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Les policiers ont le moral dans les chaussettes.
Les policiers ont le moral dans les chaussettes.
©Reuters

Le moral dans les Rangers

Une étude sur le management et le stress au travail réalisée par une unité de recherche du CNRS de Toulouse démontre que les policiers ont le blues. Direction qui ne reconnaît pas les efforts fournis (72,2%) ou qui ne semble pas fière des réalisations des agents (62,9%), le constat est assez morose. Comment concrètement redonner le moral aux policiers ?

Bruno Beschizza

Bruno Beschizza

Bruno Beschizza est conseiller régional d'Île-de-France, élu en mars 2010 en Seine-Saint-Denis et Secrétaire National de l'UMP à l'emploi des forces de sécurité.

Avant 2010, il était commandant fonctionnel de Police, secrétaire général du syndicat Synergie-Officiers.

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Atlantico. Une étude sur le management et le stress au travail réalisée par une unité de recherche du CNRS de Toulouse démontre que les policiers ont le blues. Institution qui ne reconnaît pas les efforts fournis (72,2%) ou qui ne semblent pas fière des réalisations des agents (62,9%), le constat est assez morose. Comment concrètement redonner le moral aux policiers ?

Bruno Beschizza : Il y a deux axes très concrets. Dans un premier temps : redonner du sens à leur action. Ça ne sert à rien de leur donner l’illusion qu’ils seront plus nombreux sur le terrain, que plus de moyens seront mis à leur disposition. Le problème c’est que les policiers interpellent les voyous, ils mettent en danger leur vie et celle de leur famille, alors que la ministre de la Justice, Christiane Taubira mène une politique basée sur l’impunité et, pour vider les prisons, offre quasiment aux voyous l’opportunité ne plus passer par la case prison. Alors oui, le policier doit être sur la voie publique pour arrêter le délinquant, le criminel afin de protéger la population mais il faut que cette action ait du sens, qu’elle en vaille le coup.

Dans un deuxième temps, la police a vécu de nombreuses réformes structurelles depuis 1995. Par exemple, cette année-là plusieurs fusions ont eu lieu (les gardiens en tenue et les gardiens en civil, les inspecteurs de police et les officiers), puis en 2004 un accord a redéfinit la structure de la police. En effet, c’est une maison dans laquelle, dès qu’il y a un nouveau ministre de l’Intérieur, les directions changent. Donc les policiers en ont l’habitude.

La grande réforme pluriannuelle, lancée par Nicolas Sarkozy en 2004, était novatrice car ce fut la première fois qu’un contrat était mis en place entre le ministère et les organisations syndicales, et ce sur plusieurs années. C’est vrai que dans le microcosme syndical, la plupart du temps, c’est tout, tout de suite. Là, la réforme s’est faite sur huit années. Il y a donc eu des avancées indiciaires (financières) pour les gradés et les gardiens de la paix notamment mais aussi des avancées statutaires (les gardiens de la paix sont passés de catégorie C à catégorie B). Aussi, l’ancien ministre de l’Intérieur avait voulu rapprocher police et gendarmerie. Aujourd’hui, on est dans ce mouvement là mais les policiers ne savent pas vraiment où ils vont.

J’ai fait part à Manuel Valls, actuel ministre de l’Intérieur, en mon statut de secrétaire national UMP, du fait que les policiers ont besoin d’une grande réforme structurelle, qui consisterait à mettre autour d’une table tous les policiers de tout grade, mais aussi les gendarmes, et leurs représentants respectifs ainsi que les représentants des polices municipales. Pour moi, ces derniers sont soumis au même stress, à la même dangerosité du terrain, aux mêmes impératifs. Malheureusement pour le moment Manuel Valls s’y refuse. On doit mettre à plat les missions des uns et des autres. Pas pour négocier un point d’indice mais pour éventuellement changer  les structures, créer des passerelles entre les corps de métier. Voilà ce qui serait remotivant.

