion de la dernière chance

Après avoir appelé les militants UDI à voter contre une participation à la primaire de la droite et du centre, la formation centriste vit quelques soubresauts... Au point que plusieurs de ses représentants appellent à renoncer au retrait de la primaire, ou à inspirer une recomposition du paysage politique.

Laurent de Boissieu

Laurent de Boissieu

Laurent de Boissieu est journaliste politique au quotidien La Croix et fondateur des sites France-politique.fr et Europe-politique.eu.

Voir la bio »

Atlantico : Sur quoi les militants devront-ils s'exprimer lors du congrès de l'UDI organisé dimanche 20 mars ? Peut-on d'ores et déjà en imaginer les résultats ?

Laurent de Boissieu :Du mardi 15 au samedi 19 mars, les adhérents de l’UDI étaient appelés à trancher deux questions. D’une part, "souhaitez-vous que l’UDI participe à la primaire initiée par Les Républicains ? ". D’autre part, "si une majorité de l’UDI décidait de s’engager dans la primaire, souhaitez-vous que l’UDI présente un seul candidat ?". Sauf surprise, les adhérents devraient majoritairement décider que l’UDI ne participe pas à la primaire, pour plusieurs raisons.

La première raison relève d’une constante des formations de centre droit : la base est toujours plus indépendantiste que les élus en général et les députés en particulier, qui le sont devenus dans le cadre de l’union de la droite. De fait, l’UDI a ouvert un forum en ligne pour ses militants : la quasi-totalité des rares messages penchent contre une participation à la primaire de la droite et pour une candidature UDI à la présidentielle.

La seconde raison, surtout, c’est que les ténors de l’UDI soutiennent majoritairement cette non-participation : Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, Hervé Morin et Laurent Hénart, les présidents des deux principales composantes. Il est d’ailleurs intéressant de voir leur évolution. Le Parti radical de Laurent Hénart est contre une participation à la primaire depuis son congrès de septembre 2015.

À l’inverse, le scénario logique pour Jean-Christophe Lagarde était sa candidature à la primaire avec l’investiture et le soutien de toute l’UDI. Jean-Christophe Lagarde a toutefois finalement choisi d’appeler à voter contre cette participation "en l’absence d’accord avec Les Républicains sur la primaire, la présidentielle et les législatives".

Même évolution pour le Nouveau Centre d’Hervé Morin, qui était initialement pour une participation à la primaire "dès lors qu’un pacte majoritaire aura été conclu avec Les Républicains" mais contre "l’investiture unique d’un seul candidat représentant le parti".

L'UDI vit plusieurs soubresauts depuis la guerre au sommet entre Hervé Morin et Jean-Christophe Lagarde.... Aujourd'hui, existe-t-il un risque d'éclatement de la formation centriste ?

Jean-Christophe Lagarde a été élu président de l’UDI en novembre 2014, après le retrait de Jean-Louis Borloo de la vie politique. Créée deux ans plus tôt, l’UDI avait alors été confrontée, comme l’UMP (devenue Les Républicains) après la défaite de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle de 2012, à une vacance de leadership. Jean-Christophe Lagarde l’avait largement emporté (53,5%) face à Hervé Morin, mais cette victoire masquait une profonde division du parti en ce qu’elle s’appuyait en réalité sur deux grands bastions (la Seine-Saint-Denis de Jean-Christophe Lagarde et l’Hérault de son soutien Joseph Francis).

Or, les problèmes financiers de l’UDI – qui ne bénéficie du financement public que via ses composantes – puis la question de la primaire ont confirmé que Jean-Christophe Lagarde n’est pas parvenu à imposer son leadership sur l’ensemble du parti qu’il préside. Sa structuration, avec des adhérents directs mais aussi des composantes, comme autrefois l’UDF, y est pour beaucoup dans cette difficulté qui dépasse les circonstances et les personnalités.

