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Conférence environnementale : preuve de l'influence des Verts sur le gouvernement ou simple gage pour éviter les tensions ?
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Couleuvres

Europe Ecologie-Les Verts organise ce lundi et mardi ses journées parlementaires. Au lendemain de la conférence environnementale, les Verts comptent-ils plus que jamais au gouvernement ou sont-ils réduits à avaler des couleuvres ?

Erwan Lecoeur

Erwan Lecoeur

Erwan Lecoeur, est sociologue et consultant en communication politique.

Il est l'auteur Des Écologistes en politique (Editions Lignes de repère, 2011)

 

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Atlantico : Les journées parlementaires d’EELV sont organisées ce lundi et mardi. Nucléaire, conférence environnementale, traité budgétaire européen... Sur quelles thématiques les écologistes sont-ils susceptibles de débattre de manière houleuse ?



Erwan Lecoeur : Il y a toujours la tentation de la dissension interne et de demander toujours plus et plus vite, chez les écologistes. Mais aujourd’hui, ce ne sont pas forcément des sujets de fond (la sortie du nucléaire, la biodiversité…) qui vont diviser les écologistes entre eux, mais plutôt les de modalités de mise en place de certaines promesses par le gouvernement. Ce que peuvent reprocher les militants écologistes à leurs dirigeants, c’est la façon dont les engagements ont été pris (ou non) et seront tenus. Ce qui inquiète bon nombre d’écologistes, c’est qu’ils n’ont pas de visibilité sur les marges de manœuvre que François Hollande pourrait leur laisser, et jusqu’où iront les socialistes sur certains dossiers sensibles.

On pense au nucléaire, qui a créé un vrai différend durant la campagne présidentielle ; mais on pourrait évoquer aussi des dossiers comme les autoroutes, ou l’aéroport Notre-Dame-des-Landes (près de Nantes). Plus politique, il y a le contentieux sur la proportionnelle, qui est l’autre sujet de désaccord reconnu entre les deux formations. Et puis, plus près en termes de calendrier, il y a le vote sur le pacte budgétaire européen. Voilà des sujets sur lesquels, pour nombre d’écologistes, il s’agit de savoir jusqu’où agir et jusqu’où s’opposer au PS et au gouvernement. Bref, chaque annonce et chaque avancée seront l’objet d’une évaluation au sein des rangs écologistes en ces termes : jusqu’où accepter de jouer le jeu de la solidarité gouvernementale ?  Et que peut –on en attendre ?

Dans le cadre de la conférence environnementale, François Hollande a réaffirmé sa volonté d'interdire les gaz de schiste et annoncé la fermeture de la centrale de Fessenheim. Estimez-vous que les gages donnés par le gouvernement aux écologistes sont de nature à apaiser les tensions ?

Les annonces faites par François Hollande lors de l’ouverture de la conférence gouvernementale ont plutôt été de nature à contenter les écologistes, au moins dans un premier temps. On a entendu parler de "moment de satisfaction, et même de plaisir", à l’annonce de la fermeture de la centrale de Fessenheim pour 2016. Il y a aussi l’interdiction des gaz de schiste – y compris l’exploration - ou la hausse de la TGAP, mais surtout le plan d’isolation thermique qui concernerait 1 million de logements… En passant à la vitesse supérieure massivement, Cécile Duflot et Delphine Batho ont fait plus pour le rapprochement entre écologistes et socialistes à travers un dossier majeur, que bien des déclarations depuis des années.

Ce n’était pas gagné. Il y a encore quelques jours, plusieurs déclarations semblaient destinées à avertir les écologistes que leurs demandes n’engageaient pas certains membres du gouvernement. On pense à certains propos sur l’importance du nucléaire comme filière industrielle (Arnaud Montebourg), sur l’importance de l’emploi avant tout… Mais il y a aussi la façon de traiter les Roms (Manuel Valls), ou la question de la discipline de vote à l’égard du traité budgétaire européen. Les écologistes avaient eu la sensation légitime que certains de leurs alliés socialistes les traitaient avec un certain dédain. C’est sans doute moins le cas aujourd’hui. Les avancées de la conférence gouvernementale et les discours du Président et du Premier ministre ont clairement permis de remettre de l’huile dans les rouages de l’accord EELV-PS.

