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Comment Nicolas Sarkozy est en train de se représidentialiser
©Reuters

Calme comme un toutou

Dans Le Parisien, Nicolas Sarkozy change de ton. Il dit lui-même : "Je suis plus calme", mais il se montre surtout moins clivant, plus modéré. Les pics, les petites phrases ont disparu. Le Président des Républicains a visiblement décidé de faire sobre.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Atlantico : Nicolas Sarkozy serait-il en voie de re-présidentialisation ?

Christelle Bertrand : En effet, dans le Parisien d’hier, le ton de Nicolas Sarkozy a beaucoup changé. Dès le début de l’entretien, il adresse des signaux forts aux lecteurs venus l’interroger et à travers eux à l’ensemble de l’opinion et aux médias. Il dit : "je prendrai le temps". On n’a pas été habitué à ce que Nicolas Sarkozy prenne son temps, bien au contraire, sa marque de fabrique c’est d’aller vite, plus vite que l’actualité. Ce "je prendrai le temps", résonne comme un "j’ai changé". Autre signe des temps cet aveu "il a beaucoup de choses que je referai différemment" et de regretter son célèbre "casse toi pauv’con". Il faut se souvenir que Nicolas Sarkozy a toujours refusé de se livrer à un inventaire, il était même furieux lorsque Jean-François Copé, alors président de l’UMP, a pris sur lui d’en organiser un pour faire taire les critiques qui commençaient à fuser contre l’ancien président. Nicolas Sarkozy semble donc bien décidé à montrer de lui une image différente. C’est aussi vrai sur le fond. Il ne se montre pas clivant et propose des reformes concrètes ce qui était un peu absent de ses récents discours. Il veut supprimer les 35 heures, renégocier l’âge de départ à la retraite, demander aux professeurs de travailler plus, revenir à la règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux abolie par François Hollande, revenir sur le principe d’emploi à vie dans la fonction publique.

Bruno Jeudy : Nicolas Sarkozy s'est contenté du minimum en matière de mea culpa dans son interview du Parisien. S'il veut vraiment se réconcilier avec les Français, il doit tirer les leçons du pouvoir, c'est-à-dire celui de l'Elysée. Cet inventaire, il doit le mener sur le fond comme sur la forme, mais aussi sur l'après du pouvoir. S'il doit y avoir une re-présidentialisation, c'est à travers une véritable réaction sur sa manière de pratiquer le pouvoir en tant que Président, et préparer celui que l'on ambitionne de retrouver. Il faut qu'il y est un véritable changement dans le ton, et sur le fond.

Pourquoi éprouve-t-il le besoin de rentrer ainsi dans la norme ? N’y a-t-il pas un risque de transformer son discours en robinet d’eau tiède et de se fondre dans la masse de ses concurrents ?

Christelle Bertrand : Ces derniers temps, on lui a beaucoup reproché la légèreté de ses discours. Certains ont même laissé entendre qu’il confondait meeting politique et spectacle humoristique. Les militants adorent, mais Nicolas Sarkozy a du mal à séduire au-delà de ce cercle. Dans les sondages, il cède même peu à peu le pas à Alain Juppé qui, lui, donne dans le sérieux, l’austère. C’est assez paradoxale, lui, l’ancien président, qui a eu à gérer des crises grave, passe presque pour un amateur de la politique. Au maire de Bordeaux la stature d’homme d’Etat à Sarkozy le rôle du comique troupier. Nicolas Sarkozy, qui voulait revenir en homme providentiel, une sorte de de Gaulle du XXIème siècle, s’est donc trouvé prisonnier de cette image dont il devait absolument sortir pour ne pas décrocher dans les sondages. L’offensive lancée à la rentrée par Fillon et Juppé qui ont tous deux fait des propositions programmatiques, l’un sortant un livre sur l’Education l’autre l’ébauche d’un programme, a accéléré les choses. Nicolas Sarkozy ne pouvait pas se laisser distancer. Il choisit même de laisser de côté les sujets d’immigration ou de sécurité qu’il affectionne tant, pour parler économie et proposer des réformes douloureuse qui semblent surtout répondre à l’offensive du jour de François Fillon.

Bruno Jeudy : Je ne crois pas que sa volonté soit de rentrer dans la norme, après 35 ans de carrière politique. Et si c'était le cas je pense que ce serait une erreur. Il a tout intérêt à rester comme il est.

