Comment marchent vraiment les tuyaux d’Internet et qui est responsable des lenteurs de votre réseau<!-- --> | Atlantico.fr
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Une information passe par un nombre important d'intermédiaires qui peuvent détériorer la rapidité du flux.
Une information passe par un nombre important d'intermédiaires qui peuvent détériorer la rapidité du flux.
©Reuters-Pawel Kopczynski

Les arcanes du web

Fournisseur d'accès à internet, routeurs, sous-traitants qui travaillent dans l'ombre, serveurs, ordinateurs personnels... Avant d'arriver sur un écran, une information passe par un nombre important d'intermédiaires qui peuvent détériorer la rapidité du flux.

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin est enseignant à Sciences Po et cofondateur de Yogosha, une startup à la croisée de la sécurité informatique et de l'économie collaborative.

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Atlantico : Comment fonctionne concrètement Internet ? Quelles sont les différentes étapes qui permettent au final à une personne de voir les informations arriver jusqu'à elle ?

Fabrice Epelboin : Pour simplifier, disons que du point de vue d’un abonné grand public, il y a votre fournisseur d’accès - Free, Orange, SFR - et, derrière, d’autres opérateurs qui restent inconnus du grand public et qui acheminent les signaux d’un bout à l’autre de la planète. Entre un serveur web et vous peuvent se trouver plusieurs de ces intermédiaires, qui font passer les signaux jusqu’à votre fournisseur d’accès, à qui revient la charge de les acheminer jusqu’à chez vous.

Les ralentissements que vous constatez parfois peuvent venir de bien des endroits, mais comme entre deux points du réseau il existe toujours une multitude de chemins possibles et qu’internet est conçu pour être assez efficace, le coupable est souvent - mais pas toujours - votre fournisseurs d’accès ou le système qui connecte le site auquel vous accédez et le reste de l’internet, c’est à dire l’opérateur de réseau qui relie le serveur à internet ou le serveur lui même.

Certains grands mastodontes comme Youtube, dont le trafic demande des ressources importantes, sont accusés de prendre une place importante dans les bandes passantes. Quelles est la part de responsabilité des Youtube et Netflix et celle des fournisseurs d'accès à Internet dans les embouteillages constatés sur le réseau ?

C’est vous qui payez pour votre bande passante, donc à priori, c’est votre fournisseur d’accès qui a la charge de faire le necessaire, qu’il s’agisse de dimensionner la bande passante qui le relie à vous ou celle qui le connecte à d’autres opérateurs de réseau, le connectant ainsi au reste de l’internet - on parle là de peering. Les fournisseurs d’accès à internet poussent à l’abandon de la neutralité du net de façon à faire payer également les “gros consommateurs” tels que Youtube ou Netflix, ce qui d’un point de vue économique n’est pas idiot - faire payer deux fois la même chose - même si c’est assez malhonnête. Après, il faut tout de même avouer que le coût de la bande passante en France est très bas, et que la consommation de bande passante ne cesse de grimper, ce qui justifierait probablement une augmentation des tarifs.

Le soucis, si la net neutralité venait à disparaitre et que les “gros consommateurs” étaient amenés à payer pour leur bande passante, c’est qu’on verrait rapidement apparaitre deux phénomènes assez retords. D’une part, une large partie de l’internet ne serait rapidement plus accessible dans de bonnes conditions, autant dire que tous les sites n’ayant pas les moyens de payer tous les fournisseurs d’accès ne seraient rapidement plus accessibles dans de bonnes conditions. Les blogs, mais aussi la plupart des sites média étrangers, ainsi qu’une multitude de services, souffriraient rapidement de lourd ralentissement - on peut parler ici d’une vraie entorses aux principes démocratique qui ont prévalu jusqu’ici à l’accès à l’information sur internet. Dans la même veine, les sites média - dont l’économie est déjà précaire - se verraient contrains de payer les fournisseurs d’accès pour être distribués dans de bonnes conditions, ce qui achèveraient la domination des fournisseurs d’accès sur les média - déjà bien entammée - et mettrait un terme à l’indépendance - déjà relative - des média.

L’autre problème tient à la liberté d’entreprendre. Autant Google est tout à fait en mesure de payer un surcoût à une multitude de fournisseurs d’accès partout sur terre, autant c’est parfaitement infaisable pour une startup qui demarre, et qui se verrait ainsi privée de la possibilité de fournir ses services aux quatres coins de la planète. Cela donnerait une prime aux géants existants - Google, Amazon et consort - en payant les fournisseurs d’accès au passage - autres géants pré-existants. Au final, ce serait une catastrophe pour l’innovation, particulièrement dans des pays comme la France qui ont raté ce train, même si les comptes d’Orange ou de Free en verraient les bénéfices.  

Quels sont les autres responsables de la lenteur des connections ? En quoi peut-on dire que les routeurs, ces aiguillages qui donnent des itinéraires possibles pour la circulation des données, connaissent des surcharges importantes ?

Les responsabilités sont multiples, mais si l’on regarde les complaintes des fournisseurs d’accès ces dix dernières années, ils ont systématiquement annoncé un cataclysme imminent du fait d’une surcharge du réseau… Cataclysme qui n’est jamais survenu. Ces cris d'orfraie sont la plupart du temps une forme de chantage vis à vis des autorités pour obtenir plus de subventions, ou pire, pour pousser le législateur à mettre à mort la neutralité du net.

De la même manière, en quoi peut-on dire que les attaques de requins jouent elles aussi un rôle ?

Les traditionelle attaques de requins sur les fibres optiques sous marines ? Cela joue sans doute un rôle dans les ralentissement, tout comme certains tremblement de terre sous marins qui endommagent les cables, de même que les installations de surveillance de masse qui se trouvent un peu partout aux jonctions de ces cables sous marins, et qui doivent impacter les performances du réseau.

A la base, le principe de réseau sur lequel est construit internet est assez résilient, et il sait contourner un problème lorsqu’il survient, quitte à dégrader les performances. Les requins ne sont pas - loin de là - un problème critique.

Google a prévu de s'associer avec l'agence spatiale française (CNES) pour développer Internet sur la totalité du globe en envoyant dans la stratosphère de gros ballons gonflables pouvant relayer une connexion Internet. La priorité ne devrait-elle pas plutôt être d'assurer d'abord une connexion digne de ce nom pour les abonnés actuels ?

C’est une question purement politique. Transformons l’accès à internet en autre chose et vous saisirrez tout de suite la dimension politique de votre question - prenons par exemple l’accès à l’eau. Bon nombre de parisiens “souffrent” d’une eau courante ayant un léger arrière gout, due à des stations d’épuration qui ne sont pas parfaites - même si elles sont parfaitement sûres. Plutôt que de s’acharner à donner à tous les êtres humain un accès à l’eau potable, ne devrait-on pas d’abord permettre aux parisiens d’avoir une eau cristalline et sans arrière goût ?

C’est en effet une question de priorité. Reste à savoir où sont les votres, et la réponse est en effet purement politique.

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