Climat et énergie : réalisme ou utopisme<!-- --> | Atlantico.fr
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Le nucléaire est important dans le mix énergétique français.
Le nucléaire est important dans le mix énergétique français.
©GUILLAUME SOUVANT / AFP

Nucléaire

La nécessité de garder une part importante ou majoritaire de nucléaire dans le mix électrique européen s’impose selon Bernard Accoyer président du PNC France.

Bernard Accoyer

Bernard Accoyer

Bernard Accoyer est le président de l'association transpartisane Patrimoine Nucléaire et Climat (PNC-France). Il a été député Les Républicains jusqu'en 2017 et président de l'Assemblée nationale de 2007 à 2012.

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Si la première préoccupation environnementale est réellement la lutte contre le dérèglement climatique et la diminution des émissions de gaz à effet de serre, alors l’énergie nucléaire est indispensable, et pour longtemps encore. Il y a urgence : les décisions sont à prendre
maintenant !

Le GIEC prévoit dans son scénario P3, jugé parmi les plus solides dans son rapport de 2018 , la multiplication par un facteur 4 à 5 du parc nucléaire mondial à l’horizon 2050. Le directeur opérationnel de l’AIE, Fatih Birol, l’a exprimé clairement à Paris, début 2021 : « Fermer les centrales nucléaires françaises serait une erreur ... le nucléaire est un atout pour la France ».

Pourtant, l’Union Européenne, et plusieurs de ses États membres, ont orienté leur politique énergétique vers la sortie du nucléaire, faisant appel pour le remplacer et répondre à l’accroissement de la demande à un développement, rapide et de grande ampleur, des
énergies renouvelables photovoltaïques et éoliennes. Or la gestion de l’intermittence de production des énergies renouvelables est encore loin d’être assurée. RTE elle-même confirme que cette gestion exige la réalisation de quatre conditions cumulatives et nécessaires, dont aucune n’est aujourd’hui mature ou disponible. (Stabilité du système électrique, stockage massif et flexibilité externe des moyens, réserve de sécurité, extension
des réseaux).

Ainsi, malgré des investissements très importants dans les énergies renouvelables, les Etats membres de l’Union Européenne ne parviennent pas à réduire suffisamment, tant s’en faut, leurs émissions carbonées pour atteindre les objectifs qu’ils se sont assignés. Rappelons que l’objectif de réduction des émissions était de 40% en 2030, objectif qui ne sera pas atteint en France selon le Président de la Commission de Régulation de l’Energie. Mais, pour montrer malgré tout sa volonté politique, le Conseil européen a décidé de porter cet objectif à -55%, toujours pour 2030, et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Faut-il ici parler d’utopie, d’autant que les mêmes Etats s’emploient à développer l’usage du gaz naturel ?

Le développement massif des énergies renouvelables, en l’état actuel des technologies, conduit à surinvestir massivement car il faut, pour assurer l’approvisionnement, conserver les centrales pilotables. Dans les pays qui ont décidé une sortie du nucléaire il a même fallu construire de nouvelles centrales fossiles , à lignite ou charbon, comme Datteln4 en Allemagne en 2020, ou à gaz comme le prévoit la Belgique. Concrètement, le contrôle de l’intermittence conduit à repousser la sortie du charbon, du lignite (jusqu’en 2038 en Allemagne) et à installer des centrales à gaz. Ce type de transition énergétique est objectivement incompatible avec l’urgence climatique.

Le réalisme oblige à faire ce constat d’échec. La prise de conscience de la nécessité de garder une part importante ou majoritaire de nucléaire dans le mix électrique européen s’impose. Actuellement cette part est encore de 27 % en Europe et de 70 % en France.

Cette réalité divise l’écologie politique entre les utopistes et les réalistes. D’une part les utopistes qui, à marche forcée, veulent substituer au nucléaire des énergies renouvelables malgré l’évidence de l’impasse vers laquelle conduit cette politique, et d’autre part les réalistes qui reconnaissent qu’opinions et préjugés ne peuvent se substituer aux faits et à la science, et que le nucléaire est indispensable pour limiter le réchauffement climatique.

Parmi les écologistes sincères, nombreux sont ceux qui ont pris conscience de l’impasse dans laquelle les enfermait une idéologie aveugle. En France, citons parmi ces réalistes Brice Lalonde et Antoine Waechter qui ont été parmi les premiers à avoir l’intelligence et le courage de réviser leurs convictions, le Dr Jean-Louis Etienne, et plus récemment François de Rugy et Yann Artus Bertrand. Comment ne pas citer dans cette catégorie d’écologistes sincères et réalistes Patrick Moore, le fondateur de Greenpeace ou James Lovelock, penseur de l’écologie moderne ou encore certains « verts » allemands et finlandais, encore très minoritaires. Tous ont compris que le nucléaire était indispensable pour réduire nos émissions... à moins de souhaiter, sans le dire, au mieux une décroissance socialement aussi grave qu’injuste, et au pire le chaos de blackouts incessants en France comme en Europe.

Il est temps, car il y a urgence, et beaucoup de mal a déjà été fait à la filière dans l’Union Européenne. Le temps perdu pour engager l’avenir du nucléaire se soldera par un risque climatique et énergétique aux conséquences incalculables, ainsi qu’une fragilisation d’une de nos industries majeures, la troisième en France. C’est ce que viennent de recommander les économistes, parmi les plus reconnus, Olivier Blanchard et Jean Tirole considérant qu’il est «...fondamental de préserver et peut-être d’étendre notre capacité nucléaire dans un proche avenir. »

Le réalisme oblige à rappeler l’urgence climatique et l’urgence des décisions. La procrastination dont souffre l’industrie française n’a que trop duré.

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