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Comment Nicolas Sarkozy aimerait faire du Conseil National des Républicains un grand rendez-vous anti-anti-sarkozyste
©Reuters

En coulisses

Le Conseil National des Républicains de 2016 débute ce samedi 2 juillet. Organisé par Nicolas Sarkozy pour fédérer son électorat, il devrait néanmoins accueillir brièvement Alain Juppé.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Atlantico : Le Conseil National des Républicains doit bientôt débuter… Concrètement, à quoi faut-il s'attendre ? Quels en sont les principaux enjeux ?

Bruno Jeudy : Un nouveau sacre pour Nicolas Sarkozy. Un an après la fondation des Républicains, son président entend asseoir son ascendant sur son camp – ou du moins, sur la partie sarkozyste de son camp. Ce conseil National des Républicains c'est d'abord la réunion des supporters de l'ancien président de la République. Il apparait clairement que ses concurrents à la primaire ont pris de la distance avec le parti, ou au moins avec la mouvance sarkozyste. Les Républicains sont, somme toute, devenus une sorte d'écurie présidentielle de Nicolas Sarkozy en tant que futur candidat à la primaire (de la même façon que François Fillon, Bruno Le Maire ou Alain Juppé ont les leurs). Alain Juppé, par ailleurs, devrait faire une apparition samedi. Il a décidé de ne pas boycotter cette réunion ce qui n'est que la preuve que ce Conseil National est voué à la préparation de la candidature de Nicolas Sarkozy.

Pour autant, il n'y aura pas formellement d'annonce de sa candidature. Nicolas Sarkozy a même déjà dit qu'il profiterait encore de la présidence des Républicains jusqu'à ce qu'il soit contraint de l'abandonner, le 25 août. Pour autant, à défaut d'annonce formelle, il est évident que tout ressemblera à une mise sur orbite de Nicolas Sarkozy, en vue de la campagne des primaires et, ultimement, en vue de l'élection présidentielle de 2017.

Il y a aussi, bien évidemment, des attentes de la part des militants. Les plus fervents soutiens de l'ancien chef de l'Etat n'attendent que de pouvoir scander "Nicolas – Nicolas, Président !" tandis que les moins enthousiastes d'entre eux attendent clairement d'assister à un Conseil National qui ne peut de toute façon qu'être un moment important pour le parti. Au-delà de la concurrence entre les candidats à la primaire, ce Conseil National marquera également l'évolution de la doctrine du mouvement. C'est également l'occasion pour les futurs candidats aux législatives – dont une grande partie a d'ores et déjà été désignée – de se retrouver dans cette enceinte. Cela ne ressemble que de très loin aux grand-messes gaullistes du RPR, bien sûr, mais ça n'en est pas moins un passage important.

Nicolas Sarkozy a tenu à organiser ce Conseil National. A-t-il été compliqué à organiser ? Quels sont les risques auxquels il s'expose (et comment cela pourrait éventuellement servir ses adversaires) ?

Il s'agit d'un Conseil National somme toute assez classique, bien que le vote se fasse finalement à mains levées. C'est un peu la "surprise du chef" : cela fait très longtemps que, dans les instances gaullistes, que nous n'avions plus assisté à ce type de vote. Compte-tenu des suspicions de ces dernières années que l'on sait, la tendance était davantage au vote par internet. Il faut y voir, je crois, un léger coup de pression de la part des sarkozystes sur Alain Juppé.

Il y aura aussi, comme de coutume, le défilé des responsables du parti. Le secrétaire général, le vice-président, le président du Conseil National, le trésorier, etc… tous devraient prendre la parole. Bien entendu, le discours de clôture sera réservé à Nicolas Sarkozy.

Quant à d'éventuels risques relatifs au Conseil National, j'émets quelques doutes. Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy est dans une situation politique qui lui est nettement plus favorable que lors du précédent Conseil National. À cette occasion, il avait eu beaucoup de mal à imposer sa charte, et son jeu de questions-réponses avait finalement tourné à son procès en raison des interventions de Jean-François Copé, de Nadine Morano et du discours musclé de Jean-Pierre Raffarin. Aujourd'hui, au mois de juin 2016, Nicolas Sarkozy est en ascension dans les sondages. Les séquences Brexit, et celle qui la précède sur la contestation sociale, ont remis en lumière son leadership. Il est clairement dans une meilleure position politique qu'à l'occasion du dernier Conseil National. De ce fait, le risque politique est assez limité, d'autant plus que la vraie confrontation commencera lors de la campagne des primaires et s'accentuera particulièrement avec les débats télévisés. Elle n'aura pas lieu dans l'enceinte du Conseil National.

