Collectivités locales : simples victimes de la crise ou acteurs irresponsables de la dépense publique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les dépenses des collectivités locales auraient augmenté de 3,4 %.
Les dépenses des collectivités locales auraient augmenté de 3,4 %.
©Reuters

Déséquilibre budgétaire

Tandis que les ressources des collectivités locales n'ont augmenté que de 1,1%, les dépenses ont, elles, crû de 3,8%. Si le ralentissement des transactions immobilières est en partie responsable de ce déséquilibre budgétaire, les collectivités ne se sont pas efforcées de ne pas remplacer les personnes parties en retraite, et le recours à l'emprunt devrait se généraliser.

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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Atlantico : Selon le rapport sur les dépenses des collectivités locales publié lundi 28 juillet, en 2013, les dépenses des collectivités locales auraient augmenté de 3,4 %, tandis que leurs ressources n'auraient augmenté que de 1,1 %. Les collectivités locales sont-elles les responsables de cette situation ? Ne sont-elles pas également soumises à certaines hausses obligatoires des dépenses, à l'instar du RSA, ainsi qu'à certaines baisses inévitables des ressources, comme les transactions immobilières ?

Jacques Bichot : De fait, les départements ont pu avoir de mauvaises surprises du côté du RSA (+ 8,9 % pour le RSA "socle", l'ancien RMI), et de moindres rentrées sur les transactions immobilières, mais cela n'explique pas tout : leurs dépenses de personnel, par exemple, ont progressé de 3,1 % en 2013, ce qui signifie qu'à la différence de l'État elles n'ont pas fait beaucoup d'effort pour ne pas remplacer la totalité des départs en retraite. On sait aussi que des dépenses que l'on peut appeler de prestige, ou publicitaires, comme des affichages ventant les réalisations de la collectivité, ou des revues luxueuses, coûtent exagérément cher.

De plus, cet "effet de ciseaux", comme dit l'observatoire des finances locales, entre dépenses qui progressent trop vite et recettes qui ne progressent pas assez, se faisait déjà légèrement sentir en 2012 : le besoin de financement s'élevait seulement à 0,7 milliard en 2011 ; il est passé à 3,7 milliards en 2012, et il a atteint 9,2 milliards en 2013. Est-ce que les élections municipales ont un rapport avec cela ? on sait que l'équipe sortante fait volontiers un peu plus de dépenses d'investissement et de services "visibles" tout en modérant l'augmentation des impôts locaux, pour donner aux électeurs l'impression que sa bonne gestion lui permet de faire sensiblement plus sans guère prélever davantage ; le recours à l'emprunt comble la différence …

Peut-être aussi y a-t-il eu la volonté de donner un coup d'accélérateur avant le coup de frein qui va être rendu inévitable du fait de la baisse programmée des dotations accordées par l'État : "allons-y tant que nous en avons encore la possibilité", ont pu se dire certains maires ou présidents.

Quelles sont les raisons précises de la baisse des ressources des collectivités locales ?

L'augmentation de 1,1 % des recettes n'est pas une baisse ! C'est seulement un ralentissement, dû en partie, comme indiqué plus haut au ralentissement des transactions immobilières (toutefois l'augmentation des taux a en partie compensé la baisse du volume), mais compensé par une hausse conséquente de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. 1,1 % d'augmentation des recettes, c'est exactement le même taux que pour l'ensemble des administrations publiques, donc principalement, en plus des collectivités locales, la sécurité sociale et l'État. Quand l'activité économique stagne (le PIB n'a augmenté que de 0,3 % en 2013), on a beau augmenter les taux de prélèvement, les impôts et cotisations rentrent mal. Mais pour l'ensemble de ces administrations, la progression des dépenses n'a été que de 0,5 %, alors que les administrations publiques locales ont fait 3,4 %. Les dépenses de l'État et de la sécurité sociale ont décéléré très nettement, et celles des collectivités locales de façon infime (de + 3,6 % à + 3,4 %).    

Le taux d'endettement progresse sur les trois niveaux de collectivités. Quels sont les plus gros postes de dépenses des collectivités locales ? Pourquoi un tel déséquilibre par rapport aux ressources ? Pourquoi l'Etat est-il si permissif avec les collectivités locales ?

L'investissement local a progressé sensiblement : + 5,1 % en 2013 après + 5,8 % en 2012. Il y a aussi eu, côté personnel l'impact de la réforme des rythmes scolaires, qui a obligé à embaucher pour s'occuper des enfants durant les plages horaires d'où les cours ont été supprimés. Cette réforme était mal venue à un moment où il aurait fallu ne s'engager que dans les changements utiles pour relancer l'activité. Il y a là un manque de coordination de l'action de l'exécutif ; le Président et le Premier ministre ont laissé le ministre de l'Éducation nationale faire ce qu'il voulait : c'est un des domaines où leur manque de leadership, leur volonté de ménager la chèvre et le choux, tombait fort mal pour un pays qui devait tout faire pour rétablir rapidement ses finances publiques et lever les freins à l'activité des entreprises et à l'embauche.  

La participation à hauteur de 11 milliards d'euros sur le plan d'économies prévu par l'Etat peut-il être effectif ? Comment se traduira cette participation ?

11 milliards de dotations de l'État en moins en 2017 par rapport à 2014, ce ne sera pas facile à gérer. Les dotations budgétaires de l'État (environ 42 milliards) représentent 17 % des dépenses, qui s'élèvent en 2013 à 252 milliards. Les diminuer du quart obligera les collectivités soit à augmenter les impôts locaux, soit à freiner leurs dépenses, soit à emprunter davantage. La troisième solution est celle que l'État voudrait exclure, mais aura-t-il le courage de taper du poing sur la table pour que le retour à l'équilibre combiné avec une réduction de ses dotations soit principalement obtenu par la décélération des dépenses ? Il y a encore énormément d'élus locaux parmi les parlementaires …

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