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Comment le parti communiste chinois est en train de mener une OPA hostile sur les entreprises occidentales implantées dans le pays
©Reuters

Mondialisation, vous avez dit respect des règles par tous...?

Alors que la Chine a été considérée comme une sorte d’Eldorado pour les investisseurs depuis l’entrée du pays dans l’OMC à la fin de l'année 2001, les velléités actuelles du Parti communiste chinois commenceraient à inquiéter les entreprises étrangères installées sur place.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Alors que la Chine a été considérée comme une sorte d’Eldorado pour les investisseurs depuis l’entrée du pays dans l’OMC à la fin de l'année 2001, les velléités actuelles du Parti communiste chinois commenceraient à inquiéter les entreprises étrangères installées sur place. En effet, alors que le pays pourrait avoir moins besoin de ces entreprises, certains témoignages font actuellement état d'une volonté du parti de s'immiscer dans les décisions prises. 

Comment se manifestent ces intrusions du parti dans les entreprises occidentales implantées sur le territoire chinois ? 

L’ouverture sur l’extérieur a été un des éléments clés de l’expansion économique de la Chine depuis une quarantaine d’années. Les capitaux et les technologies importés combinés à une main-d’œuvre pléthorique, mais relativement formée, lui ont permis de moderniser ou de créer des secteurs entiers, comme l’industrie automobile et l’industrie électronique.

Si le coût du travail reste une des principales raisons des investissements étrangers en Chine, un défi majeur pour les sociétés étrangères consiste notamment en la protection de leur propriété intellectuelle, que ce soit la propriété industrielle ou le droit d’auteur. Les exemples de transgression de ces droits sont nombreux et le pays est notoirement connu pour les multiples violations de la propriété intellectuelle constatées sur son territoire. 

De son côté, le gouvernement, s’il cherche toujours à élargir l’expertise des entreprises chinoises en amont de la chaîne de valeur, il montre, par ailleurs, aujourd’hui, sa volonté de prendre des mesures drastiques pour protéger son industrie high-tech. Par exemple, le Parlement chinois a voté, en 2017, une loi autorisant l’État central à contrôler, au nom de la cybersécurité, les systèmes informatiques des entreprises situées sur son territoire, qu’elles soient locales ou étrangères. Ceci implique, pour ces sociétés, de stocker obligatoirement les données de leurs activités, sur des serveurs localisés dans le pays et de coopérer avec les agences de sécurité locales. Ainsi, en cas de besoin d’informations, l’autorité chinoise pourra, sans souci, accéder aux données concernant ces sociétés mais aussi à celles, personnelles, de leurs clients. Plus même, dans le cadre d’enquêtes criminelles, terroristes…, elles peuvent se voir exiger de dévoiler leur code source. 

Un autre exemple d’intrusion consiste, pour chaque entreprise américaine et européenne impliquée dans une co-entreprise, en l’obligation de trouver, pour une cellule du Parti communiste, la place et un rôle explicites dans la prise de décisions concernant la gestion de l’entreprise. C’est inquiétant car ceci suggère que les sociétés étrangères ne sont plus libres dans la gestion de leur activité et, donc, ne sont plus abritées de la vision globale du Président Xi Jinping visant à maîtriser la totalité de la société chinoise.

L’efficacité de ces mesures est remise en cause par les entreprises, qui si elles reconnaissent l’importance de prendre des mesures, estiment toutefois que l’État chinois est parti trop loin au moment où il a besoin, dans sa vision de l’économie mondiale, d’amis à l’étranger.

Dans quelle mesure ces révélations pourraient freiner les ambitions de certaines entreprises occidentales pour s'implanter sur place ? 

Jusqu’à présent, au vu de l’importance grandissante de la Chine dans l’économie mondiale, la question de l’implantation d’une structure en Chine était devenue de moins en moins un choix mais davantage une nécessité.

Mais, avec des dispositions aliénant la liberté des entreprises comme celles que je viens de mentionner, la Chine mène une politique d’attractivité contre-productive car elle risque d’empêcher voire limiter, à l’avenir, la venue de firmes étrangères sur son territoire ce qui, si le phénomène se développe, risque d’entraver, pour un temps,  la croissance économique du pays. 

De telles règles pourraient même devenir, à la limite, de vraies barrières commerciales qui vont d’une part, décourager les entreprises à investir en Chine et d’autre part, encourager celles-ci soit à réorienter leurs investissements vers d’autres marchés émergents de la région, soit, pour certaines d’entre elles, à étudier un retour partiel en Europe compte tenu d’un cadre juridique incertain et de la hausse générale des coûts en Chine (main d'œuvre, inflation, transport, taxes).

Au final, une entreprise qui veut vraiment s’implanter en Chine devra savoir s’entourer efficacement de spécialistes ayant une réelle expertise du milieu des affaires chinois (employés, cabinet d’audit, d’avocats ou de propriété intellectuelle) afin de transformer cette expérience en succès.

Quels sont les moyens de rétorsion envisageables pour que ces entreprises ?

Dans l’environnement économique actuel, un pays ne peut prendre de mesures de rétorsion que s’il estime que son partenaire commercial mène, de toute évidence, des mesures protectionnistes et discriminatoires contre ses producteurs et ses consommateurs. Donc, pour répondre à votre question, il n’en existe pas ou peu à court terme. 

Or, comme vous l’avez rappelé la Chine fait partie de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), organisation qui promeut le libre-échange. Dans ce cadre, lors de controverses entre deux Etats-membres, un pays peut saisir l’Organe de règlements des différends pour régler le litige. Ce système, fondé sur les règles, permet de rendre le système commercial plus sûr et plus prévisible et il ne serait d’aucune utilité si celles-ci ne peuvent être appliquées. 

A plus long terme, il faudra qu’un pays se lance dans une longue procédure de contestation sur la base d’éléments objectifs sachant que l’OMC établit une distinction importante entre la contestation d’une législation en tant que telle et la contestation de l’application de cette législation (distinction entre législation impérative et législation dispositive). Et encore ! La décision rendue ne sera pas une mesure de rétorsion mais une décision visant à juger si cette disposition législative favorise ou non le libre-échange.

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