Dans ces conditions et à force de vouloir être au gouvernement, Les Verts n'en sont-ils pas réduits à avaler les couleuvres du gouvernement ?




Accepter d’avaler quelques couleuvres, c’est le lot de tous les alliés minoritaires au sein d’un gouvernement. Et les écologistes, qui veulent faire bouger des choses, savent qu’ils doivent accepter cet équilibre instable et parfois malaisé. Il y aura donc nécessairement des "couleuvres" à avaler sur des dossiers importants, liés aux arbitrages budgétaires, ou aux choix de société : sur le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales, par exemple, mais aussi sur la proportionnelle, ou sur le non cumul des mandats ; il est clair que ces sujets, que les écologistes estiment importants, ne font pas l’unanimité au PS, ni au sein du gouvernement. Ce sont des engagements que les écologistes rappelleront à leurs alliés, sans grand espoir de les convaincre, néanmoins.

Par contre, sur les dossiers que des écologistes ont en charge, ou sur lesquels ils sont identifiés (écologie, environnement, logement, ou commerce international)  il est clair qu’il y aura des arbitrages beaucoup plus serrés. Sur l’énergie, ou sur l’aménagement du territoire, les loyers ou les questions de paradis fiscaux, on pourrait même avoir de vrais conflits au sommet. Et des avancées notables ne sont pas impossibles, pour les dirigeants Verts.

Le PS reste majoritaire et imposera le plus souvent sa vision des choses. Mais il doit aussi ménager son allié principal s’il ne veut pas le perdre en route. Car il y a un précédent à cette histoire. Même quand ils ne l’ont pas connue - comme Cécile Duflot -, les écologistes n’ont pas oublié la période de la “gauche plurielle” (1997-2002) et certaines déceptions de l’époque. C’est le “syndrome Voynet” qui guette ; et ils le savent : s’ils perdent trop d’arbitrages et ne sortent pas du gouvernement, il sera difficile de se justifier auprès de leurs soutiens et de leur électorat, à l’issue du mandat. En vertu de ce principe et de l’histoire, on pourrait imaginer que les équipes écologistes en place réfléchissent déjà à la meilleure façon de tirer parti de leur participation, tout en préparant une sortie du gouvernement à l’occasion d’un différend emblématique, après deux ou trois ans… Ils gagneraient ainsi sur les deux tableaux : crédibilité dans l’action, et capacité à rompre sur un différend sérieux, pour reprendre leur autonomie vis-à-vis d’un PS en difficulté, après 2014.

Cécile Duflot est-elle toujours le leader des Verts ? Sa présence au gouvernement l'a-t-elle éloignée des préoccupations des écologistes ?

Cécile Duflot reste la figure marquante de ces dernières années. Elle est celle qui a réussi la mue du parti depuis 2007, en utilisant l’aventure Europe Écologie (en 2009) et en transformant le mouvement dans la foulée, jusqu’à l’accord avec le PS. Beaucoup de militants écologistes lui reconnaissent cette réussite. Elle n’est plus à la tête d’EELV, mais ses proches restent présents autour du nouveau secrétaire national (qu’elle a soutenu), Pascal Durant. Ce dernier s’inscrit dans la suite de cette stratégie gagnante, tout en apportant un peu d’autonomie dans le discours ; ce qui apporte de la combativité, en interne.

L’équilibre à trouver aujourd’hui n’est pas tant entre Jean-Vincent Placé et Cécile Duflot, mais dans la difficulté à apparaître comme un parti distinct du gouvernement, tout en soutenant des ministres qui sont tenus à certaines règles de solidarité. Agir à la tête de l’État, tout en proposant, voire en  s’opposant. Sans oublier qu’un parti écologiste d’opposition n’aurait que peu d’impact sur le réel… Et dans l’opinion. D’autant que cette posture est préemptée par le Front de Gauche, lui-même sujet à des difficultés de cohésion interne, pour d’autres raisons.

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