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Comment Claude Bébéar, Bernard Arnault et Vincent Bolloré ont cultivé le "French paradox" et l’amour du "Made in France".
Comment Claude Bébéar, Bernard Arnault et Vincent Bolloré ont cultivé le "French paradox" et l’amour du "Made in France".
© ERIC PIERMONT / AFP

Bonnes feuilles

Christophe Labarde publie « Les grands fauves » aux éditions Plon. Ce livre retrace l'histoire d’une « bande de copains » qui a changé le visage du capitalisme français. Leurs noms ? Claude Bébéar, Vincent Bolloré, Bernard Arnault, Thierry Breton... Leur point commun ? Une petite association, Entreprise et Cité, sans logo ni locaux, qui se réunit de façon informelle autour d'un match de rugby, d'une bonne table ou d'une virée entre amis. Extrait 2/2.

Christophe Labarde

Christophe Labarde

Diplômé d'HEC, Christophe Labarde est journaliste et entrepreneur. Pendant vingt-cinq ans, il a coaché des responsables politiques de premier plan.

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Au-delà de l’image d’AXA, La Vaupalière, qui abrita aussi le siège d’Entreprise et Cité et de l’Institut Montaigne, symbolise également, à sa manière, l’incroyable réussite de toute la bande d’amis de Bébéar.

Une réussite 100 % française.

Bernard Arnault, on l’a rappelé, a été profondément choqué que Libération ose titrer, en une de son édition du 10 septembre 2012, « Casse-toi riche con ! ».

La Belgique, au demeurant, n’avait rien d’un para‑ dis fiscal. Elle est même au cœur de l’Europe dont elle abrite, ne l’oublions pas, les institutions les plus prestigieuses. Surtout, il n’a jamais été question, pour Arnault, de renoncer à la nationalité française ni à la France, où il continue à payer ses impôts et qui est, rappelle-t-il, « au cœur de mon identité personnelle et professionnelle ».

Difficile de ne pas le croire : si Bernard Arnault vend du luxe, il vend d’abord la France. Et son siège social, plus que jamais, est au cœur du cœur de la France du luxe : avenue Montaigne, elle aussi à deux pas des Champs-Élysées. Il me l’a répété : « Oui, je me sens, à ma manière, ambassadeur de la France. De sa culture, de ses valeurs, on pourrait dire de sa civilisation… »

Vincent Bolloré ne raisonne pas autrement : « J’au‑ rais pu installer mon siège social au Luxembourg, dans je ne sais quel paradis fiscal. Le problème ne se pose pas. Le siège social du groupe Bolloré est en France. En Bretagne. Et il y restera. » Les jeunes générations préfèrent partir à l’étranger ? « Tout a été fait pour détruire la France. On critique son histoire, ses élites, on monte les Français les uns comme les autres, c’est vraiment dommage… »

Tous, sans exception, m’ont tenu peu ou prou le même discours, à la fois mondial et enraciné.

« Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France », disait le général de Gaulle.

Eux aussi.

Jusqu’à Didier Pineau-Valencienne, inquiet de voir que si le siège de Schneider Electric est toujours officiellement à Rueil-Malmaison, l’actuel président, dont il loue par ailleurs le parcours et la compétence, a selon lui envoyé un mauvais signal en allant s’installer… à Hong-Kong. « Quand on dirige un leader mondial français, on ne s’installe pas à l’étranger… », tranche DPV.

Qu’on se le dise aussi : nos papys flingueurs sont français jusqu’au bout des ongles !

« French paradox »

On connaît le fameux french paradox : les Gascons, encore eux, si friands de cuisine à base de graisse de canard et de vin rouge tanique, seraient ainsi protégés de certaines maladies cardiovasculaires ! Ce qui reste encore à démontrer…

Ce qui n’est plus à démontrer, en revanche, c’est l’autre french paradox, qu’incarnent à la perfection tous nos papys flingueurs. Car voici de bons élèves, très bons élèves, même, souvent issus des meilleures écoles, mais d’écoles « à l’ancienne » (Polytechnique de la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, HEC du boulevard Malesherbes…).

Tous parlaient anglais plus mal les uns que les autres. Tous ont été formés dans l’élitisme le plus frileux et le plus franchouillard, à une époque où, à l’exception de l’ex-empire colonial, les frontières de l’imaginaire s’arrêtaient souvent à celles de l’Hexagone. Ce qui ne les a pas empêchés de bâtir, brique par brique, des géants… mondiaux !

Prendre la liste de tous les membres d’Entreprise et Cité serait un peu laborieux, mais les faits sont là : AXA est leader mondial de l’assurance ; LVMH leader mondial du luxe ; Sodexo leader mondial de la restauration collective (et premier employeur français) ; Capgemini leader mondial des services informatiques ; Schneider Electric leader mondial des automatismes et contrôles industriels ; Vivendi, avec Universal Music, leader mondial de la musique ; le groupe Bolloré ou BNP Paribas dans le peloton de tête des plus grandes entreprises européennes et, pour certains de leurs métiers, eux aussi leaders mondiaux… Même Jean[1]Michel Cazes a vu à plusieurs reprises son vin classé « meilleur vin du monde » par le Wine Spectator. Et le restaurant de leur copain Guy Savoy classé plusieurs années consécutives « meilleur restaurant du monde ». N’en jetons plus !

La tentation est grande, bien entendu, de comparer les performances des générations précédentes avec celles des générations actuelles, pourtant multilingues et biberonnées à Erasmus et à la mondialisation, mais toujours coincées entre le low-tech chinois et le high-tech californien.

La comparaison est cruelle : là où leurs grands aînés ont bâti des champions du monde, eux ont du mal à bâtir des champions d’Europe. Tout se passe même comme si la France n’arrivait plus à produire que des champions… de France !

Il serait probablement un peu hâtif de conclure dès aujourd’hui qu’ils ont déjà échoué. D’autant, comme me le fera remarquer Alain Minc, que s’il est vrai que la France manque désormais de grands créateurs et bâtisseurs mondiaux, elle n’a pas à rougir du nombre de cadres supérieurs, parfois très supérieurs, qui irriguent le nouveau réseau mondial du pouvoir.

Voire.

En attendant, l’économie française « d’avant-hier » avait un parrain. Il s’appelait Ambroise Roux.

L’économie française « d’hier » avait un autre parrain. Il s’appelle toujours Claude Bébéar.

Et aujourd’hui ? Et demain ?

De tous les décideurs à qui j’ai posé la question, aucun n’a été capable de me répondre… Dans la « tech », on trouve bien quelques petits « parrains 2.0 », Xavier Niel en tête (qui a épousé la fille de… Bernard Arnault ! Tiens, tiens…), mais dont le prestige, là encore, traîne encore un indécrottable accent français. Pour le reste…

L’économie, d’ailleurs, a-t-elle vraiment besoin d’un parrain ?

Chacun se fera son opinion.

A lire aussi : LVMH, l’ascension fulgurante de Bernard Arnault dans l’empire du luxe français

Extrait du livre de Christophe Labarde, « Les grands fauves », publié aux éditions Plon

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