Comment s’explique ce sentiment de désintérêt de l’institution envers les policiers ? 

Est-ce que cela vient de l’Institution ? Ou plutôt du public ? Je suis moi-même rentré dans la police en 1990 et en suis sorti en 2010. Nous sommes ceux qui allons là où personne ne se risque à aller. Vous arrivez au boulot, et même si vous avez des soucis, vous devez vous concentrer sur ceux des autres. C’est un milieu qui est anxiogène car le policier est en quelque sorte l’éboueur de la société. Certains traitent la délinquance : toute la journée, ils rencontrent des pédophiles ou des meurtriers donc des individus qui psychologiquement ne représentent pas la « fine fleur » de la société ! D’autres tentent de contenir les perturbateurs de quartiers sensibles. Tous ont un quotidien certes qu’ils ont choisi mais qui n’est pas toujours facile. Cela explique le besoin de reconnaissance. Mais ils n’en ont pas l’impression. Regardez dans les films par exemple, c’est l’image du flic alcoolique, de « Pinot simple flic », toujours ce cliché du bonhomme légèrement limité intellectuellement… Alors qu’en réalité, il y a parmi les policiers des bacs +2 ou +3 qui ont ensuite passé le concours de police. Ce sont des clichés que les policiers vivent mal, des affaires médiatiques qui défraient la chronique souvent que dans un sens : bien sûr de temps en temps on va parler au JT d’un agent tué dans l’exercice de sa profession mais pour ce seul cas, on va parler de trois officiers ripoux. Un fils de policier n’est pas perçu comme un fils de fonctionnaire…C’est autre chose.

Aussi on voit dans l’étude que le risque de suicide dans la profession est supérieur de 36 % à celui du reste de la population. Malheureusement j’ai vécu moi-même tellement de suicides lorsque j’étais policier syndicaliste que je connais le problème. La question c’était toujours : est-ce à cause de son travail ? De sa vie personnelle ? Ou un peut-être un peu des deux ? Il n’y a en fait pas d’équation parfaite. Par exemple, une femme vit mal son divorce. Elle vient travailler malgré tout chaque matin et subit les problèmes des autres. Je dirai que la profession n’est pas une cause directe des suicides mais la difficulté du quotidien sur le terrain rend bien évidemment le moindre problème plus important.

Y a-t-il également un manque de reconnaissance de la population française envers l’action des agents de police ?

Je suis très partagé sur cette question. En effet, il y a la tarte à la crème servie par certaines associations qui font état d’un divorce entre police et population. Mais je ne crois pas en ce constat. On voit clairement qu’au 14 juillet, les Français sont fiers de voir défiler leurs policiers sur les Champs-Elysées. Par contre, je pense que les policiers se sont eux-mêmes laissés intoxiquer par la musique des associations psycophobes. Maintenant que je ne suis plus policier, je suis plus à même de voir qu’il y a beaucoup plus de gens admiratifs de notre métier que quand j’étais policier. On ne dit pas assez à nos policiers qu’on les apprécie. Ceux qui parlent le plus fort sont ceux qui aiment s’en prendre à la police. Les associations de victimes sont bien moins entendues sur les plateaux télé par exemple.

Notre société n’est pas forcément très reconnaissante comme dans les pays anglo-saxons par exemple où l’on remet aux agents efficaces des décorations, on parle du mérite de certains d’entre eux. Les militaires eux savent reconnaître le mérite symboliquement. Un militaire qui a dix ans de carrière a déjà cinq ou six décorations. Il n’est pas rare qu’un policier qui lui aura fait trente ans sur la voie publique parte en retraite avec une seule décoration. Il y a de moins en moins de légion d’honneur, de mérite national qui s’explique par des quotas administratifs très contraignants.

Je pense que cette étude a eu ceci de bon qu’elle révèle une attitude très responsable d’un syndicat, Alliance Police Nationale. Par contre, il ne faut pas oublier la police municipale qui est un acteur incontestable.  

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