Quoi qu’il en soit, le congrès du Nouveau Centre, le 5 mars 2016, a été l’occasion d’une véritable opération "Stop Lagarde". Hervé Morin a en effet réuni autour de lui Laurent Hénart, président du Parti radical, Jean Arthuis, président de l’Alliance centriste, Jean-Marie Bockel, président de La Gauche moderne (mouvement associé au Parti radical) ou encore Louis Giscard d’Estaing, président du club "Les Idées". Qu’ils soient pour ou contre la participation de l’UDI à la primaire, tous se sont retrouvés dans le refus d’aboutir à une candidature unique de Jean-Christophe Lagarde.

Lors de ce congrès, le Nouveau Centre a appelé "la direction de l’UDI et le congrès de l’UDI à ne pas prendre de décision qui contraindrait artificiellement notre famille politique à l’unicité de candidature". En menaçant ouvertement de faire éclater l’UDI dans le cas contraire : "Si tel était le cas au congrès du 20 mars prochain, le congrès du Nouveau Centre réunirait en septembre 2016 un conseil national extraordinaire qui apprécierait les conséquences d’une telle décision".

En poussant un peu le trait, on pourrait presque dire que grâce à l’absence d’accord avec Les Républicains, le fin politique Jean-Christophe Lagarde a sans doute évité un éclatement de l’UDI en temporisant sur sa propre candidature à la primaire.

Dans une tribune signée par Hervé de Charette, le membre du bureau Exécutif de l'UDI déclare que "la famille centriste est aujourd'hui éclatée en 3 groupes : outre l'UDI qui, en raison de sa structure confédérale, a souvent l'allure d'un parti sans chef, malgré le talent et l'énergie de son jeune président, il y a le petit groupe constitué autour de François Bayrou, dont ne peut contester le poids politique, mais qui est une sorte de chef sans parti". Il appelle de même à un ralliement des Républicains proches des centristes tel que Jean-Pierre Raffarin. Dans ce contexte, un retour à une formation centriste traditionnelle sur le modèle de l'UDF n'aurait-il pas du sens ?

Entendons-nous d’abord sur les mots. L’UDF hier comme l’UDI aujourd’hui ne sont pas au centre, ce qui signifierait, si les mots ont un sens, un positionnement à équidistance de la droite et de la gauche. Or, l’UDI appartient au bloc d’alliance qui compose la droite française. Ce qui signifie qu’en l’absence du MoDem de François Bayrou, même s’il tend lui-même à revenir à droite, il ne s’agira de toute façon pas d’une primaire de la droite "et du centre" mais bien d’une primaire de la droite. Avec ou sans l’UDI et quoi qu’en proclament ses organisateurs (l’UDI n’est pas plus au centre que le FN ne serait pas à l’extrême droite ! ).

Toute la question, en revanche, est de savoir comment est structurée la droite française. De 1978 à 2002, elle était composée de deux partis de taille comparable, le RPR chiraquien et l’UDF giscardienne.

Depuis 2002, la droite française est organisée autour d’un grand parti à vocation unique, l’UMP puis Les Républicains, flanqué d’un petit parti plus modéré : l’UDF de 2002 à 2007, le Nouveau Centre de 2007 à 2012 puis l’UDI depuis 2012.

Le retour à une structuration de la droite en deux partis, l’un plus modéré et l’autre plus radical, comme le souhaite l’ancien giscardien Hervé de Charrette, n’aurait de sens qu’à deux conditions.

Première condition, que le débat à droite s’organise autour de ces deux partis. Cette condition n’est pas réunie, puisque la question de la ligne politique ne se joue pas entre l’UDI et Les Républicains, mais principalement à l’intérieur de celui-ci entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy.

Seconde condition, que l’aile modérée du parti sarkozyste – au-delà des seuls anciens UDF – le quitte pour créer une nouvelle formation politique avec l’UDI. Cette condition ne semble guère davantage réunie : je rappelle qu’Alain Juppé, ancien président du RPR, fut le président fondateur de l’UMP. Bref, pour lui "sisi la famille" !