Maintenant, il sait, à l'aune de ses premiers mois de retour, qu'un certain nombre de choses marchent moins bien qu'en 2007. Il ne pourra pas refaire le coup du "j'ai changé", ni les références à Jaurès dans ses discours. Il doit donc nécessairement se renouveler pour être compétitif. Pour la première fois, il se retrouve avec au moins un vrai concurrent qui est Alain Juppé.

Dans tous ses discours, il rappelle que l’heure est à la campagne des régionales, qu’il faut protéger ce scrutin des primaires, mais dans Le Parisien, il n’évoque que des sujets nationaux. Cette re-présidentialisation correspond bien à une stratégie nationale. Nicolas Sarkozy est-il en plein contradiction ?

Christelle Bertrand : C’est tout le génie de Nicolas Sarkozy qui, de ce point de vue, n’a pas perdu la main. Il a l’art de brouiller les pistes, d’apparaitre au Touquet comme le garant de l’unité de sa famille politique, tentant même d’imposer un programme commun à tous les candidats à la primaire et, quelques jours plus tard, d’exposer les prémices du sien. On se souvient de cette phrase prononcée samedi dernier devant les militants : "Il y aura donc avant les primaires un projet d’alternance, qui engagera tous ceux qui seront candidats aux primaires", est-ce ce projet d’alternance que Nicolas Sarkozy exposait hier dans le Parisien ? Non, il s’agit de ses propres idées. Nicolas Sarkozy est très conscient que son rôle de président du parti a certes des avantages mais aussi des inconvénients : il lui permet d’être maître du calendrier, de l’organisation des primaires. D’avoir une visibilité supérieure aux autres et d’apparaitre comme le gardien de la maison commune mais en même temps, et à ce titre-là, il ne peut mener sa propre campagne qu’entre les lignes, qu’en demi-teinte. Et s’il ne veut pas se laisser distancer par ses concurrents, il doit s’autoriser des incartades comme hier dans Le Parisien. Celui qui répondait à l’interview n’était pas président des Républicains mais bien candidat à la primaire de la droite et du centre.

Bruno Jeudy : Nicolas Sarkozy est effectivement en pleine contradiction. Il a plusieurs fois appelé à se concentrer aux régionales, sans gêner les candidats. Mais en même temps, le Président des Républicains, s'est lancé tout comme les autres candidats à la Primaire. Il accélère le rythme parce qu'il a vu les derniers sondages qui montre qu'Alain Juppé fait jeu égal avec lui.

Cette re-présidentialisation, c’est toute l’histoire de Nicolas Sarkozy. Durant son quinquennat déjà il avait eu besoin de se re-présidentialiser plusieurs fois: en mars 2008, au lendemain de la défaite de la droite aux municipales ; puis en mars 2009 alors que le président se retrouve empêtré dans un large mouvement de grèves. Nicolas Sarkozy, en bref, nous a déjà fait le coup au moins deux fois... Cette énième re-présidentialisation peut-elle "prendre" ?

Christelle Bertrand : C’est toute la question posée par le retour sur la scène politique de Nicolas Sarkozy : la magie est-elle capable d’opérer à nouveau ? Après la conquête peut-il y avoir une reconquête ? Les gens le connaissent par cœur, d’autant qu’il s’est beaucoup mis à nu, il leur est devenu familier, presque intime. Les électeurs ont conscience de ses moindres défauts et les rejettent à tel point qu’ils n’écoutent plus ce que l’ancien Président aurait à proposer en termes de programme. C’est pour ça qu’il est pour lui, à la fois, nécessaire de changer mais très compliqué d’être crédible. D’autant que ses attitudes, ses "mimiques", qui sont toujours les mêmes laissent entrevoir que ce changement pourrait être factice. L’opération entamée par Nicolas Sarkozy est un travail de longue haleine, ça n’est pas en deux ou trois prestations qu’il convaincra qui que ce soit car, en effet, à chaque fois ou presque qu’il a été en difficulté dans les sondages il a adopté la stratégie du "j’ai changé", du "j’ai compris". Elle parait aujourd’hui un peu éculée pour imprimer à moins qu’il y mette plus de constance qu’avant et surtout qu’il donne des preuves de ce changement.

Bruno Jeudy : La figure du changement chez l'homme politique est un classique, une stratégie presque éculée. Il n'empêche que pour Nicolas Sarkozy, elle a souvent marché. Jacques Chirac, avant lui, avait capitalisé sur le fameux "j'ai changé". Le problème c'est qu'il a été Président de la République. Ccela peut donc être hasardeux s'il ne le fait pas complètement. Il faut absolument qu'il tire toutes les leçons de ses expériences passées.

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