La réaction de Bruno Le Maire (qui ne devrait d'ailleurs pas être le seul à boycotter le Conseil, comme ce devrait être le cas de Henri Guaino) souligne simplement les conclusions qu'il a tiré : selon lui c'est le projet du candidat à la primaire qui compte et non celui du parti. Participer au Conseil National, en un sens, reviendrait à épouser le projet largement préparé par les amis de Nicolas Sarkozy. Au fond, il lève toute hypocrisie sur cette question. Alain Juppé, à l'inverse, a fait le choix d'une très courte apparition quand François Fillon devrait se présenter au Conseil National. Il n'y a, finalement que très peu de risques que Nicolas Sarkozy essuie un boycott massif. Néanmoins, personne n'ignore la nature de ces venues, souvent très courtes et teintées d'hypocrisie.

Pour quelle raison était-il aussi important pour Nicolas Sarkozy de faire valider un programme dont il s'affranchira vraisemblablement durant sa campagne ?

Nicolas Sarkozy est revenu au travers du parti et il en joue clairement la carte jusqu'au bout. Ce faisant, il essaye de solidariser, de fédérer autour de lui le socle des militants de droite. Celui-ci lui permet, du moins l'espère-t-il, de se créer et de consolider son noyau d'électeurs très fidèle. Il essaye donc de mette ses concurrents en porte-à-faux le plus possible, qui jouerait eux en dehors du parti. Or, nous ne sommes pas sans savoir que traditionnellement à droite – et particulièrement dans les partis bonapartistes – l'instinct grégaire est fort, particulièrement développé. Nicolas Sarkozy compte clairement sur ce "patriotisme de parti" pour mettre ses opposants en difficulté. Concrètement, il souhaiterait pousser Alain Juppé autant que faire se peut vers le centre, tout en éloignant le plus possible François Fillon vers l'extérieur.

Jusqu'à présent, cette stratégie semble fonctionner : elle lui permet de consolider son noyau dur d'électeurs ce qui est un véritable atout. Tout spécialement quand personne ne peut prétendre connaître la participation réelle à la primaire… et il est probable que plus cette participation sera élevée, moins le score de l'ancien président de la République sera élevé (son électorat se retrouverait comme dilué) ; mais qu'à l'inverse il pourrait profiter d'une participation moins dense puisque son électorat est mobilisé. Cette stratégie, considérant la volonté de Nicolas Sarkozy de revenir via la carte du parti – plutôt que par celle de la carte de l'homme providentiel – n'est pas sans une indéniable et certaine forme de cohérence.

Enfin, réalisons bien que Nicolas Sarkozy ne s'affranchira pas du programme : le programme c'est lui. Il est, de tous les concurrents à la primaire de la droite, celui dont le programme est le moins abouti. Concrètement, il se limite à sa personne, son statut d'ancien président de la République ; et de chef de parti.

Que peut-on dire, par ailleurs, des relations entre différents candidats ? Des jeux d'alliances se dessinent-ils ?

Entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, les relations sont nécessairement – et logiquement – amenée à se tendre progressivement. Entre François Fillon et Nicolas Sarkozy elles sont d'ores et déjà tendues, voire très tendues. Enfin, entre Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy, les relations demeurent correctes : les deux hommes ont décidé, pour l'heure, de ne pas trop se taper dessus. Nicolas Sarkozy pourrait en effet avoir besoin des voix de Bruno Le Maire à un moment ou à un autre. Ce qui ne signifie pas qu'il y a déjà un jeu d'alliance aujourd'hui. Et pour cause : les trois autres candidats, en dehors de Nicolas Sarkozy joue massivement leur propre carte en vue du premier tour. Aucune esquisse d'alliance n'est déjà envisagée… mais la question de l'électorat "tout sauf Sarkozy" est une question réelle à droite. C'est d'ailleurs tout le calcul d'Alain Juppé.

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