Par ailleurs, quelles chances reste-t-il à un accord entre le parti Les Républicains et l'UDI ?

L’absence d’accord entre l’UDI et Les Républicains s’explique notamment par les divergences entre les présidentiables de ce dernier parti quant au moment d’accorder les investitures aux élections législatives et d’établir un programme d’alternance. Nicolas Sarkozy, qui n’a pour l’instant pas déclaré sa candidature à la primaire, entend en effet profiter de sa position de président du parti pour avancer le plus loin dans ces deux directions, non sans argument de fond puisque les comptes de campagne pour les élections législatives de juin 2017 commencent à courir un an plus tôt.

Nicolas Sarkozy aurait donc tout intérêt à débloquer rapidement la situation, d’autant plus qu’une ou plusieurs candidatures de l’UDI à la primaire prendraient davantage au premier tour sur l’électorat potentiel d’Alain Juppé que sur le sien. Des députés UDI ont d’ailleurs déjà apporté leur soutien à des candidats LR à la primaire, par exemple Charles de Courson en faveur d’Alain Juppé ou Yves Jégo pour Bruno Le Maire.

En cas d’accord après le congrès extraordinaire de l’UDI, rien n’empêcherait Jean-Christophe Lagarde de refaire voter les militants : "Compte tenu de l’excellentissime accord avec les Républicains sur la primaire, la présidentielle et les législatives, souhaitez-vous que l’UDI participe à la primaire de la droite et du centre ? ". Chantal Jouanno, sénatrice de Paris et porte-parole de l’UDI, a d’emblée évoqué, sur Public Sénat, cette hypothèse.

L’UDI a-t-elle vraiment le choix ? D’une part, avec le retrait de Jean-Louis Borloo elle a perdu son unique présidentiable pour 2017. D’autre part, ne participer ni à la primaire ni à la présidentielle, élection reine sous la Ve République, c’est risquer de disparaître en tant que telle des écrans radars, même en apportant ultérieurement un soutien non négligeable à un candidat, qu’il s’agisse d’Alain Juppé ou de François Bayrou si un autre candidat LR l’emporte.

Dans une interview accordée au Monde, Hervé Morin appelle à un "rassemblement, qui irait de Valls à Sarkozy ou de Macron à Juppé, [qui] rassemble en fait près de 60 % des Français". Qu'est-ce que cette déclaration vous inspire ?

Tout le monde voit bien que les véritables clivages idéologiques n'ont pas lieu aujourd’hui entre la droite et la gauche actuelles, mais d’un côté, à l’intérieur du PS, et de l’autre côté, entre Les Républicains et le FN.

Cette recomposition du paysage politique à laquelle aspire Hervé Morin est celle défendue depuis plus de vingt ans par François Bayrou !

En 2007, lorsque l’UDF a éclaté, François Bayrou créant le MoDem et Hervé Morin le Nouveau Centre, les deux hommes avaient cependant divergé dans leur analyse. François Bayrou est parti au centre, misant sur son élection, un jour, à la présidence de la République, afin de recomposer le paysage politique. Hervé Morin, lui, est resté à droite en prenant acte de la force de l’ancrage de la bipolarisation. Les faits lui ont donné raison, puisque, de scrutins en scrutins, le MoDem a décliné entre 2007 et 2012.

Les circonstances pourraient toutefois, effectivement, demain les réconcilier. Encore une fois, à plusieurs conditions : qu’Alain Juppé gagne la primaire ; qu’Alain Juppé gagne la présidentielle avec le soutien du PS face à Marine Le Pen ; qu’Alain Juppé tende la main au PS aux législatives ; que le PS – ou tout au moins son aile sociale-libérale Hollande-Valls-Macron – saisisse cette main tendue.

Reste que ce scénario idéologiquement cohérent aurait une conséquence : il ferait du FN, si l’on considère les rapports de force actuels, la principale alternative à cette nouvelle majorité.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !