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Comme un parfum d'impunité ? Ce que risquent vraiment les voleurs à la tire lorsqu’ils sont interpellés
©Reuters

Vol au vent

Ce 1er aout la presse a relayé un fait divers évoquant l'interpellation d'un voleur grâce aux selfies de ses victimes.

Gérald Pandelon

Avocat à la Cour d'appel de Paris et à la Cour Pénale Internationale de la Haye, Gérald Pandelon est docteur en droit pénal et docteur en sciences politiques, discipline qu'il a enseignée pendant 15 ans. Gérald Pandelon est Président de l'Association française des professionnels de la justice et du droit (AJPD). Diplômé de Sciences-Po, il est également chargé d'enseignement. Il est l'auteur de L'aveu en matière pénale ; publié aux éditions Valensin (2015), La face cachée de la justice (Editions Valensin, 2016), Que sais-je sur le métier d'avocat en France (PUF, 2017) et La France des caïds (Max Milo, 2020). 

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Atlantico : Au-delà de ce cas d'espèce, que peut-on attendre de ce type d'interpellations de la part de la police, et quelles sont les suites à attendre, pour un tel acte, pour l'individu concerné ? Quelles sont les pratiques usuelles du dispositif pénal en cas de vol, quelle différence avec les sanctions pénales normalement prévues par la loi ?

Gérald Pandelon : Aux termes de l'article 311-3 du code pénal, le vol est puni de 3 ans d'emprisonnement et 45000 euros d'amende, au maximum. Toutefois, la question essentielle est de savoir si la personne est une primo délinquante (auquel cas, le parquet pourra requérir une peine bien inférieure) ; ou, en état de récidive, ce qui aggravera le sort qui lui sera réservé par le ministère public. Autrement dit, c'est le contexte du passage à l'acte et la biographie pénale de l'auteur qui demeure l'élément essentiel ; de la même manière que si la personne venait à se raviser dans le cadre de la commission de son infraction (l'auteur se rend, par exemple, coupable d'une soustraction frauduleuse, mais, pris de remords, il décide spontanément de restituer son butin à la victime), il va de soi que l'action publique sera mise en mouvement mais que les peines seront plus clémentes.

En effet, le président du tribunal tiendra compte des antécédents judiciaires du mis en cause ; par conséquent, de l'importance du préjudice ; et, en pareilles circonstances, il sera proposé par le parquet une peine intégralement assortie du sursis simple, voire une peine alternative du type travail d'intérêt général (TIG) ou des jours-amende. En l’occurrence, la peine habituellement prononcée sera de 3 mois d'emprisonnement avec sursis ou TIG. De plus, un avocat pourra solliciter la non-inscription au casier judiciaire pour ne pas entraver l'avenir professionnel du prévenu, surtout si le contexte le permet.

Ces pratiques ont elles évolué au cours de ces derniers mois, dernières semaines, faisant suite à la victoire d'Emmanuel Macron à l'Elysée ? De nouvelles directives ont-elles été diffusées ?

En pratique, il n'existe aucun changement depuis l'arrivée de notre Président, M. Emmanuel MACRON. Peut-être existera-t-il tôt ou tard une différence entre la politique pénale de notre actuel Garde des Sceaux Madame Nicole BELLOUBET, et le précédent, M. Jean-Jacques URVOAS, dont le travail fut de qualité, mais, au-delà des mots, il n'y a pas, à mon sens, de différences notables. Il s'agit, comme précédemment, de désengorger les tribunaux (cette idée date de plus de 10 ans toutefois, avec la mise en œuvre du "plaider coupable " à la française) afin de permettre aux forces de police et de gendarmerie d'agir de façon plus rapide, plus pragmatique et avec davantage d'efficacité. Il convient de signaler toutefois une innovation intéressante, qui va plus loin que nos alternatives aux poursuites, à savoir l'instauration d'un pouvoir d’amende immédiat sans mise en œuvre de l'action publique, et ce, pour pallier le sentiment croissant de la population victime d’infractions de faible gravité, d'un désintérêt de notre institution judiciaire pour ce type de comportements, lesquels, bien souvent, se concluent par un classement sans suite du parquet.

Quelles sont les conséquences de cette situation sur le terrain, notamment sur la "motivation" ou le "découragement" des effectifs de la police ?

Le niveau de l'insécurité s'accroît en volume dans notre pays. En effet, ce sont plus de 5 millions de crimes et délits qui sont à déplorer dans un contexte où, par ailleurs, nous assistons à un phénomène de hausse de cambriolages et atteintes physiques aux personnes, agressions les plus lourdement ressenties par les victimes. Or, ce qui est de plus en plus ressenti comme injuste par les forces de l'ordre réside davantage dans le laxisme régnant dans le droit de l'exécution de peines. Aujourd'hui, en effet, la réforme pénale permet la libération quasi-automatique aux 2/3 de peine de prison, sans compter les crédits de réduction de peines et autres réductions de peines supplémentaires (RPS) ; de plus, Madame TAUBIRA, dans sa loi sur la récidive, a décidé d'ajuster le régime des condamnés primaires sur les autres détenus récidivistes ; par conséquent, un "primo-incarcéré" sera traité comme un récidiviste désormais dans le décompte de ses crédits de réductions de peine.  Que faut-il en penser ? Je crois, en réalité, que la réponse pénale demeure très sévère au stade de la condamnation s'agissant des auteurs majeurs, surtout en état de récidive légale ou spéciale, mais assez souple lors de la phase de l'exécution des peines. Toutefois, je me dois de dissiper un malentendu croissant dans notre pays : croyez-moi, notre justice pénale est très sévère. Si vous ne le pensez pas, je vous propose de me suivre quelques jours en audiences correctionnelles, et après nous en reparlerons. En fait, il existe un décalage entre la perception qu'en a la population et la réalité vécue au quotidien par des centaines d'avocats pénalistes. Et, croyez-moi, on se connaît presque tous, de Paris à Bordeaux, de Lille à Lyon, nous pensons tous la même chose.

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